La donation déguisée est une donation qui se dissimule sous l'apparence d'un acte à titre onéreux.Il s'agit d'une donation d'apparence, souvent utilisée comme moyen de s'éviter de payer des droits de succession ou de mutations à titre gratuit, au moment de leur réalisation; en épousant le régime fiscal de l'acte dont elles donnent l'apparence.
Lorsqu'on sait que les droits de donation et de succession restent élevés après abattement : avec des tranches parfois supérieures à 20% en ligne directe, et que les transmissions entre parents éloignés restent taxées à un niveau "indécent", il n'est pas rare que les parties optent pour le paiement de droits de mutation à titre onéreux beaucoup plus faibles.
Ainsi seront déguisées des ventes fictives portant un prix dans l'acte qui ne sera pas payé, ou bien un apport fictif d'une somme en société, ou bien encore une reconnaissance de dette fictive, si le prêteur a toujours eu l'intention de ne pas se faire rembourser,une vente en viager à un âge très avancé pour une rente jamais versée, un don manuel .
A la différence d'un don manuel (remise d'une somme d'argent ou de biens mobiliers) ou d'une donation indirecte, (avantage indirecte consenti à un tiers exemple souscription d'un contrat d'assurance-vie, paiement de la dette d'autrui,renonciation au droit de succéder,achat d'un bien pour un tiers...), la donation déguisée reste cachée.
La requalification de tels actes en donation seront possibles si les conditions de forme exigées pour l'acte dont elle emprunte l'apparence, et les conditions de fonds des donations sont réunies.
Une analyse fiscale de l'opération pourra se faire par le fisc, lequel pourra demander une requalification de l'opération, au même titre qu'un héritier.
Si aucune loi n'interdit de vendre l'un de ses biens à un héritier , pour le fisc un contrat à titre onéreux entre proches pourra dissimuler une libéralité, ex cession à un conjoint, concubin, enfant , héritier...Il restera donc vigilant.
I- Le risque de la requalification
A) Un intérêt civil
Comme la donation indirecte, ou le don manuel, la donation déguisée est normalement rapportable, ce qui signifie que le montant de la donation sera rajouté à l'actif de la succession lors du décès avec une répartition entre héritiers.
Les parts de chacun sont recalculées en conséquence. Le bénéficiaire d'une donation déguisée peut ainsi être amené à indemniser les héritiers dits réservataires qui n'auraient pas perçu leur part minimale d'héritage.
Elle peut être réduite si elle porte atteinte à la réserve des autres héritiers. Elle ne sera pas annulée, opérant son transfert le propriété
B) Un intérêt fiscal
Une fois prouvée ( intention libérale, absence de contrepartie ,caractère gratuit)
1°) L'administration applique les droits de mutation à titre gratuit, assortis d'un intérêt de retard
0,40% par mois. Cet intérêt sera majoré en cas de mauvaise foi avec une pénalité de 40%, voire de 80% en cas de manoeuvres frauduleuses.
2°) Des droits à payer sont calculés sur la valeur du bien au moment de la révélation,au lieu de la date de transmission réeelle
Cette valeur ayant tendance à augmenter avec les années, mieux vaut donc déclarer le don manuel le plus tôt possible.
Les donations déguisées relèvent en plus de la procédure de répression des abus de droit (art. L 64 du Livre des Procédures Fiscales).
II- la preuve des donations déguisées
A) Le principe: une preuve par tous moyens
En principe les héritiers réservataires,mais aussi le fisc seront concernés par la requalification.
Une requalificaction en donation déguisée suppose une preuve qui se fera par tous moyens ( écrit, attestation, relevés bancaires etc...)
L'intention libérale sera appréciée, l'absence de contrepartie, le caractère gratuit, seront souverainement examinés par les juges du fond du Tribunal de grande instance compétent.
B) L'exception : la présomption de donation déguisée résultant de la loi.
Dans certains cas, la loi présume le caractère déguisé.
Les ventes à un enfant avec réserve d'usufruit sont soumises à l'article 918 du Code civil : et sont automatiquement assimilées à une donation déguisée, sans que le vendeur puisse prouver le contraire.( article 751 CGI)
Cette présomption de propriété pourra être écartée par le parent concerné en prouvant le simple droit d'usage et d'habitation (différent de l'usufruit ) ou, de façon plus prudente si l'acceptation de la vente est portée dans l'acte par les autres enfants .
Le parent pourra aussi avoir intérêt à céder son usufruit à une SCI, constituée par les enfants.
Sur le plan fiscal cela signifie que l'usufruitier sera supposé conserver la pleine propriété et l'enfant, lors du décès du parent, devra payer des droits de succession comme s'il n'avait jamais acheté la nue-propriété, à moins de prouver la réalité sincère de la transaction (relevés bancaires, etc.)
C) Les présomptions d'interposition de personnes
L'interposition de personnes vise des situations dans lesquelles une personne apparaît dans un acte comme étant le titulaire d'un droit , alors que, dans la réalité, ce droit appartient à une autre qui a décidé de rester inconnue des tiers.
La loi a créé des présomptions à ce titre.
Sont présumés personnes interposées, jusqu'à preuve contraire, les père et mère, les enfants et descendants, ainsi que l'époux de la personne incapable.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris