Pour mémoire, la théorie des sujétions imprévues permet d’indemniser l’entrepreneur des surcoûts que lui ont causé des difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution du chantier (CE 22 décembre 1976, Depussé, req. n° 94998 et CE 17 février 1992, Socié générale d’entreprises Sainrapt et Brice, req. n° 50359).
L’indemnisation qui en découle « ne couvre ni les aléas normaux du chantier, ni une marge bénéficiaire supplémentaire, par rapport à celle incluse dans le prix initial du marché » (CE, 7 novembre 2008, Société Guintoli et autres, req. n° 290699).
Cette responsabilité sans faute du maître d’ouvrage public est invocable à condition que les difficultés matérielles présentent un « un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties » (CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, req. n° 223445 et CE, 4 février 2013, VNF, req. n° 357016).
On précisera que, dans le cadre d’un marché à forfait, les difficultés matérielles n’ouvrent droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire que si elles ont en outre pour effet d’en bouleverser l’économie (CE, 6 janvier 2016, Société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté, req. n° 383245 et CE, 13 octobre 1978, Département de la Vendée, req. n° 95863, 00903 et 00998 ; v. également en ce sens en matière de marché de maîtrise d’œuvre : CE 29 septembre 2010, Société Babel, req. n° 319481).
La résiliation pour motif d’intérêt général implique, quant à elle, « la réparation intégrale du préjudice résultant [pour le cocontractant de l’administration] de la résiliation anticipée du contrat et compensant tant la perte subie que le gain manqué » (CE, 16 février 1996, Syndicat intercommunal de l’arrondissement de Pithiviers, req. n°82880) – étant précisé que l’étendue et les modalités de l’indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu’elles ne prévoient pas une indemnité « qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation » (CE, 3 mars 2017, Société Leasecom, req. n° 392446, CE, 4 mai 2011, CCI de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan, req. n° 334280 et CE, 22 juin 2012, CCIM, req. n° 348676).
Il s’agit, ici encore, d’un régime de responsabilité sans faute.
Dans un arrêt du 14 décembre 2016, le Conseil d’Etat est venu préciser que le « préjudice consécutif à des sujétions imprévues survenues lors de l’exécution de travaux est distinct du manque à gagner subi par l’entrepreneur du fait de la résiliation de son contrat pour un motif d’intérêt général » (CE, 14 décembre 2016, Société Guintoli et société Géotechnique travaux spéciaux, req. n° 396033).
Ce faisant, il a censuré le raisonnement de la Cour administrative d'appel de Marseille qui, pour écarter la demande d’indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation pour intérêt général, s’était fondée sur le fait que les requérantes n’établissaient pas l’existence d’un préjudice supérieur à l’indemnité à laquelle elles ont droit au titre des sujétions imprévues (v. sur le raisonnement de la Cour : CAA Marseille, 9 novembre 2015, Métropole Nice Côte d’Azur, req. n° 13MA02003).
Guillaume Blanchard
Avocat au Barreau de Paris