1. Principe général du maintien des comptes bancaires et livrets
L’article 427 du Code civil affirme le droit du majeur protégé de percevoir les fruits, produits et plus-values générés par ses fonds et valeurs et, pour le garantir, fait obligation au curateur ou tuteur chargé de sa protection, de maintenir les comptes ouverts en son nom.
La personne chargée de la mesure de protection ne saurait donc procéder :
- Ni à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée ;
- Ni à l'ouverture d'un autre compte ou livret bancaire auprès (C. civ., art. 427, al. 1er).
Ce principe s’applique à toutes mesures : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle.
2. Opérations imposées par l'intérêt du majeur
Toutefois, si l’intérêt de la personne protégée le commande, le juge peut autoriser la personne en charge de la protection à déroger à ce principe. (C. civ., art. 427, al. 2).
En pratique, le juge peut autoriser l’ouverture d’un 2ème compte dit « compte de gestion » au nom de la personne protégée mais exclusivement géré par le curateur.
Le compte antérieur à la mesure est conservé comme compte « argent de vie », souvent accompagné d’une carte de retrait et permettant à la personne protéger de conserver ses habitudes ainsi qu’une certaine autonomie.
Le principe vise à ne pas perturber les personnes, notamment âgées ou souffrant d’un handicap, en les obligeant, à la suite du prononcé de la mesure, à changer d’interlocuteur ou de guichet bancaire ; les habitudes prises par les personnes vulnérables constituent des repères importants qu’il ne faut envisager de modifier qu’avec précaution et pour de justes motifs.
La multiplication ou la dispersion des comptes entre plusieurs établissements peut être source de coûts (frais de virements, frais de gestion...) et de perte de temps et d’efficacité, qui peuvent nuire économiquement aux intérêts du majeur, et peuvent justifier que le juge autorise une certaine rationalisation de la situation bancaire[1].
3. Individualisation des opérations bancaires
Les opérations bancaires d'encaissement, de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom du majeur protégé sont exclusivement réalisées au moyen des comptes ouverts à son nom (C. civ., art. 427, al. 5).
Une exception est toutefois prévue, si la mesure de protection est confiée aux personnes ou aux services préposés des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux soumis aux règles de la comptabilité publique.
4. Les intérêts, produits et plus-values
Les fruits, produits et plus-values générés par les fonds et les valeurs qui appartiennent à la personne protégée lui reviennent exclusivement (C. civ. art. 427 al. 6).
5. Le sort de l’excédent de revenus en curatelle renforcée
La curatelle renforcée est une mesure lourde. Le majeur n’a plus accès directement à ses revenus : le curateur paye les factures et devient l’interlocuteur de la banque et des divers créanciers...[2]
Mais alors quelles sommes doivent être remises au majeur protégé par le curateur ?
L’article 472 du Code civil relatif à l’excédent des revenus de la personne protégée dispose que le curateur « dépose l’excédent sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le verse entre ses mains ».
Pour une saine gestion des comptes, il convient d’entendre par excédent (…) la somme disponible après que toutes les dépenses budgétées aient été provisionnées[3].
"La notion même de "dépenses" peut impliquer la constitution d’économies donc d’épargne dès lors que ces économies ne sont que le provisionnement de dépenses courantes fixes (…) ou prévisibles (…).
Cependant, ce provisionnement des dépenses ne peut nuire au train de vie de la personne protégée, ni permettre que le curateur constitue une épargne au nom de la personne protégée dans un but autre que celui de participer à son bien-être présent et à venir (…).
Comme la tutelle, la curatelle ne peut viser la préservation des intérêts successoraux[4].
En conclusion : le législateur a condamné la gestion dite du « bon père de famille » qui parfois conduisait les tuteurs et curateurs à réaliser des économies budgétaires disproportionnées au détriment du bien-être des majeurs vulnérables.
Rappelons que la protection a pour finalité l'intérêt de la personne, en favorisant, dans la mesure du possible, son autonomie (Code civil, art. 415).
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour
CNC MJPM*
* Certificat National de Compétence - Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs, mention Mesures de Protection Juridique des Majeurs