1. Liberté de désignation et de modification de la clause bénéficiaire par le souscripteur
Tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé de son vivant, ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux[1].
- L'assuré peut modifier jusqu'à son décès la répartition du capital entre les bénéficiaires, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine, même si l'assureur n'en a pas eu connaissance (Cass. 2e civ., 13 sept. 2007, n° 06-18.199).
- La révocation peut être exprimée par lettre adressée à l'assureur, par testament (par ex., CA Bourges, ch. civ., 13 mars 2002, n° 01/01001).
2. Le cas spécifique des majeurs protégés[2]
Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la souscription ou le rachat d'un contrat d'assurance sur la vie ainsi que la désignation ou la substitution du bénéficiaire ne peuvent être accomplis qu'avec l'autorisation du juge des tutelles.
Afin de préserver les intérêts de la personne protégée, « le tuteur a seul qualité pour la représenter dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, pour solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu'il ne peut accomplir seul ».
Or, la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie est un acte de disposition qui nécessite, pour un majeur sous tutelle, l'autorisation du juge[3].
Après l'ouverture d'une curatelle, ces mêmes actes ne peuvent être accomplis qu'avec l'assistance du curateur.
3. Des modalités de désignation du bénéficiaire suffisamment encadrées
Interrogé sur la question des risques que présente l'absence de formalisme, autre que la signature du stipulant, pour désigner le ou les bénéficiaires des capitaux issus des contrats d'assurance vie, le ministre de la justice a considéré qu’il n’était opportun de renforcer le dispositif légal actuel [4]:
« La désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ou la substitution d'un bénéficiaire à un autre peut être réalisée, en application de l'article L.132-8 du code des assurances, soit par voie d'avenant au contrat (…), soit par voie testamentaire.
Ainsi, le souscripteur est libre de recourir à la forme (…) du testament, mais également de se soustraire à tout formalisme en choisissant un simple "avenant au contrat" soumis au droit commun des contrats.
Cependant, tout contrat doit respecter les conditions essentielles de validité énumérées par l'article 1128 du code civil (ancien art. 1108) et, en particulier, le consentement de la partie qui s'oblige ou encore la capacité de contracter.
Aussi, quand bien même aucun formalisme ne serait choisi par le souscripteur, l'existence d'une manifestation de volonté certaine et non équivoque demeure-t-elle soumise à l'appréciation des juridictions.
A cet égard, par exemple, par un arrêt rendu le 25 septembre 2013 (n° 12-23.197), la 1ère chambre civile a considéré que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision en estimant souverainement qu'il n'était pas établi que le souscripteur ait eu connaissance du contenu et de la portée exacts du document au bas duquel il avait apposé sa signature, ni qu'il ait exprimé la volonté certaine et non équivoque de modifier les bénéficiaires du contrat.
En l'espèce, la cour d'appel avait considéré que la seule signature du souscripteur au bas d'une lettre rédigée par un tiers, compte tenu d'un contexte particulier (deux mois avant son décès, après une intervention chirurgicale et pendant son hospitalisation dans une unité de soins palliatifs, sa signature révélant des indices de détérioration morphologique pouvant être mis en relation avec une grande fatigue physique) n'était pas suffisante pour démontrer que le souscripteur avait eu conscience de son engagement.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas utile de modifier ces dispositions qui permettent aux personnes qui le souhaitent de se soumettre à un formalisme particulier et aux autres de s'en affranchir, sans pour autant nuire à la sécurité juridique de l'opération ».
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour