A travers cet article, nous nous pencherons sur les situations qui visent le divorce et le décès au travers du contrat non dénoué: lorsque le bénéficiaire décède avant le souscripteur assuré ou dénoué : lorsque le souscripteur assuré décède le premier.
I- Le contrat d’assurance vie souscrit par des époux mariés en communauté est un bien commun
L'article 1401 du code civil dispose:
« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».
Le contrat d’assurance vie est un bien commun qui bénéficie de la présomption de communauté, sauf s’il est prouvé que les fonds qui l'ont alimenté proviennent de fonds propres (ex issus d'une donation, d'une succession ou appartenant à l’époux avant le mariage) ou que les fonds sont issus de l'aliénation de biens propres qui tiennent lieu d'emploi ou de remploi article 1434 du code civil.
De ce fait, même si un contrat est nominativement souscrit par l’un des époux, la valeur de ce dernier est un bien commun.
A) Selon l’arrêt Praslicka rendu par la première chambre de la Cour de cassation, 31 mars 1992 pourvoi N°90-16.343
Le contrat d'assurance vie souscrit avec des deniers communs, et non dénoué au moment du divorce, est un acquêt de la communauté (bien commun acquis à titre onéreux durant le mariage ) et doit donc être partagé par moitié.
En l'éspèce un époux, marié sous l'ancien régime légal de la communauté de meubles et acquêts avait souscrit, durant le mariage, un contrat d'assurance mixte dont il restait bénéficiaire en cas de vie mais dont sa femme devenait bénéficiaire en cas de décès.
Le contrat avait été alimenté par des primes prélevées, jusqu'au moment du divorce, sur les salaires ( revenus communs).
L'échéance du contrat étant postérieure à l'assignation en divorce, le capital avait été versé au mari, souscripteur, assuré du contrat.
Cependant, ce dernier n'a pu démontrer que le capital lui appartenait en propre.
" La valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie fait partie des biens communs lorsque les primes d’assurance-vie ont été acquittées avec des fonds communs, conformément à l’article 1401 du code civil. "
B) Cette position a été par la suite confirmée par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 avril 2005, pourvoi N° 02-10895
« Fait une exacte application de l'article 1401 du Code civil la cour d'appel qui qualifie d'actif de la communauté le capital résultant d'un contrat assurance-vie, en cours à la date de la dissolution de la communauté, constitué par un époux au moyen de deniers communs, lui garantissant le maintien des résultats acquis par ce placement tout en lui laissant la libre disposition des sommes épargnées ».
C) Les réponses Proriol et Carayon J.O 10 nov. 2009 et J.O 02 fev. 2010 ont confirmé le la jurisprudence Praslika, elle même confirmée par la Cour de cassation le 19 avril 2005:
La valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie souscrit par des époux à l'aide de biens communs et non dénoué lors de la liquidation d'une communauté est un actif commun.
D) La réponse ministérielle Bacquet du 29 juin 2010
« Compte tenu des modifications intervenues sur le plan fiscal en matière successorale dans le cadre de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et notamment de l’exonération des droits de succession au profit du conjoint survivant résultant de cette loi, la mise hors communauté, du strict point de vue fiscal, de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie constitués par un époux au moyen de deniers communs n’a plus lieu d’être.
Par conséquent, conformément à l’article 1401 du code civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun».
Il en ressort que la valeur de rachat du contrat font partie de l’actif de la communauté conjugale et pour la moitié relève de la succession si décès.
II- Divorce ou décès lorsque les primes ont été versées avec des fonds issus de la communauté
A) En cas de divorce
Le lecteur se réfèrera au I)
Le partage du contrat dépend du régime de mariage choisi par les conjoints, lequel délimite les biens propres et les biens communs.
Application de l’arrêt Praslika.
1°- Communauté universelle
Tous les biens passés, présents et à venir sont communs.
En cas de liquidation de la communauté conjugale par divorce, les contrats d’assurance-vie doivent être partagés entre les deux époux.
2°- Communauté légale
Le reglement dépend des sommes qui ont alimenté le contrat
- si le contrat a été alimenté par de l’argent provenant de la communauté, alors il appartient par moitié aux deux époux et doit être partagé, en cas de divorce,étant rappelé que la présomption de communauté joue.
Ainsi la question du conjoint non souscripteur ne se pose pas puisque même si le contrat a été ouvert au nom de l'autre ,il lui permet de bénéficier de la moitié de la valeur des capitaux (valeur de rachat) même si l'époux souscripteur pourra le conserver.
Ce souscripteur devra récompense à son conjoint qui sera de la valeur du contrat au jour du divorce.( et non du montant des primes qui l'ont alimentées)
- si les primes ont été acquittées avec des fonds propres du conjoint souscripteur (exemple : biens recueillis par succession ou donation) dûment établies, alors pas de partage, si bien que la preuve de l’origine de l’investissement est essentielle.
