Le 4 novembre 2011,la première chambre civile de la cour de cassation, pourvoi N°10-27.035 a rendu un arrêt intéréssant le domaine de la preuve au visa des articles 1341,1347 et 1348 du code civil, concernant le caractère libératoire d'une quittance.
En l'éspèce, une banque demandait remboursement du solde d'un emprunt à des débiteurs, lesquels lui opposaient une quittance libératoire dudit prêt établie par ladite banque.
Celle-ci soutenant qu'elle avait été émise par erreur obtenait gain de cause, au regard de circonstances de fait retenues par la cour d'appel qui lui permettaient d'en déduire l'impossibilité pour les débiteurs de pourvoir faire face à leurs échéances des 2008.
Parmi les indices laissant présumer l'impossibilité de rembourser, la cour a retenu la position débitrice du compte bancaire des débiteurs dès 2007, ainsi que le dépôt d'une procédure de surendemment portant indication de la dette de prêt, effectuée sur la même période.
Cassation, au visa des articles 1341, 1347 et 1348 du code civil en ces termes:
Qu’en statuant ainsi, alors que si celui qui a donné quittance peut établir que celle ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
I- Rappel textuel et analyse de l'arrêt
Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.
Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.
On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.
Peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.
Les règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.
Elles reçoivent aussi exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support.
B) Analyse de l'arrêt
La cour rappelle ainsi que la preuve par témoins est interdite dans la lettre de l'article 1341 du code civil.
En l'éspèce, si la banque qui donné quittance peut établir que celle ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil.
L'établissement bancaire a donc naturellement été débouté au regard des modes de preuve, alors qu'il lui suffisait d'établir l'absence du caractère libératoire du document établi par elle,mais en respect des principes des articles 1341, 1347 et 1348 du code civil.
Chère l'erreur informatique pour la banque !
II- Présentation de 1ère Civ, 4 novembre 2011 pourvoi N°10-27.035
Cassation
Demandeur(s) : Les époux X...
Défendeur(s) : La Société Générale
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1341, 1347 et 1348 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Société générale a assigné les époux X... en paiement du solde d’un prêt qu’elle leur avait consenti et dont des échéances étaient, selon elles, demeurées impayées ; que ceux-ci ont produit aux débats une quittance établie par la banque et faisant état du remboursement intégral du prêt ; que la Société générale a soutenu que cette quittance leur avait été adressée à la suite d’une erreur matérielle consécutive à une défaillance de son système informatique ;
Attendu que pour condamner solidairement les époux X... au paiement du solde du prêt, l’arrêt attaqué, après avoir relevé que le compte bancaire des époux X... ouvert à la Société générale s’était trouvé en position débitrice dès le mois d’août 2007 et que ceux ci avaient déclaré leur dette envers la Société générale au titre du prêt à l’occasion de la procédure de surendettement qu’ils avaient engagée à cette même époque, énonce que de tels éléments suffisent à établir qu’ils étaient, au début de l’année 2008, dans l’incapacité de rembourser cette somme et retient que la preuve de l’absence de remboursement est ainsi rapportée ;
Qu’en statuant ainsi, alors que si celui qui a donné quittance peut établir que celle ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 septembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris