L'article 2 du Code de Procédure Pénale dispose que le droit de demander réparation appartient à tous ceux ayant souffert du dommage directement causé par une infraction.
La victime directe d'une infraction pénale est celle qui a souffert d'un préjudice découlant de façon certaine, directe et personnelle d'une infraction.
Peuvent aussi prétendre à la qualité de victime, les victimes dites indirectes : famille, amis proches
L’indemnisation de la victime consiste à réparer (le plus souvent financièrement) les préjudices subis.
Le droit français de la réparation des victimes connaît des régimes spéciaux (accident médicaux, accident de la circulation…).
Sera envisagé ici le « droit commun » de la réparation.
Les préjudices indemnisables
Les préjudices sont classifiés en différents postes.
- Préjudice matériel :
Il s’agit des dégâts et dégradations matériels d'un bien mobilier ou immobilier, ou encore la perte de salaire ou les frais exposés par la victime pour remédier aux conséquences de l’infraction.
- Préjudice moral :
Il s'agit des dommages d'ordre psychiques, affectifs touchant à l'honneur, aux sentiments, au bien être de la victime.
- Préjudice économique :
Il s'agit de tous les préjudices liés à une activité économique de production ou de service. A titre d’exemple, les pertes d'exploitation pour une entreprise.
- Préjudice résultant d'une atteinte à l'intégrité psychique ou physique :
Cette catégorie recouvre plusieurs types de préjudices. Une nomenclature a été élaborée par le groupe de travail Dinthilac, qui est aujourd'hui utilisée par les assureurs et les juridictions judiciaires et administratives :
à Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Dépenses de santé actuelles : Frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques
- Frais divers : frais de transport, frais exceptionnels (ex. frais exposés par un artisan pour recourir à du personnel de remplacement...)
- Pertes de gains professionnels actuels
Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Dépenses de santé futures : pose prothèses, renouvellement d'appareillage...
- Frais de logement adapté : aménagement du domicile préexistant ou acquisition d’un domicile mieux adapté, frais de déménagement et d’emménagement, frais de structure (lieu de vie extérieur type foyer ou maison médicalisée)
- Frais de véhicule adapté
- Assistance par tierce personne
- Pertes de gains professionnels futurs : perte de revenus définitive subie à la suite des faits
- Incidence professionnelle : dévalorisation sur le marché du travail, perte d’une chance professionnelle
- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : retard scolaire ou de formation subi, modification d’orientation, voire renonciation à toute formation
à Préjudices extra-patrimoniaux
Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Déficit fonctionnel temporaire : période antérieure à la consolidation, pendant laquelle, du fait des conséquences des lésions et de leur évolution, la victime est dans l'incapacité totale de poursuivre les activités habituelles qui sont les siennes, qu'elle exerce en outre, ou non, une activité rémunérée
- Souffrances endurées
- Préjudice esthétique temporaire (cicatrices, marques, déformations...)
Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Déficit fonctionnel permanent : "la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours"
- Préjudice d’agrément : lié à l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
- Préjudice esthétique permanent
- Préjudice sexuel : perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel, préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer
- Préjudice d’établissement : perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale “normale”, se marier, fonder une famille, élever des enfants
- Préjudices permanents exceptionnels : en particulier pour les victimes d'accidents collectifs de grande ampleur (attentats, crash d'un avion, …).
à Préjudices spécifiques :
Préjudice de contamination (VIH, hépatite C) se définit comme « l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques et résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte consécutives et inhérentes à la maladie dont est atteinte la victime ».
Préjudice d'angoisse : lié à l'atteinte par une pathologie évolutive (VIH, Hépatite B et C) ou par l'incertitude quant à la survenance d'une pathologie grave suite à une exposition (amiante)
Comment et à qui demander l’indemnisation ?
Le « circuit » d’indemnisation va dépendre des suites données par le Procureur à la commission de l’infraction.
- En cas de poursuite de l’auteur
La victime a la possibilité de se constituer partie civile et de solliciter l’indemnisation de ses préjudices au Tribunal.
Cette constitution peut intervenir au plus tard jusqu’au jour de l’audience.
Dans le cadre d'une ordonnance pénale ou d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la demande d'indemnisation est faite par courrier dans le délai indiqué par le Parquet dans l'avis à victime.
- En cas d’alternative aux poursuites
Dans le cadre d'une composition pénale, le procureur de la République doit proposer à l'auteur des faits de réparer les dommages causés par l'infraction, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. La victime est avisée de cette proposition.
La médiation pénale a pour but de parvenir à un accord librement négocié entre la victime et l'auteur sur la réparation du préjudice.
- En cas de classement sans suite
Cela va dépendre du motif du classement.
Si le Procureur estime que les faits commis ne revêtent pas la qualification d’infraction, ou que cette dernière n’est pas suffisamment caractérisée, aucune indemnisation ne sera possible sur le plan pénal.
