Jusqu’au prononcé du divorce définitif, les époux se doivent fidélité et respect dans le cadre des devoirs liés au mariage sous peine de commettre une faute punissable dans le divorce.
L'article 212 du Code civil prévoit ainsi que : Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.
Rappelons aussi qu'en vertu de l'article 215 du Code civil : "Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie."
Les fautes graves ou renouvelées aux devoirs du mariage qui rendent intolérables le maintien de la vie commune, telles que visées par l'article 242 du Code civil peuvent fonder une demande en divorce aux torts exclusifs de l'époux fautif et subsidiairement partagés.
Toutes les fautes invoquées dans le cadre d'un divorce peuvent être prouvées par tous moyens tant que la preuve n'a pas été obtenue par fraude ou violence.
L’article 259 du code civil dispose :
"Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux."
I- La question du respect et de l'atteinte à la vie privée dans la preuve de l'adultère
A) Les proscriptions dans la preuve des fautes
1°) des caméras
Nous sommes dans l'atteinte à la vie privée.
Dans une décision du 27 juin 2013, la Cour d'appel d'Amiens a considéré que le fait pour le mari d'installer des micros et caméras dans le domicile conjugal présente un caractère injurieux pour l'épouse et constitue dès lors une faute grave et renouvelée imputable à l'époux de nature à rendre intolérable le maintien de la vie commune.
2°) du témoignage des enfants
Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux, donc sur l'adultère (article 259-1 du Code civil).
Article 205 du Code de Procédure Civile : "Chacun peut être entendu comme témoin, à l'exception des personnes qui sont frappées d'une incapacité de témoigner en justice. Les personnes qui ne peuvent témoigner peuvent cependant être entendues dans les mêmes conditions, mais sans prestation de serment. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps"
Ainsi toute atteinte à la vie privée pour obtenir un élément de preuve rendrait la preuve irrecevable. (Exemples : enregistrement de la conversation d'une messagerie, obtention de documents protégés par mot de passe, ou code ...).
1ère Civ, 4 mai 2011 pourvoi N°10-30.706 , 1ère Civ, 9 juillet. 2014, pourvoi N°13-17804
3°) de tous modes de preuves déloyaux obtenus par fraude ou violence
Article 259-1 du Code civil "Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude"
Au regard de l’article 259 du Code civil, l’adultère peut être établi par tous moyens: Attestations, aveu , sms contenu dans un constat de commissaire de justice, rapport d’un détective privé ; factures d’hôtels, relevés de téléphone capture d’écran ; photos sur un réseau social via une messagerie privée 1ere Civ, 30 avril 2014 pourvoi n°13-16649
II- L’adultère fautif durant l’instance en divorce ou quand le devoir de fidélité est toujours présent
A) Les Juges ont pu rappeler la rigueur du devoir de fidélité au stade de la procédure de divorce, mais prennent en considération le comportement des époux pour « l’excuser"
Jusqu’au prononcé du divorce, chacun des époux peut faire état d’une faute à l’égard de son conjoint. Cela s’explique par le fait que la rupture du mariage n’est à considérer que lorsque le jugement qui de divorce est devenu irrévocable, (insusceptible d’appel ni de pourvoi en cassation, ou s’il y a eu un pourvoi rejeté)
1ere Civ, 11 avril 2018, pourvoi 17-17575
En l’espèce es Juges du fond ont prononcé successivement le divorce aux torts partagés : l’époux pour avoir trompé son épouse et l’épouse pour avoir trompé et avoir eu un comportement injurieux avec son mari. « la cour d’appel a souverainement estimé, sans dénaturation des conclusions de Mme X…, que cette dernière avait adopté envers son mari un comportement injurieux de sorte que ces faits constituaient une violation grave des devoirs et obligations du mariage
" (…) Les circonstances dans lesquelles un adultère a été commis peuvent lui enlever le caractère de gravité qui pourrait en faire une cause de divorce ; qu'en l'espèce, où il résulte de ses propres constatations que Mme X... n'a noué une relation avec un autre homme qu'après que son époux lui a appris qu'il avait renoué avec sa maîtresse avec laquelle il avait déjà eu une précédente liaison dix-sept ans plus tôt, et qu'il a quitté le domicile conjugal pour s'installer avec celle-ci définitivement, la cour d'appel qui a prononcé le divorce aux torts de l'épouse sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces circonstances n'ôtaient pas à l'adultère commis par Mme X... le caractère de gravité qui aurait pu en faire une cause de divorce, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil."
1ere Civ,1 er avril 2015, pourvoi N° 14-12823 (rejet)
Attendu, d'abord, que l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre ; que la cour d'appel en a justement déduit qu'il était possible d'invoquer, à l'appui de la demande en divorce, un grief postérieur à l'ordonnance de non-conciliation (…)
1ère Civ, 14 avril 2010, pourvoi N° 09-14006 au visa de l’article 242 du Code civil rappelle que lors de la tentative de conciliation, (depuis la réforme du divorce aujourd'hui on parle d'audience de mesures provisoires et d'orientation) le juge rendra une ordonnance qui, si elle autorise les époux à résider séparément, ne met pas un terme aux devoirs du mariage.
Tous types de griefs survenus avant, pendant ou après le prononcé de l’'ordonnance de mesures provisoires sont donc recevables.
Une grande prudence s’imposera au regard de la faute, en particulier pour s'éviter le grief d’infidélité susceptible d’être invoqué dans le plus grand paradoxe après la fin de la cohabitation, ou code ...).
B) Les circonstances atténuantes de l'adultère
Le juge appréciera souverainement si l'adultère existe et s'il peut être excusé ( ex-femme abandonnée depuis des années, ou fautes réciproque ) .
Il peut refuser de retenir la faute à l’encontre d’un seul époux et prononcer le divorce pour faute aux torts partagés. 1ere Civ 10 février 2021 pourvoi n° 19.24.543
L'argument tiré des fautes de son conjoint pour se justifier, peut atténuer la gravité de fautes ou contester leur existence.
Pour 1ere Civ, 15 mai 2013 pourvoi N°11-27121 en cas d'adultère, l'abandon du domicile conjugal par le conjoint n'est pas considéré comme fautif et ne permet pas de prononcer le divorce à ses torts exclusifs.
C) L’adultère dans l’intention mais sans consommation.
De plus en plus, nous sommes confrontés en raison des moyens modernes de communication, à la dissolution d'unions issues de rencontres virtuelles et de dials liés à des sites sur internet.
Certains, tentent par cette voie de doper leur quotidien et de tromper leurs habitudes, s'emballant et s'enflammant sur des personnes qu'elles n'ont souvent jamais vues, fantasme issu de leur imagination en quête d'idéalisation...
Le virtuel et le textuel.
L'absence de consommation est-elle assimilable à l'adultère ?
Pour certains époux, l'intention de la tromperie indépendamment du résultat conduira à la mise en place d'une procédure de divorce ...
Justement celle-ci est entamée parfois après la découverte d'une liaison ou pseudo-liaison à travers des sms ou des mails échangés.
Mais aussi après consultation des derniers sites de rencontres consultés par leur conjoint.
Certains époux soutiendront que l'infidélité n'est pas l'adultère à partir du moment où ils rentrent le soir chez eux pour retrouver leur conjoint(e)...
Chacun se fera sa propre opinion. Pour les tribunaux, seule la notion de violation(s) grave(s) ou renouvelée(s) des devoirs du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune reste essentiel.
L'adultère au sens physique sera relevé.
L'adultère au sens moral (sur le net), l'intention de l'adultère reste assimilable à une certaine forme d'injure.
Or, il faut savoir que l’injure est constitutive d'une faute (grief ) qui pourra être argué dans une procédure pour soutenir la violation grave ou renouvelée aux devoirs de l'époux et d'une demande de dommages et intérêts .
Le juge du fond appréciera ces points de façon souveraine.
Un adultère virtuel et donc non consommé peut être sanctionné. 1 ere Civ, 30 avril 2014, pourvoi N° 13-16649. à l'encontre d'un conjoint qui fréquentait un site de rencontre et a prononcé le divorce à ses torts exclusifs.
En l'espèce une épouse recherchait à avoir des relations sexuelles par le biais d’un site internet de rencontre sur lequel, elle échangeait des mails avec des hommes et des photographies intimes, mais sans relations physiques.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine