L’article 14 de la Loi du 12 mai 2009 modifie l’article L.213-3 du code de l’organisation judiciaire pour consacrer l’élargissement du champ de compétence du juge aux affaires familiales, le JAF, tant en ce qui concerne le couple marié que les concubins et les partenaires unis par un pacte civil de solidarité, que l’après-divorce
Le juge aux affaires familiales, anciennement dénommé juge aux affaires matrimoniales et assez généralement juge du divorce, va devenir le juge de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, des partenaires Pacsés et des concubins (sauf en cas de décès, s'agissant alors du règlement d'une succession qui demeure de la compétence du tribunal de grande instance et en matière de déclaration d'absence).
Ce juge se retrouve affublé d'un nouveau rôle, de compétences accrues , techniques qu’il n’a pas forcément souhaité ou choisi, en complément et en relais.du le notaire et du Tribunal. Il interviendra désormais jusqu'au bout dans le règlement de la liquidation du régime matrimonial .
Un affinement de ses compétences semble s’imposer en la matière, l’empêchant par là de renvoyer les parties régler leurs difficultés auprès du notaire ou du Tribunal de Grande Instance, par un bref détour assimilable à une sorte de « déni de justice ».
Le juge aux affaires familiales se voit désormais, attribuer en sus de nouvelles actions , telles celles liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité, de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; de l'exercice de l'autorité parentale ; de la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ; du changement de prénom, d’autres attributions.
I- Un domaine de compétences familiales accrues
A) Le « JAF », juge de la modification et de la liquidation des régimes matrimoniaux durant l’union.
Ce juge unique se voit impartir les tâches liées à l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal de grande instance et du juge des tutelles des majeurs.
B) Le « JAF », juge de l’après-divorce dans la liquidation des régimes matrimoniaux ou post indivisaires
Le JAF, juge du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, devient le juge de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence ;
Ce juge du divorce ne serait-il pas en train de devenir le juge du couple ?
1°- Concrètement comment se passera la liquidation du régime matrimonial ?
- Dans le cadre des procédures amiables sur requête conjointe, une convention notariée en cas de biens immobiliers communs ou indivis sera annexée à la convention et homologuée en même temps que le juge prononcera le divorce.
L’état liquidatif en cas de patrimoine immobilier devra être notarié.
A défaut, il sera établi par l’avocat (il portera inventaire et évaluation des biens, mais aussi des dettes du couple) et sera annexé à la convention en divorce en vue de son homologation par le JAF.
- Dans les autres cas de divorce : (rupture irrémédiable du lien conjugal ou faute), la liquidation du régime pourra se faire soit durant la procédure, le juge pouvant homologuer les accords produits (annexés à l’assignation en divorce ou produits durant la procédure),. Il conservera un rôle protecteur des intérêts de la famille.
A défaut d’accord concrétisé entre l’assignation en justice et le prononcé du divorce, les époux disposent d’un délai d'une année pour liquider leur régime matrimonial.
Le JAF pourra demander à un notaire d’y procéder.
Si l’acte de partage est signé par les deux ex-époux, il n’y a pas de difficultés.
Cependant dans le cas contraire, le notaire dressera un procès-verbal de difficultés et saisira le « JAF », qui pourra le cas échéant décider de proroger d’un second délai de six mois la liquidation et ensuite statuera sur le partage des biens (anciennement à la Loi , le Tribunal de Grande Instance ).
Si le JAF se retrouve impliqué dans le règlement du litige post-divorce, il pourra être amené à procéder à la répartition et au partage des biens par tirage au sort, ce qui demeure risqué au regard de l’aléa dans l’attribution.
Ainsi mieux vaut trouver une issue amiable, quitte à y laisser quelques plumes , mieux vaudra un bon arrangement qu’un mauvais procès...
2°- La vente d’un bien indivis peut être autorisée par le juge à la demande des 2/3 des droits indivis (avant la Loi, il fallait l’unanimité, sauf aux 2/3 pour payer les dettes et charges de l’indivision)
L’article 815-5-1 du code civil envisage le fait que, (sauf en cas de démembrement des droits de propriété, (usufruit ou nue-propriété) de présomption d'absence ou d'incapacité de l'un des indivisaires), les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis pourront provoquer la vente tant des biens meubles que des biens immeubles. Pour cela ils seront tenus d'exprimer leur intention devant un notaire, lequel devra dans le mois signifier leur position aux autres indivisaires pour leur ouvrir un délai de trois mois pour se manifester sous forme d’opposition que le notaire constatera par procès-verbal pour permettre au tribunal de grande instance d’autoriser « l'aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ».
Cette aliénation, qui s’effectuera par licitation (vente aux enchères), restera encadrée . Elle n'est pas envisageable pour un indivisaire bénéficiant d’un droit de propriété démembré (usufruit, nu propriété), ou dans le cas d’un indivisaire placé sous un régime de protection de la Loi, d' un absent, d'un incapable hors d'état de manifester toute volonté.
Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l'objet d'un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l'indivision.
II- Une loi de mérite aux interrogations diverses
Cette nouvelle Loi a le mérite de :
-- simplifier le contentieux du divorce de l’après divorce, des concubins et des partenaires pacsés concentré dans les mains d’un seul magistrat...
-- assimiler ce juge unique au juge de la famille...y compris pour les questions concernant les partenaires pacsés...
Ne sommes-nous pas face aux prémisses d’un juge du couple ?
S'agissant du PACS, un nouvel article 515-7-1 du code civil précise que la loi applicable au pacs est celle de son lieu d’enregistrement, indépendamment de la nationalité des partenaires signataires.
Ainsi, si le pacs a été enregistré sur le territoire, Français; la loi française sera applicable, s’il a été enregistré à l’étranger, la loi étrangère s’appliquera alors, sauf dispositions contraires à l’ordre public.
-- clarifier la situation liquidative, puisque désormais, il sera procédé comme en matière successorale.
Une éternelle question se pose pourtant.
Le rôle sans cesse accru des compétences du JAF, ne risque-t-il pas d’essouffler le système et d’engendrer un engorgement plus important du secteur des affaires familiales ?
Une nouvelle lenteur de la Justice aux affaires familiales ne trouverait-elle pas un second visage ?
Certes, c'est sans doute pour ces raisons que le recrutement de magistrats spécialisés apparaît encore plus de rigueur...
Demeurant à votre disposition
Sabine HADDAD