1ère CIV,6 JANVIER 2011 SUR LA MISE EN GARDE DU BANQUIER SUR LES CAPACITES D'EMPRUNT.

Publié le Modifié le 14/01/2011 Vu 8 651 fois 0
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Il appartient au banquier de justifier avoir respecté son obligation de conseil et de mise en garde au regard des capacités financières de l'emprunteur, mais aussi des risques de l’endettement nés du découvert. Tel est le rappel qu'il faut retenir de 1ère Civ, 6 janvier 2011.

Il appartient au banquier de justifier avoir respecté son obligation de conseil et de mise en garde au regard

1ère CIV,6 JANVIER 2011 SUR LA  MISE EN GARDE DU BANQUIER SUR LES CAPACITES D'EMPRUNT.

Il appartient au banquier de justifier avoir respecté son obligation de conseil et de mise en garde au regard des capacités financières de l'emprunteur, mais aussi  des risques de l’endettement nés du découvert, dans l'intérêt de la protection du consommateur...

Tel est le rappel de la 1ère Civ, 6 janvier 2011, pourvoi N°09-70.651

Assignée par la BNP, en paiement d’un solde débiteur de compte, la cliente a répliqué en invoquant:

-les dispositions de l’article L 311-2 et 3   du code de la consommation afférentes au crédit à la consommation

-la responsabilité de la banque.

La cour d'appel d'Orléans dans son arrêt du 22 janvier 2009, a débouté la cliente, sans retenir de responsabililé de la banque, au motif qu'il ressortirait de la volonté des parties de souscrire une convention de crédit spécifique non soumise au code de la consommation...

Or si la cour de cassation rejette le premier moyen, elle casse sur le second à l'appui d'une motivation claire.

I- Si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle

Premier moyen, rejeté

La requérante reprochait à la cour d'appel d'Orléans le 22 janvier 2009, d’avoir écarté les règles du crédit à la consommation sans rechercher l’existence d’une convention expresse,autrement dit d'un contrat entre le banquier et sa cliente donnant entre eux une destination professionnelle au crédit souscrit dans leur commune intention et que seule leur commune intention de s’engager dans une opération complexe ne pouvait résulter que d'une convention.

Elle fait ainsi grief à la cour d’appel d'avoir jugé que les parties s’étaient engagées dans une opération complexe autorisant le fonctionnement du compte à découvert, peu important que la banque ait unilatéralement adressé trimestriellement à Mme X... des relevés d’intérêts et de commissions relatifs à «votre compte courant» comportant des commissions de découvert et de mouvement ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l’article L. 311-2 du code de la consommation.

A) Rappel des textes applicables au crédit à la consommation

1°-Article L311-2 du code de la consommation

"Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à toute opération de crédit, ainsi qu'à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.

Pour l'application du présent chapitre, la location-vente et la location avec option d'achat, ainsi que les ventes ou prestations de services dont le paiement est échelonné, différé ou fractionné, sont assimilées à des opérations de crédit."

2°-Article L311-3 du code de la consommation

"Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :

1° Les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique sauf s'il s'agit de crédits hypothécaires ;

2° Ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi que ceux dont le montant est supérieur à une somme qui sera fixée par décret ;

3° Ceux qui sont destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle, ainsi que les prêts aux personnes morales de droit public ;

4° Les opérations de crédit portant sur des immeubles, notamment les opérations de crédit-bail immobilier et celles qui sont liées :

a) A l'acquisition d'un immeuble en propriété ou en jouissance ;

b) A la souscription ou à l'achat de parts ou d'actions de sociétés donnant vocation à une attribution en jouissance ou en propriété d'un immeuble ;

c) A des dépenses de construction, de réparation, d'amélioration ou d'entretien d'un immeuble, lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à un chiffre fixé par décret.

Les dispositions du présent article n'ont pas pour effet d'exclure les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique et les prêts, contrats et opérations de crédit d'un montant excédant le seuil fixé en application du présent article du champ d'application de l'article L. 311-5."

B)  L’analyse de la convention souscrite ne rentrait pas dans le cadre d'un crédit à la consommation

Il est à noter que la cour d’appel d’Orléans  avait relevé, que:

-la cliente s’était présentée à la banque comme une commerçante exploitant sous l’enseigne Suzy

avait précisé, par motifs propres, qu’il ressortait du dossier d’entrée en relations que le compte litigieux avait été ouvert sous ce nom commercial, figurant après le nom patronymique de l’intéressée

-que la cliente venait d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour son activité de “commerce non sédentaire d’objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante”

- la commune intention des parties avait été de s’engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement à découvert du compte, qualifié de compte courant sur les relevés trimestriels d’intérêts et de commissions, et ayant enregistré des remises d’espèces importantes ainsi que des règlements d’achats auprès de commissaires priseurs, correspondant à l’activité professionnelle de Mme X...

Mais attendu que si la destination professionnelle d’un crédit doit résulter d’une stipulation expresse, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle,

ce dernier eût il fonctionné à découvert ; que la cour d’appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme X... s’était présentée à la banque comme une commerçante exploitant sous l’enseigne Suzy et a précisé, par motifs propres, qu’il ressortait du dossier d’entrée en relations que le compte litigieux avait été ouvert sous ce nom commercial, figurant après le nom patronymique de l’intéressée qui venait d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour son activité de “commerce non sédentaire d’objets mobiliers divers neufs et occasion, brocante” ; qu’ayant en outre constaté que la commune intention des parties avait été de s’engager dans une opération complexe, autorisant le fonctionnement à découvert du compte, qualifié de compte courant sur les relevés trimestriels d’intérêts et de commissions, et ayant enregistré des remises d’espèces importantes ainsi que des règlements d’achats auprès de commissaires priseurs, correspondant à l’activité professionnelle de Mme X..., elle en a exactement déduit que cette convention ne relevait pas des règles applicables au crédit à la consommation ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

II- Sur la responsabilité de la banque au regard de son obligation de conseil et de l’article  1147 du code civil ;

La Cour de cassation censure partiellement les juges du fond, elle considère que la cour d'appel devait préciser si la cliente  avait la qualité d’emprunteur averti ou non  averti et, dans ce dernier cas, si conformément au devoir de mise en garde auquel la banque  était tenue à son égard, celle-ci  justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de ses capacités financières et des risques de l’endettement nés du découvert litigieux.

Autrement dit il appartient au banquier de justifier avoir respecté son obligation de conseil et de mise en garde au regard des capacités financières de l'emprunteur, mais aussi  des risques de l’endettement nés du découvert.

Attendu que pour écarter la responsabilité de la banque l’arrêt attaqué retient qu’il ne saurait être soutenu que la BNP Paribas a accordé un crédit par caisse abusif dès lors que les dépassements dont Mme X... a pu profiter ne reflétaient que ses débordements unilatéraux et ne constituaient que des concours occasionnels tolérés par l’établissement de crédit qui les subissait tout en relevant que seuls des rejets de chèques ou d’autres valeurs auraient pu mettre un terme à cette situation de façon anticipée, ce que l’intéressée n’aurait pas manqué de reprocher à la banque ;

Qu’en se déterminant ainsi sans préciser si Mme X... avait la qualité d’emprunteur non averti et, dans l’affirmative, si conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de ses capacités financières et des risques de l’endettement nés du découvert litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine

Avocate au Barreau de Paris

 

 

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