Il est néanmoins possible que ces faits constituent une faute civile. Une demande d’indemnisation sera donc possible devant les juridictions civiles, à condition de connaître l’identité de l’auteur et de pouvoir démontrer la faute et le préjudice.
Si l’auteur n’a pu être identifié ou est décédé, et dès lors que la matérialité de l’infraction est établie, la victime peut se tourner vers un fonds d’indemnisation : la CIVI (Commission d’indemnisation des Victimes d’Infractions)
Quel que soit le motif de classement sans suite, la victime peut toujours :
- Exercer un recours auprès du Procureur Général
- Déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès du Juge d'Instruction
- Agir par voie de citation directe devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel en faisant citer le mis en cause à comparaître. Ici, il est nécessaire qu'il existe suffisamment d'éléments pour établir sa culpabilité et le préjudice de la victime.
Prouver et chiffrer son préjudice
Le chiffrage et la démonstration du préjudice doivent être précis et rigoureux.
L’assistance d’un avocat, si elle n’est pas obligatoire, est nécessaire pour obtenir une juste indemnisation.
Le préjudice patrimonial ou matériel doit être chiffré à sa juste valeur.
Le principe de réparation intégrale implique que tout le préjudice doit être indemnisé, mais rien de plus que le préjudice.
Pour établir la réalité d’un préjudice matériel, il faudra le justifier par la production :
- De factures, preuves d’achat
- De conclusions d’expertise (comptable, immobilière…)
- De bulletins de salaires (si perte de revenus….) etc.
Les préjudices moraux sont particuliers.
Il est en effet compliqué d’estimer financièrement comme de démontrer la douleur, la tristesse, l’angoisse ou la peur.
Ici, plusieurs modes de preuve sont envisageables comme la production de certificats médicaux ou d’attestations sur l’honneur de la famille ou de l’entourage proche.
En tout état de cause, il appartient à la victime de prouver son préjudice et son imputabilité à l’infraction.
Comment recouvrer son indemnisation ?
Obtenir une décision octroyant une indemnisation est une étape, obtenir l’indemnisation en est une autre, et le chemin peut s’avérer long entre les deux.
Concrètement, comment recouvrer les sommes dues si l’auteur ne peut pas payer ou s’y refuse ?
L’exécution forcée contre l’auteur condamné
Il est possible de contraindre l’auteur condamné à verser l’indemnisation.
- S’il est libre
Il peut être fait appel à un huissier de justice. Cependant, ce sera à la victime d’avancer les frais de procédure.
Saisir un huissier est inutile si l’auteur est insolvable.
- S’il est condamné à une peine de sursis mise à l’épreuve
Il est possible de contacter le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) ou le Juge d’Application des Peines qui suit la personne condamnée
- S’il est incarcéré
Il faut contacter le Directeur du centre pénitentiaire.
Auteur inconnu, décédé ou insolvable
Des fonds de garantie peuvent prendre le relais lorsque la victime ne peut pas recouvrer son indemnisation.
La CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions)
Présente dans chaque tribunal de grande instance, la CIVI est une juridiction autonome qui peut être saisie indépendamment de la procédure pénale engagée.
Elle instruit de façon indépendante les demandes d'indemnisation présentées par les victimes d'infractions ou leurs ayants droit.
Elle doit être saisie dans les 3 ans de la commission des faits, ce délai étant prolongé d'un an après qu'une décision définitive d'une juridiction soit intervenue.
Les règles et conditions d'indemnisation diffèrent selon l'infraction, le préjudice et la situation de la victime, un avocat vous guidera selon votre situation
La CIVI est saisie par demande écrite et commence par une phase amiable, suivie d’une audience le cas échéant.
Le SARVI (Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infraction)
Le SARVI aide au recouvrement des dommages-intérêts alloués par les juridictions répressives.
Il s'adresse aux victimes qui ont subi des préjudices corporels légers ou certains dommages aux biens et qui ne peuvent pas être indemnisée par la CIVI.
Il peut être saisi au plus tôt deux mois après la condamnation définitive accordant des dommages-intérêts, et au plus tard un an après celle-ci ou après la notification de rejet d'une demande d'indemnisation auprès de la CIVI.
L'indemnisation par le SARVI est plafonnée selon le montant des dommages-intérêts accordé. Ainsi, la victime peut obtenir :
- la totalité de la somme si le montant est inférieure à 1 000 €,
- 30 % de la somme si le montant est supérieur à 1 000 €, avec un minimum de 1 000 € et un maximum de 3 000 €,
NB : En tout état de cause, il est toujours possible pour la victime de solliciter l’indemnisation de son préjudice auprès du Juge civil.
La victime dispose en effet d’un droit d’option entre l’indemnisation par la voir pénale ou la voie civile.
L’opportunité de choisir l’une ou l’autre de ces voies va dépendre de la situation de la victime et de celle de l’auteur.
Les procédures étant différentes et leur articulation complexe, il est nécessaire de recourir aux conseils d’un Avocat.