Saisi le 22 février 2013 par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par un particulier liée à la conformité aux droits et libertés de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui vise la délivrance d'un titre séjour temporaire vie privée et familiale à l'étranger marié à un ressortissant français,par décision N° 2013-312 QPC du 22 mai 2013 a validé ce texte comme constitutionnel.
I- Sur l'atteinte au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité
La question posée était de savoir si en n'accordant pas à un étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un français les mêmes droits que ceux accordés à un étranger marié avec un ressortissant français, une violation aux principes d'égalité et de droit au respect de mener une vie familiale normale a été commise.
Pour le conseil l'article L. 313-11-4° ne vise pas la situation des personnes liées par un PACS tel que soulevé par le requérant.
Cela est envisage dans les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS et l'article L. 313-11-7° du CESEDA non soumises au Conseil constitutionnel.
A) Une différence de texte pour des situations différentes.
1°- Pour le mariage avec un français : l'article L 313-11-4° du CESEDA
Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :
4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
2°- Pour le PACS : l'article 12 de Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité et l'article L. 313-11-7° du CESEDA non soumises au Conseil constitutionnel.
a) l'article 12 de Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité
La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour.
b) L'article L. 313-11-7° du CESEDA
Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :
7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République
LE PACS: UN ELEMENT D'INTEGRATION A LA COMMUNAUTE FRANCAISE.
B) Le conseil considère l'article L. 313-11-4° du CESEDA, conforme à la Constitution.
Le législateur a pu, sans méconnaître la liberté du mariage ni porter une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire au conjoint étranger d'un ressortissant français ne vivant pas en état de polygamie, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres del'Etat civil
II Présentation de la décision N° 2013-312 QPC du 22 mai 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2013 par le Conseil d'État (décision n° 364341 du 22 février 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jory Orlando T. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Gadiou Chevallier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et Me Gérard Tcholakian, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre enregistrées le 18 mars 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Pierre Chevallier pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe les cas dans lesquels une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à un étranger, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public ; qu'aux termes du 4° de cet article , une telle carte est délivrée « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en n'accordant pas à un étranger lié avec un ressortissant français par un pacte civil de solidarité les mêmes droits à une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » que ceux qui sont accordés à un étranger marié avec un ressortissant français, les dispositions contestées portent atteinte au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité ;
3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne portent que sur la délivrance de la carte de séjour temporaire à l'étranger marié à un ressortissant de nationalité française ;
4. Considérant que, par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée, « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour » ; que cet article 12 bis a été codifié dans l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu du 7° de ce dernier article, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
5. Considérant que la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d'État ; que n'a pas davantage été renvoyée celle des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les griefs fondés sur la situation particulière des personnes liées par un pacte civil de solidarité, dirigés contre le 4° de l'article L. 313-11 du même code sont inopérants ;
6. Considérant, en second lieu, que, compte tenu des objectifs d'intérêt public qu'il s'est assignés, le législateur a pu, sans méconnaître la liberté du mariage ni porter une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire au conjoint étranger d'un ressortissant français ne vivant pas en état de polygamie, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
7. Considérant que les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 22 mai 2013.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur I C I
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris