La Cour d’appel de LIMOGES vient de rendre une décision condamnant fermement ces pratiques, tant à l’égard du nouveau bénéficiaire peu scrupuleux mais aussi vis-à-vis de l’établissement bancaire ayant fait preuve de « légèreté et désinvolture »[1]
Sur la nullité des avenants modifiant le bénéficiaire des assurances-vie
Ont ainsi été annulés les avenants aux contrats d'assurance-vie modifiant les bénéficiaires des contrats, dès lors qu’ils ont constaté :
- une différence importante existant entre les signatures apposées sur ces avenants par rapport à la signature de M. X. figurant sur les documents de comparaison (chèques et contrats d'assurance-vie initiaux),
- que les circonstances dans lesquelles les avenants ont été renseignés et signés demeuraient non seulement incertaines mais suspectes, d'autant qu'il est établi que M. X. n'a pas apposé de sa main la mention 'lu et approuvé' figurant sur ces avenants,
- que M. X., hospitalisé en service 'psy' jusqu'à son décès, n'a pu exprimer valablement sa volonté pendant cette période compte tenu des certificats médicaux versés aux débats faisant état d'un patient désorienté avec pertes complètes des repères, présentant des symptômes de la maladie d'Alzheimer, même s'il est apparu plus cohérent et moins somnolent à la suite de la perfusion qui lui a été faite ce jour-là.
Il y a donc lieu d'ordonner l'exécution des contrats d'assurance-vie dans leur teneur antérieure aux avenants annulés.
La responsabilité de la Banque et celle de la destinataire des fonds est retenue aux motifs que :
La différence d'écriture et de signature sur les avenants constituent des anomalies apparentes qui étaient de nature à alerter la Banque sur l'existence d'une difficulté propre à remettre en cause la validité de ces avenants, et donc le bénéficiaire de ces contrats.
En libérant les fonds au profit de Mme Y. dans un tel contexte, la Banque a agi avec légèreté, en sorte que son paiement ne peut être considéré comme libératoire.
La destinataire des fonds s'est prévalue d'avenants obtenus dans des conditions suspectes et dont elle avait parfaitement conscience qu'ils étaient affectés d'irrégularités formelles (différences d'écriture et de signature, défaut de la mention 'lu et approuvé' de la main du souscripteur) …
Enfin, sur la demande en paiement de dommages-intérêts
« La désinvolture et la légèreté dont a fait preuve le préposé de la banque pour régler la difficulté qui était soumise sont de nature à engager la responsabilité de l'établissement de crédit ».
L'établissement de crédit et la bénéficiaire des fonds ont en outre été condamnés à verser 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral à la demanderesse.
L'ESSENTIEL À RETENIR : Fort heureusement, cette décision s'inscrit dans l'esprit d'une Réponse Ministérielle publiée le 05 avril 2016, aux termes de laquelle [2] :
La désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ou la substitution d'un bénéficiaire à un autre peut être réalisée (...) soit par voie d'avenant au contrat, soit par acte notarié, soit par voie testamentaire.
Ainsi, le souscripteur est libre de se soustraire à tout formalisme en choisissant un simple « avenant au contrat » soumis au droit commun des contrats.
Cependant, tout contrat doit respecter les conditions essentielles de validité et, en particulier, le consentement de la partie qui s'oblige ou encore la capacité de contracter.
Aussi, quand bien même aucun formalisme ne serait choisi par le souscripteur, l'existence d'une manifestation de volonté certaine et non équivoque demeure-t-elle soumise à l'appréciation des juridictions.
La jurisprudence de la Cour de cassation étant, quant à elle déjà établie en ce sens, notamment dans un arrêt où fût approuvé la décision de la Cour d'appel de RENNES ayant considéré que :
" La seule signature du souscripteur au bas d'une lettre rédigée par un tiers, compte tenu d'un contexte particulier (deux mois avant son décès, après une intervention chirurgicale et pendant son hospitalisation dans une unité de soins palliatifs, sa signature révélant des indices de détérioration morphologique pouvant être mis en relation avec une grande fatigue physique) n'était pas suffisante pour démontrer que le souscripteur avait eu conscience de son engagement"[3] .
Claudia CANINI
Avocat - Droit des majeurs vulnérables