La détermination du montant de l’indemnisation du manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement évincée d’un contrat de la Commande publique
Par une décision du 19 janvier 2015, le Conseil d’Etat a précisé les modalités de détermination de calcul du montant de l’indemnisation du manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement évincée de l’attribution d’un marché public (CE, 19 janvier 2015, Société Spie Est, req. n° 384653).
Il est de jurisprudence constante que tout concurrent évincé de l’attribution d’un contrat de la Commande publique peut prétendre :
- s’il n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat, au remboursement des frais de présentation de son offre ;
- s’il disposait de chance sérieuse de remporter le marché, à l’indemnisation de son manque de son manque à gagner ;
Ces principes indemnitaires ont notamment été explicités, de façon très pédagogique, par la décision Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe du Conseil d’Etat:
« Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique » (CE, 18 juin 2003, Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, req. n° 249630).
S’agissant plus particulièrement de l’indemnisation du manque à gagner de l’entreprise, ce dernier doit être « déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu » (CE, 8 février 2010, Commune de la Rochelle, req. n° 314075).
Ce faisant, c’est ce que rappelle la décision Société Spie Est :
« Considérant que l'entreprise candidate à l'attribution d'un marché public qui a été irrégulièrement évincée de ce marché qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter a droit à être indemnisée de son manque à gagner ; que ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise » (CE, 19 janvier 2015, Société Spie Est, req. n° 384653).
Le Conseil d’Etat ajoute toutefois que « l'indemnité due à ce titre, qui ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales, doit être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés ».
De sorte que, si l’indemnité de manque à gagner est soumise à l’impôt sur les sociétés, la détermination du montant de cette dernière ne doit pas se faire après déduction de ladite imposition.
Le conseil d’Etat censure donc, pour erreur de droit, la décision de la cour administrative d’appel de Nancy qui avait décidé « d'évaluer le manque à gagner de la société Spie Est à partir de son résultat d'exploitation, après déduction de l'impôt sur les sociétés ».
Cette solution a le mérite de clarifier les modalités de détermination du montant préjudice indemnisable.
Guillaume BLANCHARD
Avocat au Barreau de Paris