I- Les créances entre époux sont réévaluées au même titre que les récompenses pour compenser la dépréciation monétaire
A) Présentation textuelle du principe
Si par principe les créances entre époux séparés de biens sont soumises au droit commun du nominalisme monétaire, ( créance au montant de la dépense faite pour des fonds propres non utilisés pour des biens particuliers) par exception et sauf conventions contraires, l'article 1543 du code civil renvoie à l'article 1479 al2 du code civil qui renvoie à l'article 1469 alinéa 3 du même code.
Le profit subsistant est consacré pour les dépendes d'amélioration,acquisition ou conservation.
Article 1469 du code civil
"La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
al 3 Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien."
Article 1543 du code civil
"Les règles de l'article 1479 sont applicables aux créances que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre."
"Les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation.
Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation."
B) Confirmation jurisprudentielle
La créance d'un époux sur l'autre sera donc évaluée d'après le profit subsistant si la créance a servi "à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur".
C'est ce que rappelle la première chambre civile de la cour de Cassation dans son arrêt du 6 mars 2013, pourvoi N° 12-13.890
En l'éspèce M. X... et Mme Y..., mariés sans contrat le 21 août 1970, ont adopté, le 29 mai 1974, le régime de la séparation de biens ; en 1983, Mme Y... a acquis une maison d'habitation dont le prix a été financé par des prêts qu'elle a souscrits auprès d'une banque et pour le remboursement desquels M. X... s'est porté coemprunteur ; pour la période de janvier 1994 à mars 1996, ce dernier a assumé seul le remboursement des échéances ; , par jugement du 18 décembre 1997, un tribunal a prononcé le divorce des époux ; M. X... a demandé qu'il lui soit tenu compte de sa créance sur Mme Y... au titre du remboursement des emprunts litigieux ;
Pour fixer la créance de M. X... à la somme de 23 069 euros, l'arrêt retient que celle-ci n'a pas servi à financer un bien commun, ni un bien indivis, mais un "bien propre" de Mme Y... et que cette créance ne correspond pas à une récompense, mais à un remboursement d'une somme d'argent correspondant aux échéances payées ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les deniers du mari avaient contribué partiellement au financement de l'acquisition de l'immeuble appartenant à son épouse séparée de biens, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
La Cour rappelle que la récompense, prévue à l'article 1469 du code civil, est applicable à la situation d'une créance "que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre" en vertu de l'article 1543 du code civil. Les créances entre époux sont évaluées d'après le profit subsistant, "quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur." En l'espèce, la somme d'argent fournie par M. X. a servi à financer la maison d'habitation de Mme Y., et l'article 1469 du code civil est applicable.
II Présentation de 1ère Civ,6 mars 2013, pourvoi N° 12-13.890
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1543 du code civil, ensemble les articles 1479 et 1469 , alinéa 3, du même code ;
Attendu que les règles de l'article 1469, alinéa 3, du code civil sont applicables aux créances entre époux séparés de biens lorsque la somme prêtée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve dans le patrimoine de l'époux emprunteur au jour de la liquidation ; que cette créance se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration du bien personnel ; que le profit subsistant représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 mai 2010, pourvoi n° 09-65.661), que M. X... et Mme Y..., mariés sans contrat le 21 août 1970, ont adopté, le 29 mai 1974, le régime de la séparation de biens ; qu'en 1983, Mme Y... a acquis une maison d'habitation dont le prix a été financé par des prêts qu'elle a souscrits auprès d'une banque et pour le remboursement desquels M. X... s'est porté coemprunteur ; que, pour la période de janvier 1994 à mars 1996, ce dernier a assumé seul le remboursement des échéances ; que, par jugement du 18 décembre 1997, un tribunal a prononcé le divorce des époux ; que M. X... a demandé qu'il lui soit tenu compte de sa créance sur Mme Y... au titre du remboursement des emprunts litigieux ;
Attendu que pour fixer la créance de M. X... à la somme de 23 069 euros, l'arrêt retient que celle-ci n'a pas servi à financer un bien commun, ni un bien indivis, mais un "bien propre" de Mme Y... et que cette créance ne correspond pas à une récompense, mais à un remboursement d'une somme d'argent correspondant aux échéances payées ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les deniers du mari avaient contribué partiellement au financement de l'acquisition de l'immeuble appartenant à son épouse séparée de biens, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant I C I
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris