Le nouvel article 415 du Code civil, commun aux différents régimes (sauvegarde de justice, curatelle et tutelle), édicte expressément que les majeurs reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire.
Ce texte proclame aussi que la protection est instaurée et assurée :
- dans le respect des libertés individuelles,
- des droits fondamentaux et de la dignité de la personne,
- elle a pour finalité l'intérêt de la personne, en favorisant, dans la mesure du possible, son autonomie.
Le législateur pose des règles concrètes, afin que la personne vulnérable soit entendue sur l'opportunité de la mesure et sur le choix de la personne chargée d'en assurer l'exécution (C. civ., art. 430 et 432).
Les nouveaux textes s'efforcent aussi de mieux prendre en compte les besoins individuels des majeurs vulnérables ; chaque mesure doit être personnalisée et prononcée pour une durée limitée (C. civ., art. 441).
Jusqu'à maintenant, à défaut de statut légal personnel cohérent, la personne protégée était soumise aux aléas des initiatives de sa famille ou des juges.
À l'avenir, elle sera informée et prendra elle-même les décisions personnelles la concernant, sous réserve que son état mental le permette.
Son autonomie sera graduée, en fonction de ses facultés intellectuelles mais la nouvelle loi écarte toute idée d'assistance ou de représentation, pour les actes strictement personnels, telle la reconnaissance ou la déclaration d'abandon d'un enfant ou bien encore l'exercice de l'autorité parentale (C. civ., art. 458).
1°L’ouverture d’un régime de protection judiciaire est toujours subsidiaire.
Ce doit être le dernier recours, lorsqu’aucun autre mécanisme n’est possible.
Ainsi, le juge des tutelles doit se poser la question de savoir si la personne ne peut pas être suffisamment protégée par d’autres techniques juridiques moins lourdes : assistance apportée par des membres de la famille, règles de représentation des régimes matrimoniaux, mandat de droit commun, procuration….
- « Attendu qu’aucune des règles du droit commun, ni aucun régime moins contraignant ne suffit à pourvoir aux intérêts de la personne à protéger ; qu’il convient dès lors de prononcer une mesure de curatelle (…) » (TI Toulouse, 23 mars 2011).
Pour le choix de la personne qui sera chargée d’exercer la mesure de protection, la réforme prône également la recherche de la volonté exprimée par le majeur, son intérêt [1] ainsi que la priorité aux liens familiaux, d’affection ou de confiance (C. civ. art. 449).
Illustrations :
- « Attendu qu’eu égard aux relations habituelles entre eux et à l’intérêt porté à l’égard de Mme Louise R., il y a lieu de désigner Mr E. en qualité de curateur conformément à l’article 449 du code civil » (TI Toulouse, 23 mars 2011).
- « Que Mr Jean R. s’oppose à la désignation de son frère Thierry comme tuteur de sa mère ce que ce dernier sollicite,
Que Mr Jean R. n’a plus de contact avec sa mère depuis plus de 20 ans pour des raisons d’ordre patrimonial,
Que Mr Thierry R. s’est investi auprès de ses parents et continue à s’occuper de sa mère accueillie dans une maison de retraite tant sur le plan financier que personnel,
Qu’il n’y a pas lieu de déposséder Mr. Thierry R. de cet investissement et il sera désigné tuteur,
Que néanmoins afin d’éviter tout conflit, compte tenu d’une liquidation de succession de Mr R. père, en cours avec vente d’une maison effectuée et celle d’un terrain à vendre, il convient de désigner un tuteur ad hoc qui représentera Mme veuve R. dans le cadre de ces opérations et qui effectuera les placements de fonds qui seront recueillis » (TI Toulouse, 10 août 2010).
- « Attendu qu’en l’absence de désignation anticipée par le majeur à protéger d’une personne pour exercer la mesure, et dès lors qu’il ne se trouve, dans l’entourage de la personne à protéger, aucune personne apte à exercer la mesure, il convient, en application de l’article 450 du Code civil, de nommer un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (…) »(TI Toulouse, 22 mars 2011).
2° Le législateur de 2007 a voulu restaurer le caractère exceptionnel de la protection
« La mesure de protection ne peut être ordonnée qu’en cas de nécessité » (C. civ. art. 428).
Seule l’altération des facultés mentales ou corporelles médicalement constatée peut justifier une mesure de protection juridique (C. civ. art. 425).
La mesure prononcée est proportionnée et individualisée en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé (C. civ. art. 428 al. 2).
Le mandataire doit donc informer le juge des tutelles sur l’évolution de l’état de santé du majeur protégé (amélioration ou aggravation).
Les mesures de protection sont révisées régulièrement et limitées dans le temps : un an pour la sauvegarde de justice (C. civ. art. 439, al.1) et cinq ans pour la tutelle et la curatelle [2](C. civ. art. 441).
3° L’ouverture d’un régime de protection du type sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle n’est jamais automatique
C’est au vu du certificat médical circonstancié [3]; après audition [4] de la personne vulnérable (C. civ. art. 432) et le cas échéant des personnes de son entourage (C. civ. art. 430), que le juge des tutelles peut prononcer une mesure de protection juridique.
Les mandats varient en fonction des besoins de protection :
- Besoin d’assistance ou de représentation temporaire avec une mission déterminée dans le cadre d’une sauvegarde de justice [5](C. civ. art. 433 a. 1);
La loi permet également au juge de nommer un mandataire spécial [6] pour la réalisation :
- d’actes ponctuels d’administration ou de disposition du patrimoine : vente du domicile ou de la maison de campagne, acceptation d’une succession…
- et/ou d’actes importants touchant à la protection de la personne : accompagnement lors d’un changement de résidence avec éloignement géographique ou modification importante de l’environnement social et relationnel… (C. civ. art. 433 al.2).
La sauvegarde de justice peut aussi être prononcée pour la durée de l’instance (C. civ. art. 437) (TI Toulouse, 20 octobre 2010).
- Besoin d’assistance ou de contrôle continu pour l’accomplissement des actes importants de la vie civile : curatelle (C. civ. art. 440 al.1er) :
« Attendu qu’il est établi par l’ensemble du dossier que et plus spécialement par les éléments médicaux que la personne à protéger, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assister et contrôlée dans les actes importants de la vie civile (…) ;
Dit que cette mesure d’appliquera tant à la personne protégée qu’à ses intérêts
patrimoniaux». (TI Toulouse 26 janvier 2011).
- Besoin de représentation continue pour tous les actes de la vie civile : tutelle (C. civ. art. 440 al. 4) :
« Attendu qu’il résulte des éléments de la procédure, et notamment des éléments médicaux que la personne à protéger présente une altération des facultés mentales et corporelles caractérisée par une maladie et un affaiblissement dû à l’âge qui l’empêche de pourvoir seule à ses intérêts ; qu’elle a ainsi besoin d’être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile » ;
Dit que cette mesure s’appliquera tant à la personne protégée qu’à ses intérêts patrimoniaux, sous réserve des actes strictement personnels définis à l’article 458 du Code civil qui ne peuvent donner lieu ni à assistance, ni à représentation(TI Toulouse, 26 janvier 2011).
- Besoin d’assistance ou représentation avec mission très spécifique : curatelle ou tutelle ad hoc
« Assister Mme G. dans l’acceptation de la succession de M. G. et dans l’acceptation des attributions faites aux termes de l’acte de donation-partage » (TI Toulouse, 9 mars 2011).
Dans tous les cas, la mesure judiciaire ne doit enfreindre la capacité juridique, les droits et libertés de la personne protégée que dans la limite nécessaire pour atteindre le but de l’intervention, tout en favorisant son autonomie.
EN CONCLUSION
La mise en place d'un régime, quelle que soit sa nature (sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle) est donc soumise à des conditions de fond impératives et la procédure reste caractérisée par un formalisme rigoureux.
Les principes fondamentaux affirmés par la loi sont également repris dans la Charte des droits et libertés de la personne protégée.
Ces obligations s'imposent au juge des tutelles, tout au long de la procédure, ainsi qu'à toutes les personnes chargées d'assister ou de représenter le majeur en difficultés.
Pour plus d’informations ou un conseil personnalisé :
http://www.conseil-juridique.net/claudia-canini/avocat-1916.htm
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour
[2] La Cour d’appel de Toulouse rappelle le principe de durée quinquennale de la curatelle (Ch. Famille, 9 juin 2010)
[3] Certificat établi par un médecin agréé inscrit sur une liste spécialement établie à cet effet par le procureur de la république (C. civ. art. 431).
[4] La dispense d’audition ne peut être qu’exceptionnelle et faire l’objet d’une ordonnance dûment motivée.
[5] Mesure à caractère essentiellement préventif et temporaire, le placement sous sauvegarde de justice résulte d’une déclaration médicale ou d’une décision du juge des tutelles (le mandat n’est pas systématique) ; elle fait l’objet d’une transmission au parquet pour enregistrement. Contrairement au majeur sous curatelle ou tutelle, le majeur sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits et n’a donc nul besoin d’être représenté ou assisté sauf pour les actes confiés à un mandataire spécialement désigné à cet effet.