Le contrat demeurera sa propriété lors de la dissolution du mariage sans aucun partage et donc sans récompense pour le conjoint non-souscripteur.
C’est pourquoi pour se protéger, il est utile de signer par les deux époux lors de la souscription une clause dite « d'emploi ou de remploi » pour affirmer que les sommes versées proviennent bien de biens propres.
Cette clause, devra ainsi être annexée aux conditions particulières du contrat.
B) En cas de décès du souscripteur: la question des récompenses du contrat dénoué
1°) En cas de contrat alimenté de fonds propres du souscripteur,
Le contrat se dénouera normalement et le tiers désigné percevra la rente ou le capital.
Sa valeur n'a pas à être rintégrée dans la succession.
2°) Si l’assuré était marié sous le régime de la communauté de biens, il convient de distinguer l'identité du bénéficiaire, selon que le bénéficiaire est ou non le conjoint de l’assuré.
Le contrat sera réintégré dans la communauté avant le partage.
La valeur du contrat d’assurance vie sera intégrée à l’actif de communauté et donc pour moitié dans l’actif de succession en application de l’article 1401 du Code civil.
C'est l'application de l’arrêt Praslika et de la réponse ministérielle Bacquet du 29 Juin 2010 qui aligne l'aspect fiscal de la valeur de rachat du contrat sur le droit civil.
Cette intégration de la valeur de rachat du contrat dans l’actif commun, engendre ainsi un supplément de droits de succession pour les héritiers.
a) désignation d'un tiers bénéficiaire autre que le conjoint.
Si le bénéficiaire n’est pas le conjoint de l’assuré et que les primes ont été réglées au moyen de fonds communs, une récompense est due.
La valeur du contrat d’assurance vie sera ainsi intégrée pour moitié à l’actif de communauté et pour moitié dans l’actif de succession en vertu de l’arrêt ¨Praslika et de la réponse ministérielle BACQUET du 29 Juin 2010.
Le contrat d’assurance vie dénoué est considéré comme un avantage sans contrepartie ( libéralité ) faite par l’époux qui a utilisé des fonds communs pour gratifier un tiers,
Comme cet époux a tiré profit personnel d'argent propre, en vertu de l’article 1437 du code civil, il doit récompense dès lors que la communauté s’est appauvrie à son bénéfice exclusif.
Il doit donc indemniser la communauté pour rééquilibrer la situation.
De ce fait, la déclaration de succession portera au passif cette dette au profit du conjoint survivant, laquelle sera équivalente à la moitié de la valeur du contrat d’assurance vie.
Cela assurera une meilleure protection au détriment des autres héritiers qui vont « s'appauvrir » dans leurs droits du fait de l’enrichissement de l’époux survivant.
Autrement dit,comme la communauté s’est appauvrie au bénéfice exclusif de l’un des époux, celui-ci devra l’indemniser par une récompense au sens de l’article 1437 du code civil qui dispose : « toute les fois que l’un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit récompense »
D'un côté une récompense née au profit de la communauté et de l'autre une dette est porté au passif de succession qui sera due au profit de l’époux survivant
Cette dette est de la moitié de la valeur du contrat d’assurance vie .
La moitié du contrat d’assurance vie, qui viendra accroître la masse successorale sera taxée fiscalement dans la sucession entre les mains des héritiers, autres que le conjoint, qui lui est exonéré, puisque le contrat d’assurance vie dénoué est considéré comme une libéralité faite par un époux à l’autre bénéficiaire.
b) désignation du conjoint de l'assuré comme bénéficiaire
Le capital appartient en propre sans que la succession doive de sommes à la communauté et ce même si les primes ont été réglées au moyen de fonds communs.
Le défunt avait désigné son conjoint comme bénéficiaire.
Le contrat est dans ce cas considéré comme un bien propre du conjoint survivant et n'a pas à être intégré dans l'actif successoral. Sauf primes manifestement excessives, les autres héritiers n'auront droit à aucune compensation.
Pas de récompense de ce fait du conjoint gratifié.
Afin d’éviter un enrichissement sans cause du conjoint, la mise en œuvre de la récompense n’est pas envisagée lorsque le bénéficiaire du contrat d’assurance vie dénoué est le conjoint lui même (Article 132-16 du code des assurances).
La moitié du contrat d’assurance vie, qui viendra accroître la masse successorale sera taxée entre les mains des héritiers autres que le conjoint, qui lui est exonéré.
Pour éviter cela, plusieurs solutions peuvent être envisagées, par exemple une co-souscription avec dénouement au premier décès.
La mise en œuvre de cette disposition aura pour conséquence une meilleure protection du conjoint survivant qui ne pourra plus être « appauvris » et pénalisé au profit d’un tiers.
Seule exception: les primes manifestement exagérées, qui entraînera une récompense due par la succession.
C) En cas de décès du conjoint du souscripteur
a) si le contrat est un bien propre du conjoint survivant;
alors sa valeur de rachat n'aura pas à être réintégrée dans la succession.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris