1ERE CIV, 4 NOVEMBRE 2011:AUTORISER LA DIVULGATION DE SON IMAGE NE VAUT PAS POUR SON NOM ET GRADE

Publié le Modifié le 26/12/2011 Vu 8 554 fois 0
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La première Chambre civile de la cour de cassation a rendu un arrêt intéressant le droit à l'image le 4 novembre 2011. La question soumise aux hauts magistrats était de savoir si l'accord donné par des fonctionnaires de police filmés pour la diffusion de leur propre image sans que celle-ci soit floutée pouvait aussi valoir accord tacite de divulgation de leurs noms et grades. La réponse est NON...

La première Chambre civile de la cour de cassation a rendu un arrêt intéressant le droit à l'image le 4 no

1ERE CIV, 4 NOVEMBRE 2011:AUTORISER LA  DIVULGATION DE SON IMAGE NE VAUT PAS POUR SON  NOM ET GRADE

 La première Chambre civile de la cour de cassation a rendu un arrêt intéréssant le droit à l'image le 4 novembre 2011, pourvoi N° 10-24761 au visa de l'article 1134 du code civil.

La question qui se posait était de savoir si l'’accord donné par des fonctionnaires de police filmés pour la diffusion de leur propre  image sans que celle-ci soit floutée valait aussi accord  tacite de divulgation de leurs noms et grades.

La réponse est NON.

I- L'atteinte à la vie privée et le fondement juridique de l'arrêt

A) L'accord portait autorisation limitée au sens de l'article 1134 du code civil

Ce texte dispose: 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi."

Dans le cadre de cet arrêt un accord de diffusion d'une image non floutée avait été consenti par des policiers.

Pour la cour d'appel  d'Aix en provence du 22 avril 2010, il semble qu'un accord tacite de divulgation du nom et grade était sous jacent.

Il semble que "'la société de production était fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également leurs noms et grades, et qu’il n’y a pas eu dans ce contexte et de ce seul fait atteinte portée au respect de leur vie privée, sachant que la révélation publique de leur profession découlait nécessairement et complètement de la seule diffusion de leur image, sans que cette révélation ait été en elle-même majorée par celle de leur nom et grade, même si l’une et l’autre de ces révélations ont pu conduire à des différences de réaction du public ;

Cassation au motif "Qu’en statuant ainsi, alors que l’accord donné par une personne pour la diffusion de son image ne peut valoir accord pour la divulgation de ses nom et grade, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;"

B) Rappel, le droit à l'image est protégé par le code civil

 Rappelons que toute personne a le droit de s'opposer à la diffusion d'une image dès lors qu'elle apparaît comme étant le sujet de l'œuvre, en raison d'un cadrage ou d'un recadrage, même si la photo a été prise dans un lieu public.

Le fait qu'une personne se laisse photographier en ne présentant aucune opposition ne signifie pas pour autant qu'elle vous donne l'autorisation de diffuser cette photo. Son autorisation devra donc être obtenue de façon expresse, claire et non équivoque.

Toute intrusion dans l’intimité d’une personne, constitue une atteinte  à la vie privée.Cette notion large a été définie par l’article 8 de la CEHD

L’article 9 du Code Civil dispose dans son alinéa 1er que :

« chacun a droit au respect de sa vie privée Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. ».

L’article 226-1 du Code Pénal puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende le fait de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en diffusant des paroles énoncées à titre privé ou confidentiel, ou une image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

cet arrêt nous invite à la prudence et rappelle que  l'autorisation de diffusion  qui devra être obtenue sera double comme portant à la fois :

- autorisation de diffuser et de  publier son image

-  le cas échéant une autorisation de mentionner son nom et son grade ( pour des fonctionnaires)

II- Présentation de 1ère Civ, 4 novembre 2011,  N° de pourvoi : 10-24761

 Cassation partielle

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que des fonctionnaires de police estimant avoir été victimes d’atteintes à leur vie privée lors d’un reportage où ils apparaissaient dans l’exercice de leurs missions au sein de la brigade anti-criminalité de Nice, ont assigné la société de télévision TF1, M. X..., directeur de la programmation et de la diffusion, et la société de Productions Tony Comiti en réparation de leurs préjudices ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l’arrêt énonce que ces policiers ont accepté d’être filmés et que leur image soit diffusée sans être “ floutée “ mais qu’ils dénoncent le fait que leurs noms et grades ont été divulgués alors qu’ils n’avaient donné aucune autorisation à cet égard, que dès lors qu’elle avait été autorisée à diffuser les images de ces policiers, la société de production était fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également leurs noms et grades, et qu’il n’y a pas eu dans ce contexte et de ce seul fait atteinte portée au respect de leur vie privée, sachant que la révélation publique de leur profession découlait nécessairement et complètement de la seule diffusion de leur image, sans que cette révélation ait été en elle-même majorée par celle de leur nom et grade, même si l’une et l’autre de ces révélations ont pu conduire à des différences de réaction du public ;Qu’en statuant ainsi, alors que l’accord donné par une personne pour la diffusion de son image ne peut valoir accord pour la divulgation de ses nom et grade, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’accord donné par une personne pour la diffusion de son image ne peut valoir accord pour la divulgation de ses nom et grade, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;

  PAR CES MOTIFS :

 CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes de Mme Y... et de MM. Z..., A..., I..., J..., B..., K..., C..., D..., E..., F..., G... et H..., l’arrêt rendu le 22 avril 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne les sociétés TF1, TF1 production et Productions Tony Comiti aux dépens

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés TF1, TF1 production et Productions Tony Comiti à payer à chacun des défendeurs la somme de 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille onze.

 MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour MM. Z..., A..., I..., J..., B..., K..., C..., L..., E..., F..., G... et H... et Mme Y...

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté de leurs demandes Mlle Rachel Y... et MM. Patrick Z..., Sébastien A..., Thierry I..., Benoît J..., Olivier B..., Serge K..., Jean-Charles C..., Philippe D..., Patrick E..., Eric F..., Damien G..., Olivier H... ;

AUX MOTIFS QUE ces policiers ont accepté d’être filmés et que leur image soit diffusée dans être floutée, mais qu’ils dénoncent le fait que leurs noms et grades ont été divulgués alors qu’ils n’avaient donné aucune autorisation à cet égard ; que si la société de production ne pouvait se croire tacitement autorisée à diffuser les images des policiers qu’elle avait filmés pour les besoins du reportage, en revanche, dès lors que cette autorisation avait été dûment donnée, elle était fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés, et qu’il n’y a pas eu dans ce contexte et de ce seul fait atteinte portée au respect de la vie privée, sachant que la révélation publique de leur profession découlait nécessairement et complètement de la seule diffusion de leur image, sans que cette révélation ait été en elle-même majorée par le fait de celle de leur nom et grade, même si l’une et l’autre de ces révélations ont pu conduire à des différences de réaction du public ;

 ALORS, D’UNE PART, QUE

la notion de « vie privée » comprend des éléments divers se rapportant à l’identité d’une personne, notamment son image et son nom, de sorte que l’autorisation donnée pour la diffusion de l’image ne vaut pas pour la diffusion du nom ; qu’en estimant que, dès lors qu’elle avait été autorisée à diffuser l’image des fonctionnaires de police dans le cadre de l’émission « Appels d’urgence », la société de diffusion était « fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés » (arrêt attaqué, p. 6 in fine), cependant que l’image et le nom de la personne constituent des éléments distincts de la vie privée, et que l’accord exprès donné pour la diffusion de l’image ne peut valoir accord tacite pour la divulgation du nom, la cour d’appel a violé les articles 9 et 1134 du code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE

la divulgation du nom de la personne qui a consenti à la seule diffusion de son image ne peut le cas échéant être décidée que lorsque la mention de l’identité de la personne qui se trouve filmée ou photographiée constitue un élément d’information nécessaire pour le public, et sous réserve que le diffuseur ait préalablement apprécié les conséquences qu’entraîne la divulgation de l’identité de la personne dont l’image est diffusée ou reproduite ; qu’en estimant que, dans la mesure où elle avait été autorisée à diffuser l’image des fonctionnaires de police dans le cadre de l’émission « Appels d’urgence », la société de diffusion était « fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés » (arrêt attaqué, p. 6 in fine), sans constater que la mention des noms et des grades des policiers concernés constituait un élément d’information nécessaire pour le public et sans constater que la société de diffusion avait envisagé les répercussions de cette divulgation sur les conditions de vie des intéressés, la cour d’appel a violé les articles 9 et 1134 du code civil. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 22 avril 2010

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine

 

 

 

 

 

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