Rappel du droit de la copropriété
Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux (Loi n°65-557, 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 3).
Les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires ou certains d'entre eux seulement (art. 4).
Principe de libre jouissance des parties communes
Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble (Loi 10 juillet 1965, art. 8 et 9).
En pratique les modalités d’usage des parties communes sont précisées par le règlement de copropriété (Loi 10 juillet 1965, art. 3).
Le droit de jouissance exclusif sur une partie commune peut également être conféré par une décision de l'assemblée générale prise à la majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
Que disent les juridictions ?
Arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 8 octobre 2007 - Cette décision fait une interprétation stricte du principe de liberté de jouissance des parties communes.
En effet, l'article 26 b) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :
" sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : la modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes".
Dès lors que le règlement de copropriété ne mentionne pas l'existence de parties communes spéciales à certains copropriétaires et que l'attribution de télécommandes, permettant d'actionner les barrières d'accès à la résidence, n'a fait l'objet d'aucune décision d'assemblée générale, le syndicat des copropriétaires ne peut, sans commettre une voie de fait, refuser la délivrance d'une télécommande à un copropriétaire, au seul motif qu'il ne dispose pas d'un emplacement de stationnement, et ainsi restreindre l'usage des parties communes que sont les voiries.
EN CONSÉQUENCE : à défaut de dispositions spécifiques dans le règlement de copropriété ou de décision régulière de l’assemblée générale visant à réglementer l’accès à l’immeuble le refus par le syndic de remettre une télécommande à certains copropriétaires constitue une atteinte au droit de jouissance susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Il a également été jugé qu’il y a faute à porter atteinte au droit de jouissance du copropriétaire sur son lot en cas de refus de remettre une télécommande d'ouverture de la porte cochère au propriétaire d'une remise (CA Paris, 14e ch. B, 27 sept. 2002, n° 2002/07740).
Résumé de la décision
Le syndicat des copropriétaires ne peut entraver l'accès d'un véhicule jusqu'à la remise partie privative, par simple traversée de la cour commune, sans porter atteinte au droit du titulaire de ce lot de jouir normalement de son bien. En interdisant l'accès par véhicule à la remise le syndicat des copropriétaires, qui a décidé de l'automatisation de la porte cochère de l'immeuble, s'oppose à un usage normal de cette remise à voiture. Il y a lieu d'ordonner au syndicat des copropriétaires de remettre au copropriétaire un exemplaire du système individuel de télécommande de la porte cochère de l'immeuble et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Dans un esprit similaire, il a été jugé que :
La pose d'un dispositif de bornage dans la cour de l'immeuble afin d'empêcher des stationnements abusifs, porte atteinte au principe de la libre jouissance des parties communes en ce sens que ce dispositif ne permet plus, comme auparavant, la livraison de marchandises à la porte des locaux commerciaux et contraint à des manipulations supplémentaires qui nuisent au bon fonctionnement des commerces. Le dispositif de bornage ayant également pour effet de privilégier les propriétaires de locaux d'habitation, il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler l'assemblée générale ayant autorisé la pose de ce dispositif (CA Paris, 23e ch., 23 nov. 1994).
Enfin, je citerai un arrêt de la Cour d'appel Aix-en-Provence Chambre 4 A 16 Mars 2007 N° 2007/132 qui se fonde sur une discrimination entre les copropriétaires
1/ Attendu qu'il n'est pas contesté qu'avant que ne fût modifié le système d'accès au sous-sol de l'immeuble en copropriété, les propriétaires de garages comme ceux des caves disposaient de deux accès, l'un de l'extérieur et l'autre du hall de l'immeuble, cette circonstance que les propriétaires de garages n'ait eu, pour leurs voitures, bien évidemment qu'un accès par l'extérieur, étant indifférente, étant en outre observé, sur le plan pratique, que l'accès extérieur, pour les propriétaires de caves, pouvait s'avérer plus commode selon le volume des objets à entreposer dans ces caves;
Attendu que la délibération prise lors de la première assemblée générale, celle du 19 mars 2001, n'a pas eu pour effet de restreindre ce double accès, puisqu'elle a seulement changé le mode d'ouverture de la porte extérieure;
Attendu, en revanche, que la délibération de rejet contestée prise lors de l'assemblée générale du 25 mai 2002 avait pour effet de ne permettre qu'aux seuls propriétaires de garages l'accès par la porte extérieure, revenant ainsi sur les droits établis des propriétaires de caves en sous-sol;
Attendu qu'elle a eu également pour effet de créer une discrimination entre les propriétaires de garages et ceux des caves, au détriment de ces derniers, alors même que les charges relatives au système d'accès extérieur pesaient sur l'ensemble des copropriétaires, qu'ils soient propriétaires de garages ou de caves;
Attendu qu'il est indifférent que soit démontrée ou non démontrée une intention de nuire aux propriétaires de caves dès lors qu'il est établi, comme il a été indiqué ci-dessus, que la délibération litigieuse a eu pour effet de créer une rupture d'égalité entre eux et les propriétaires de garages, alors que l'intérêt spécifique de ces derniers est par définition exclusif de la notion d'intérêt collectif;
Et attendu que l'abus de majorité dont se prévaut madame M. P. est ainsi établi.
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler la résolution N° 18 de l'assemblée générale.
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour