Dans un précédent article, nous évoquions la jurisprudence en vertu de laquelle : SI l'intention de l’assuré était de contourner la loi successorale, par le biais d'une donation déguisée, la prime doit être rapportée à la succession et produira intérêts avec capitalisation annuelle à compter de la date du décès (CA Bordeaux, 21 octobre 2014).
1. En droit : l’assurance-vie est un contrat aléatoire
Le contrat d'assurance est "par nature aléatoire" (C. civ. art. 1964).
Sont dépourvus d’aléa les contrats souscrits "in extremis" afin d'éluder les dispositions successorales ou fiscales.
Dans pareille hypothèse, le contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si les circonstances révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.
La conséquence en est que les primes seront rapportées à la succesion.
2. Rappel de la jurisprudence : sans aléa, il n’y a pas d’assurance-vie
C'est ainsi, par exemple, qu'après avoir retenu que la souscription avait eu lieu un mois avant le décès et que les versements ne pouvaient pas être destinés à assurer un complément de retraite en raison de l'état avancé de la maladie de l'assuré, les juges du fond ont à juste titre caractérisé l'absence d'aléa et exclu la qualification de contrat d'assurance sur la vie, de sorte que les primes devaient être rapportées à la succession (Cass. 1re civ., 4 juill. 2007 – CA Orléans, 3 oct. 2011, n° 09/01738 – CA Pau, 1re ch., 31 mars 2011).
De même, une cour d'appel, après avoir observé que le souscripteur, atteint d'un cancer et ayant cessé toutes activités, avait souscrit trois contrats d'assurance vie quelques mois avant son décès à la suite de l'aggravation régulière de son état, a pu à bon droit en déduire l'absence d'aléa au moment de la souscription ainsi que le caractère illusoire de la faculté de rachat et la volonté actuelle et irrévocable du souscripteur de se dépouiller au profit du bénéficiaire (Cass. 1re civ., 26 oct. 2011).
Tel est aussi le cas d'un souscripteur, âgé de 95 ans, atteint de la maladie de Parkinson à un stade avancé et qui est décédé un an après la souscription du contrat litigieux.
La souscription de ce contrat n'était pas destinée à lui assurer un complément de retraite à cette époque de son existence et dans son état avancé de maladie, et qu'il n'y avait pas de véritable aléa dans les dispositions prises. Le montant de la prime versée doit être rapporté à la succession (par ex. CA Aix-en-Provence, 9 avr. 2013).
La jurisprudence s'attache donc à trouver l'intention libérale dans divers éléments du contrat passé, qui sont les suivants :
- Soit que l'espérance de vie de l'assuré ait été quasi nulle : le souscripteur âgé de 92 ans, était de santé fragile et sortait de l'hôpital ; il n'y avait pas d'aléa (CA Aix-en-Provence, 26 janv. 2012).
- Soit l'inutilité du placement envisagé : la Cour de cassation casse partiellement un arrêt de la Cour d’appel de PARIS[1] sur le fondement de l'article L. 132-13 du Code des assurances.
Nouvelle illustrations jurisprudentielle :
Selon ce texte, les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur.
Un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci.
En ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le contrat présentait un intérêt pour le souscripteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision[2].
Claudia CANINI
Avocat à la Cour