Pour mémoire, les articles R. 551-1 et R. 551-2 du code de justice administrative font obligation à l’auteur du recours en référé précontractuel de le notifier au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice dont la procédure de passation est contestée.
Si ces dispositions – récemment modifiées par le décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 – n’imposent plus une notification du recours concomitante à son dépôt, il reste en pratique préférable de continuer à procéder de la sorte, afin d’éviter une signature du contrat par l’acheteur dans l’ignorance de l’existence d’un référé précontractuel contre sa procédure de passation.
La méconnaissance des dispositions précitées n’est en effet certes pas une condition de recevabilité du recours (CE, 10 novembre 2010, Ministre de la défense, req. n°s 341132 et 341133), mais elle peut s’avérer risquée pour le requérant qui est alors susceptible de se retrouver privé du droit d’exercer un référé contractuel si l’acheteur signe le contrat, faute de s’être vu notifier le recours précontractuel (CE, 30 septembre 2011, Commune de Maizières-lès-Metz, req. n° 350148).
Plusieurs décisions du Conseil d’Etat traduisent cependant une certaine bienveillance pour le candidat évincé peu diligent.
Ainsi, même en l’absence de notification du recours de la part du requérant, il est jugé que l’acheteur méconnaît l’interdiction de signer le contrat lorsque il procède à sa signature alors que la requête lui a d’ores et déjà été communiquée par le greffe (CE, 1er mars 2012, OPAC du Rhône, req. n° 355560) ou mis à disposition par le biais de l’application Télérecours (CE, 17 octobre 2016, Ministre de la défense, req. n° 400791).
Le Conseil d’Etat a eu récemment à s’interroger sur la question de savoir si la notification du référé précontractuel intervenue à des heures où les services de l’autorité délégante sont fermés empêchait valablement celle-ci de signer le contrat.
Pour le dire autrement, l’interdiction de signer le contrat commence-t-elle à compter de la notification du recours (le vendredi soir après fermeture des service par exemple) ou à partir du moment où l’autorité délégante a réellement pris connaissance de celui-ci (le lundi matin à l’ouverture des services lorsque le recours est notifié le vendredi soir après la fermeture desdits services) ?
Le Conseil d’Etat tranche la question en faveur de la date de notification du recours :
« l'obligation de suspendre la signature du contrat qui pèse sur le pouvoir adjudicateur lorsqu'est introduit un recours en référé précontractuel dirigé contre la procédure de passation du contrat court à compter, soit de la notification au pouvoir adjudicateur du recours par le représentant de l'Etat ou par son auteur agissant conformément aux dispositions de l'article R. 551-1 du code de justice administrative, soit de la communication de ce recours par le greffe du tribunal administratif ; que lorsque l'auteur d'un référé précontractuel établit l'avoir notifié au pouvoir adjudicateur dans les conditions prévues par cet article, le pouvoir adjudicateur qui signe le contrat postérieurement à la réception du recours doit être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 551-4 du même code ; que s'agissant d'un recours envoyé au service compétent du pouvoir adjudicateur par des moyens de communication permettant d'assurer la transmission d'un document en temps réel, la circonstance que la notification ait été faite en dehors des horaires d'ouverture de ce service est dépourvue d'incidence, le délai de suspension courant à compter non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite » (CE, 14 février 2017, Société des eaux de Marseille, req. n° 403614).
Faisant application de cette règle, le Conseil d’Etat censure donc l’erreur de droit commise par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ayant penché, quant à lui, en faveur de la connaissance effective du recours :
« 4. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1, le conseil municipal de la commune d'Auriol a approuvé le vendredi 1er juillet 2016 l'attribution du contrat de délégation du service public de distribution d'eau potable à la société SAUR ; qu'en jugeant qu'alors même que la société des eaux de Marseille avait notifié à la commune d'Auriol avant que celle-ci ne signe le contrat dans la soirée le référé précontractuel qu'elle avait intenté contre cette procédure, la commune ne pouvait pas être regardée comme ayant eu connaissance de la notification de son recours par la société dès lors qu'il lui avait été notifié après la fermeture de ses services survenue à 16 heures 30, et en estimant par suite que le contrat n'avait pas été signé pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ».
Dans cette affaire, l’autorité délégante ayant signé le contrat alors même que le recours précontractuel lui avait été notifié, le référé contractuel de la société était donc recevable en application de l’article L. 551-14 du code de justice administrative.
Guillaume BLANCHARD
Avocat au Barreau de Paris