L'avènement du commerce électronique a révélé que le nom de domaine constitue une véritable ressource économique pour l'entreprise.
La pratique simple en vigueur, dans l'enregistrement des noms de domaine, n'est soumise à aucune contrainte, si ce n'est le fait que le premier servi, pourra revendiquer le nom, constitutif de son adresse;. Ainsi, cela permet à son titulaire d'être connu des internautes.
C’est au regard du défaut de formalités y afférents et de contrôle dans l'attribution desdits noms qu’a pu se développer le cybersquatting ou accaparement de façon abusive ou spéculative d’un nom de domaine, procédé qui ne cesse de progresser chaque année.
Cette forme de piratage et fraude touche principalement le domaine de la mode, de l’habillement et de l’automobile, le e-commerce sur la toile.
En parallèle de cette menace, les dépositaires de ces noms de domaine en profitent pour organiser des attaques au phishing, technique consistant principalement à l'envoi massif d'emails afin de récupérer les informations confidentielles des internautes telles que les numéros de cartes bancaires….
De quoi s’agit-il ?
I- Les Manifestations du Cybersquatting
A) Modalités de la fraude : la contrefaçon d’une marque usurpée ou d’une œuvre de l’esprit sur internet
Une marque déposée est l’objet d’un droit exclusif de propriété au profit de son titulaire (propriété acquise au moyen de la formalité de dépôt / article L 713-1 du Code de la propriété intellectuelle) qui peut donc s’opposer à toute atteinte portée à son droit, sous quelque forme que ce soit, de bonne ou de mauvaise foi.
1°- Le moment de l’usrpation d’un nom de domaine et d’une extension
Le cybersquatter va prendre un nom de domaine qui reprend ou imite une marque , la raison sociale, la dénomination d’une société , connue sur lesquels son titulaire légitime a des droits., pour ensuite revendre le revendre à un prix très onéreux.
Il peut être pratiqué:
-a priori ; avant que la société ait pensé à déposer elle-même son nom de domaine . Le plus souvent, le nom de domaine litigieux reprend ou imite la marque, la dénomination, la raison sociale sur lesquels le titulaire naturel dispose de droits. Il consiste à faire enregistrer un nom de domaine dans l’unique optique de bloquer une attribution ultérieure de ce nom au profit de son réel titulaire, dans un dessein malveillant
-a posteriori dans le cas où la société oublie de le renouveler.
Cette fraude va empêcher le titulaire légitime d'enregistrer un nom de domaine sur lequel il est présumé avoir des droits; puisque l’escroc se sera approprié souvent un nom de domaine identique ou similaire à celui dont bénéficiait de la marque pour bénéficier de sa notoriété…
Une des cessions les plus onéreuses et célèbres a porté sur le nom de domaine wallstreet.com, enregistré en 1994 pour 70 dollars et vendu un million de dollars cinq ans plus tard.
Une atteinte à l’image, une concurrence déloyale avec captation de la clientèle seront aussi relevés.
2° Les buts du cybersquatter
Il y a une volonté d’obtenir du titulaire naturel du nom de domaine un avantage financier en échange de la rétrocession du nom détourné, ou bien, et dans la volonté de détourner sa clientèle.
3°- L'emprunt de divers noms de domaines au caractère similaire ou identique visant la désignation de nom, ou marques sur lesquels un tiers possède des droits légitimes
Exemple diverses extensions : .fr, . com, . net,. org .info ;.co etc…
B) Les Moyens de protection contre le cybersquatting
1°- L’intérêt de déposer différentes extensions du terme sur lesquelles une personne physique ou morale est titulaire de droits.
Exemple, la société DUPONT aura intérêt à déposer www.martin.fr, www.e-martin.fr ou www.martin-en-ligne.fr.
2°- Une vigilance indispensable du titulaire de la marque par la surveillance régulière des dépôts effectuées auprès de l’INPI, et de l’utilisation de certains noms sur internet
3°- La mise en demeure du cybersquatter avant toutes poursuites
4°- La tentative de négociation
5°- L'assignation au fond à l'encontre du cybersquatteur, et le cas échéant la société chargée de la mise en vente du nom de domaine illicite.
(un référé contrefaçon, sera souvent le préalable à la procédure au fond )
Selon la jurisprudence, le cybersquatting tombe sur le coup du droit de la propriété intellectuelle et du droit des sociétés (concurrence déloyale, parasitisme).
II Les actions judiciaires envisageables à l'encontre du Cybersquatter
Plusieurs actions sont envisageables en fonction des droits usurpés.
A) La protection sous le coup du droit de la propriété intellectuelle: L’action en contrefaçon : article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle
1°- L'action civile
Elle est diligentée par le propriétaire de la marque présumée contrefaite ou, sous certaines conditions, par le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation à l'encontre le gérant du site litigieux pour détournement d’une marque, cumulée éventuellement à une action en concurrence déloyale.
La majorité des situations, visent des litiges de cybersquating issus du conflit entre une marque et un nom de domaine.
La reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon de marque TGI Paris. 25 avril 1997
-- Référé contrefaçon préalable: article L 716-6 du Code de la propriété intellectuelle
Elle est souvent précédée d’une mesure d’urgence, le référé-contrefaçon ) et dans ce cas le juge peut interdire, à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes contrefaisants.
-- Action au fond
L’action civile visera uniquement l’obtention de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi. Les tribunaux font preuve d’une certaine sévérité pour sanctionner la réservation abusive d’un nom correspondant à une marque. (Ex : 150 000 euros pour sfr.com)
L’action civile en contrefaçon de marque peut être engagée par le propriétaire d’une marque qu’il estime contrefaite (art. L 716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle).
2°- L'action pénale peu usistée : article 716-9 du CPI
Est punie de quatre ans d'emprisonnement et de 400 000 euros d'amende le fait pour toute personne, en vue de vendre, fournir, offrir à la vente ou louer des marchandises présentées sous une marque contrefaite .
B) La protection sous le coup du droit des sociétés : L’action en contrefaçon éventuellement cumulée à une action en concurrence déloyale : article 1382 du code civil
Cette action sera autorisée si les faits de concurrence déloyale sont distincts de ceux exposés en terme de contrefaçon.
Cour d’Appel de Paris 30 juin 2006 a condamné le moteur de recherche google à 300.000 euros d’amende sur un double fondement, celui de la concurrence déloyale et celui de la contrefaçon de marque en matière de référencement. Pour ne pas avoir filtré les sites et exclure ceux qui pratiquent la contrefaçon, alors que selon la décision, cette opération étant techniquement réalisable.
Cela suppose la preuve d’une faute, ( exemple l’enregistrement d’un nom, en l’absence de droits, un risque de confusion, la volonté de nuire…),d’un préjudice ( atteinte à l’image commerciale d’une société, détournement de clientèle…) et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
1°- Le détournement de la clientèle
L’action en contrefaçon peut également se cumuler à l’action en concurrence déloyale lorsque certaines manœuvres visent à détourner la clientèle, si les faits de concurrence déloyale sont distincts des actes contrefaisants.
Une atteinte à l’image, une concurrence déloyale avec captation de la clientèle seront relevés…
Le tribunal considère que le moteur de recherche. Le montant de la condamnation s’est élevé à 300 000 euros d’amende.
2°- Le parasitisme
Il s'agit d'une forme de concurrence déloyale commise par un commerçant qui cherchera à s'approprier indûment la réputation ou le savoir-faire d'un concurrent en créant une confusion dans l'esprit de sa clientèle avec la marque ou les produits parasités.
Dans un prochain article, j'étudierai les conditions de l'action en contrefaçon et concurrence déloyale dans le cas spécifique du cybersquatting et les sanctions prononcées.
CONDITIONS LIEES AUX ACTIONS CIVILES ET SANCTIONS DU CYBERSQUATTING (II)
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris.