L’héritier bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie qui s’est abstenu volontairement d’en révéler l’existence peut-il être accusé de recel successoral ?
L’article 778 du code civil modifié par la Loi 2009-526 du 12 mai 2009 le définit dans son principe et expose ses conséquences comme suit:
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »
I- Une réponse négative de principe qui peut reouver exception
A) L'article L 132-13 du code des assurance et la réponse de principe
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »
B) L' exception dans un silence qui consisterait à dissimuler des primes manifestement exagérées.
1ère civ 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-19.653
« Mais attendu que s’agissant d’un contrat d’assurance-vie, dès lors que le capital ou la rente payables au décès du souscripteur et que les primes versées par lui, sauf preuve judiciairement constatée du caractère manifestement exagéré de celles-ci eu égard à ses facultés, ne sont pas soumis à rapport à la succession, la non-révélation de l’existence du contrat par un héritier n’est pas constitutive, par elle-même, d’un recel successoral, faute d’élément intentionnel ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du nouveau code de procédure civile, à celui critiqué, l’arrêt se trouve légalement justifié ».
Le contrat d’assurance-vie (au sens qui lui est donné ici par la cour de cassation) n’est donc pas soumis au rapport successoral. Etant hors succession, il ne peut faire l’objet de recel.
1ère Civ, 4 juin 2009, pourvoi n° 08-15.093
« La dissimulation du capital d'une assurance vie par un héritier est un recel successoral, si les primes versées par le souscripteur sont manifestement exagérées, elles constituent des libéralités dont il doit être tenu compte dans la liquidation de la succession »
« La non-révélation d’un contrat d’assurance-vie par un successible qui en est le bénéficiaire n’est constitutive d’un recel que si le silence gardé vise à dissimuler, sciemment, les primes manifestement exagérée versées par le souscripteur à l’entreprise d’assurance.Mais l’excès manifeste doit être judiciairement constaté »
II- La réalité de la preuve et sa difficulté
Il faut rappeler que les les sommes versées au décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé en vertu d'un contrat d'assurance vie ne font pas partie de sa succession et sont la propriété exclusive du bénéficiaire.
Dans la mesure où le conjoint survivant et les héritiers du souscripteur qui n'ont pas été désignés comme bénéficiaires n'ont aucun droit sur le capital ou la rente garantis, la loi leur accorde des droits en leur laissant la possibilité d'intenter une action en justice contre le bénéficiaire, s'ils s'estiment lésés.
Il leur appartient alors d'apporter la preuve du caractère manifestement exagéré des primes par rapport aux facultés financières du défunt.
L'importance des primes s'appréciera souverainement par les Tribunaux au cas par cas, au regard des éléments de fait propres à la situation :
- en comparant leur montant à celui de la fortune du souscripteur ou à son train de vie,
- en essayant d'évaluer le but poursuivi par le souscripteur.
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Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris