Par deux arrêts rendus la semaine dernière, aux visas des articles 270 et 271 du code civil, la première chambre civile de la cour de cassation a été amenée à statuer sur les éléments à prendre en compte dans le cadre de la fixation de la prestation compensatoire, en matière de divorce.
Cette indemnité destinée à compenser un préjudice, succède au devoir alimentaire et sera due lorsque le divorce sera définitif.
Elle est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle ci dans un avenir prévisible...
J'envisagerai ainsi les textes visés dans les décisions, avant d'aborder l'état de la jurisprudence actuelle pour enfin précisier l'apport des derniers arrêts de la 1ère civ 6 octobre 2010.
I- Rappel des textes régissant la fixation de la prestation compensatoire
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
L'article 271 du code civil énumère, de manière non limitative, un certain nombre de critères ;
Aux termes de ce texte, la prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est verse et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Le juge prend notamment en considération :
-la durée du mariage; -
-l'âge et l'état de santé des époux;
-leur qualification et leur situation professionnelles;
-les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne;
-le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après liquidation du régime matrimonial;
-leurs droits existants et prévisibles ;
-leur situation respective en matière de pension de retraite.
II- Rappel des jurisprudences importantes à retenir avant 2010
Le juge prendra en compte l'existence de cette disparité, pour apprécier la perte en qualité de vie,mais aussi les causes de cette disparité,
1ère Civ,6 mars 2007,pourvoi n° 06-11364 et 06-10611
Le montant de la prestation compensatoire, prendra en compte non seulement l'existence d'une disparité engendrée suite au divorce dans les situations financières des époux mais aussi , les causes de cette disparité.
Ainsi, le juge cherchera à savoir si une personne n'a pas travaillé durant le mariage par choix personnel, ou dans le cadre des tâches familiales ...
Le moment de la disparité sera aussi considéré 1ère Civ,1er juillet 2009, pourvoi n°08-18147
La durée de la cohabitation effective, postérieure à la célébration du mariage, pourra être prise en compte par le juge, alors qu'il n'en sera rien du concubinage antérieur à l'union, dans la mesure où les obligations découlant du mariage naissent à compter de la célébration de celui-ci.
Dans 3 jurisprudences antérieures, la cour de cassation a pu affirmer cette position .
1re Civ, 16 avril 2008, pourvoi n° 07-12.814, pourvoi n°-0712.814, pourvoi n°07-17.652.
Les juges du fond n'ont pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire.
Quels types de revenus seront pris en compte, sachant que la prestation sera appréciée au regard des besoins de celui qui la reçoit et des ressources de celui qui la verse ?
III- L'appréciation des éléments à prendre en compte pour fixer la prestation compensatoire affinés par deux arrêts de la 1 ere Civ, 6 octobre 2010
A) Les prestations destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, 1ère Civ, 6 octobre 2010, pourvoi n°09-12.718 Arrêt n° 865
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par l’épouse, l’arrêt retient que Mme X... perçoit des prestations familiales à hauteur de 802,48 euros et un revenu mensuel de 529,83 euros au titre du congé parental, soit 1 332,21 euros par mois ;Qu’en statuant ainsi, alors que les prestations destinées aux enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
B) Les éléments non encore réalisés au moment du prononcé du divorce et qui ne présentent pas, à la date de celui-ci, de caractère prévisible, ne peuvent être pris en compte.: 1ère Civ 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-10.989,Arrêt n° 864
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle ci dans un avenir prévisible ; que la vocation successorale ne constitue pas un droit prévisible au sens de ces textes ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire, l’arrêt attaqué retient notamment qu’elle a vocation à hériter de ses parents d’immeubles à usage d’habitation et commercial dont elle est déjà nue propriétaire ; qu’elle a évalué ce patrimoine en 2003 à la somme de 804 930 euros à partager avec sa soeur et qu’ainsi dans un avenir prévisible ses revenus (foncier et salaire) seront identiques à ceux de M. Y... et qu’il en sera sensiblement de même en ce qui concerne leur patrimoine ;
Qu’en prenant ainsi en compte des éléments non encore réalisés au moment du prononcé du divorce et qui ne présentent pas, à la date de celui ci, de caractère prévisible au sens des textes susvisés, la cour d’appel les a violés.
Je me permets de renvoyer le lecteur interressé par le thème de la prestation compensatoire à trois récents articles que j'ai pu publier sur ce sujet :
--Peut on déroger aux modalités légales de versement de la prestation compensatoire ?
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/peut-deroger-modalites-legales-versement-3319.htm
--Payer une prestation compensatoire en retard peut coûter bonbon
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/payer-prestation-compensatoire-retard-peut-2866.htm
--Quelques rappels sur le paiement de la prestation compensatoire après le décès du débiteur
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris