I - Analyse de 1 ere Civ,4 mai 2012 , pourvoi N°10-13.545
A) Rappel des textes visés par l'arrêt et analyse des faits
1°- Les textes
Article 1132 du code civil
"La convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée."
"Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
2°- Application aux faits de l'éspèce
"...M. X... n’apporte pas la preuve de la remise de ladite somme à Françoise Y... ; Qu’en statuant ainsi alors que la convention n’est pas moins valable quoique la cause n’en soit pas exprimée, de sorte que c’était à Françoise Y..., qui avait signé la reconnaissance de dette et contestait la remise de la somme litigieuse, de rapporter la preuve de ses allégations.."
B) Rappel de la jurisprudence antérieure
Pour la cour de cassation, la reconnaissance de dette suffit à elle-même pour justifier de la demande en paiement de tout créancier muni de sa reconnaissance.
1ère Civ, 19 juin 2008, pourvoi N°06-19056
Il appartient au débiteur qui avait émis une reconnaissance de dette de justifier de l’absence de remise des fonds
1ère Civ, 30 octobre 2008, pourvoi N°07-12638
« La reconnaissance de la dette fait présumer la remise des fonds »
lorsque le prêt a été consenti par un particulier.
1ère Civ, 14 janvier 2010, pourvoi N° 08-18581
Il appartient au signataire de la reconnaissance de dette de démontrer l’absence de remise des fonds et non au prêteur.
A défaut pour un acte sous seing privé de remplir toutes les conditions de forme (défaut de signature ou de date …), ce dernier ne perdra pas toute sa valeur probante.
C) Quelques conseils
L'écrit reste un élément de preuve indispensable au delà de 1500 euros et souhaitable en deça de 1500 euros (article 1341 du code civil.).
Le titre devra constater la créance, comporter la signature du souscripteur de l'engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettre et en chiffres.(article 1326 du code civil)
-- L'écrit constitue une preuve du prêt ( étant rappelé que la preuve incombe au demandeur (article 1315 du code civil)
-- Il permet de :
. contrecarrer la future argumentation de l'emprunteur qui tendrait à nier le prêt ou à prétendre qu'il s'agit d'une donation
. renverser la charge de la preuve, puisque l'emprunteur devra démontrer que la somme ne lui a pas été versée. 1ère Civ 14 janvier 2010, pourvoi N° 08-18-581
En un mot, la reconnaissance de dette fait présumer la remise des fonds...
La jurisprudence a évolué depuis 2008, pour donner force probante accrue à l'écrit.
Son contenu vaut jusqu'à ce que la partie adverse prouve le contraire.
II- Présentation de 1 ere Civ,4 mai 2012 , pourvoi N°10-13.545
Cassation
Demandeur(s) à la cassation : M. Jean-Claude X...
Défendeur(s) à la cassation : 1° M. Julien Y..., pris en qualité de curateur de Mme Françoise Y... ; 2° Mme Françoise Y..., décédée en cours d’instance, aux droits de laquelle viennent M. Julien Y... et M. François Olivier Y...
Constate qu’à la suite du décès de Françoise Y... l’instance est reprise contre ses héritiers, M. Julien Y... et M. François Olivier Y... ;
Sur le moyen unique :
Vu l’article 1132, ensemble l’article 1315 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que se prévalant d’une reconnaissance de dette souscrite à son profit par Françoise Y..., M. X... l’a assignée en paiement de la somme y figurant ; que pour rejeter cette demande, la cour d’appel, après avoir constaté que la reconnaissance de dette litigieuse avait été établie au titre d’un prêt consenti à Françoise Y... par M. X..., énonce que le prêt qui n’est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui, pour exister, suppose la remise d’une chose et que M. X... n’apporte pas la preuve de la remise de ladite somme à Françoise Y... ;
Qu’en statuant ainsi alors que la convention n’est pas moins valable quoique la cause n’en soit pas exprimée, de sorte que c’était à Françoise Y..., qui avait signé la reconnaissance de dette et contestait la remise de la somme litigieuse, de rapporter la preuve de ses allégations, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 février 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris