Achat immobilier en crypto : état des lieux juridique et fiscal
Introduction
L’achat immobilier en cryptomonnaie est une tendance qui prend de l’ampleur, portée par la démocratisation des actifs numériques tels que le Bitcoin. De plus en plus d’investisseurs s’intéressent à cette possibilité pour diversifier leur patrimoine, bénéficier de transactions rapides et réduire les intermédiaires bancaires. Cependant, acheter un bien immobilier en crypto soulève plusieurs questions juridiques et fiscales.
Comment structurer légalement une transaction en cryptomonnaie ? Quels sont les risques et les obligations juridiques et fiscales à respecter ? Cet article fait le point sur le cadre juridique et fiscal de l’achat immobilier en crypto en France.
Sommaire
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Le cadre juridique de l’achat immobilier en crypto
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Les modalités pratiques d’un achat en crypto
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Fiscalité et obligations déclaratives
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Perspectives et évolutions réglementaires
1. Le cadre juridique de l’achat immobilier en crypto
L’achat d’un bien immobilier en cryptomonnaie est légal, mais il repose sur des contraintes juridiques spécifiques. En France, toute transaction immobilière doit être formalisée par un acte authentique devant notaire (article 1583 du Code civil).
a) La reconnaissance des cryptomonnaies comme moyen de paiement
Les cryptomonnaies ne sont pas reconnues comme une monnaie légale en France, mais elles sont considérées comme des actifs numériques (article L54-10-1 du Code monétaire et financier). Ainsi, un notaire ne peut pas directement inscrire une transaction en cryptos dans un acte de vente. En pratique, l’achat en crypto nécessite généralement une conversion préalable en euros via une plateforme d’échange agréée par un régulateur européen (telle que l'AMF en France ou une autorité équivalente dans un autre pays de l'Union européenne), conformément aux exigences du règlement MiCA visant à encadrer les actifs numériques et garantir la transparence des transactions.
b) Le rôle du notaire dans la transaction
Le notaire est un acteur clé pour la sécurisation de la transaction. Son rôle inclut :
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Vérifier l’origine des fonds (obligations de lutte contre le blanchiment - LCB-FT).
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S’assurer que le prix du bien est conforme à la valeur marchande.
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Encadrer le transfert des fonds en conformité avec la réglementation.
- Rédiger le compromis de vente et l'acte authentique en prévoyant une clause de paiement en cryptomonnaies et la perception des fonds en euro.
c) Le rôle de l’avocat dans la transaction
L’avocat joue un rôle complémentaire au notaire en apportant une expertise juridique et fiscale pour sécuriser l’achat immobilier en cryptomonnaie. Son intervention permet de :
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Vérifier l’origine des fonds (obligations de lutte contre le blanchiment - LCB-FT).
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Analyser la structure de la transaction : Vérifier que l’achat respecte les obligations légales et éviter d’éventuels contentieux.
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Optimiser la fiscalité : Conseiller sur les stratégies permettant de minimiser l’imposition des plus-values et structurer, le cas échéant, l’investissement à travers des sociétés adaptées.
2. Les modalités pratiques d’un achat en crypto
Un achat immobilier en cryptomonnaie peut se structurer de plusieurs manières :
a) Achat direct en cryptomonnaie
Certaines transactions sont effectuées directement en crypto, si le vendeur l’accepte. Cependant, cela implique que les deux parties conviennent d’un mode d’évaluation de la valeur du bien, en tenant compte de la volatilité des cryptos, à moins d'utiliser des stable coins.
b) Conversion en monnaie fiduciaire avant l’achat
Dans la majorité des cas, les acheteurs convertissent leurs cryptos en euros avant l’achat, via une plateforme d’échange régulée (Coinbase, Kraken, Binance, YouSeeMe, etc.). Cela permet :
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D’éviter les fluctuations de cours entre l’accord et la signature de l’acte.
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De faciliter la validation de la transaction par le notaire et les institutions bancaires.
c) Achat via une structure juridique (SCI ou holding)
Certains investisseurs choisissent d’acheter en crypto à travers une Société Civile Immobilière (SCI) ou une holding. Cette méthode permet une meilleure gestion patrimoniale et peut offrir des optimisations fiscales.
3. Fiscalité et obligations déclaratives
L’achat immobilier en cryptomonnaie est soumis à plusieurs obligations fiscales.
a) Imposition des plus-values sur cession d’actifs numériques
Selon l’article 150 VH bis du Code général des impôts, toute conversion de cryptomonnaie en monnaie fiduciaire génère une plus-value imposable à 30 % (flat tax, incluant 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux).
Si l’acheteur convertit ses cryptos en euros avant l’achat, il doit donc déclarer la plus-value réalisée et payer l’impôt correspondant.
b) Droits de mutation et frais notariés
Les droits de mutation à titre onéreux, souvent appelés frais de notaire, sont calculés sur la valeur en euros du bien immobilier et doivent être réglés en monnaie fiduciaire.
Pour en savoir plus :
c) Déclaration des comptes et actifs numériques
Les détenteurs de cryptomonnaies doivent déclarer leurs comptes ouverts sur des plateformes étrangères (article 1649 bis C du CGI). Un manquement à cette obligation entraîne des sanctions pouvant aller jusqu’à 750 € par compte non déclaré.
Pour en savoir plus :
4. Perspectives et évolutions réglementaires
L’évolution réglementaire des transactions immobilières en cryptomonnaie est en cours, notamment sous l’impulsion des législations européennes et internationales visant à encadrer l’usage des actifs numériques.
a) Directive DAC 8
La directive européenne DAC 8, adoptée en octobre 2023, impose de nouvelles obligations déclaratives aux prestataires de services sur crypto-actifs. Ces obligations incluent la déclaration des transactions en cryptomonnaies, qu'elles soient nationales ou transfrontalières, ainsi que l'identification des parties impliquées. La directive DAC 8 prévoit une extension de l’échange automatique d’informations aux opérations sur crypto-actifs.
La France doit transposer cette directive d'ici le 31 décembre 2025, avec une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2026. Les premières déclarations et les premiers échanges d’informations devront être transmis à partir de janvier 2027 pour les opérations réalisées en 2026.
b) Règlement MiCA
Le règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets), applicable à partir de 2024, encadre les actifs numériques et impose des obligations spécifiques aux prestataires de services sur crypto-actifs. Ce cadre vise à renforcer la transparence et la sécurité des transactions en cryptomonnaies. Le règlement MiCA définit les crypto-actifs et services sur crypto-actifs, mettant en place des exigences strictes pour garantir la protection des investisseurs et la stabilité du marché.
En France, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et la Banque de France travaillent sur une intégration progressive des actifs numériques dans le paysage économique, ce qui pourrait conduire à une meilleure reconnaissance juridique des paiements en cryptomonnaie pour l’immobilier.
Conclusion
L’achat immobilier en cryptomonnaie est déjà possible, mais il nécessite une préparation minutieuse sur les plans juridique, réglementaire et fiscal. En France, bien que les cryptos ne soient pas reconnues comme une monnaie légale, il est possible d’acheter un bien immobilier en crypto en les convertissant en euros dans le cadre de la transaction (cas le plus facile).
La réglementation étant en constante évolution, les investisseurs doivent rester informés des nouvelles dispositions encadrant les actifs numériques et leur utilisation dans l’immobilier.
Avec un cadre juridique de plus en plus défini et une adoption croissante des cryptos, il est probable que l’achat immobilier en cryptomonnaie devienne une pratique plus courante dans les années à venir.