La première chambre Civile de la cour de Cassation le 15 janvier 2014 N° de pourvois: 12-25322-12-26460 a rappellé qu'un local servant d'habitation ne peut faire l'objet d'une demande d'attribution préférentielle lorsque ce bien appartient indivisément aux héritiers et à un tiers
I- Analyse de l'arrêt
A) Rappel
Lors d'une procédure de partage liée à un divorce ou à une succession un indivisaire, un héritier ou légataire copartageant peut, sous des conditions strictes demander à se voir attribuer en priorité un bien (domicile conjugal;exploitation agricole; entreprise commerciale: parts de sociétés, fonds de commerce... ) par rapport aux autres copartageants.
C'est ce que l'on nomme l'attribution préférentielle définie par les articles 831 à 834 du code civil.
Ainsi la valeur du bien attribué amiablement ou par le tribunal dans le lot de la personne s’imputera sur ses droits et si elle est supérieure, donnera lieu au paiement d’une soulte.
Article 831 du code civil
"Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.
S'il y a lieu, la demande d'attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers."
Article 831-2 du code civil:
"Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle :
1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant ;
2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel garnissant ce local ;
3° De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier."
L'article 832-3 dispose que:
"L'attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs successibles afin de conserver ensemble le bien indivis.
A défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence.
En cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s'y maintenir. Pour l'entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité."
B) L'arrêt
La 1 ere Civ 15 janvier 2014 N° de pourvoi: 12-25322 12-26460, au visa des articles 832 et suivants du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, applicable au litige, rappelle qu'un local servant d'habitation ne peut faire l'objet d'une attribution préférentielle lorsque ce bien appartient indivisément aux héritiers et à un tiers.
En l'éspèce 2 époux, sont décédés laissant pour leur succéder leurs six enfants, dont 5 d'entre eux sont ensuite décédés et représentés par leurs enfants respectifs,
Une demande d'attribution préférentielle avait été formulée par l'une des héritières occupante de l'immeuble indivis entre les consorts X. et une société .
Déboutée de sa demande, une licitation du bien avait été ordonnée dans le cadre du partage.
Les consorts X, se sont pourvue en cassation reprochant à l'arrêt d'appel de confirmer ce jugement qui a jugé irrecevable une telle action.
II- Présentation de 1ere Civ,15 janvier 2014
Joint les pourvois n° X 12-25. 322 et J 12-26. 460 ;
Sur le pourvoi n° X 12-25. 322, après l'avertissement prévu à l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'il résulte de l'article 613 du code de procédure civile que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition, ouverte aux parties défaillantes, n'est plus recevable ;
Attendu que Mme Béatrice X... a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt (Saint-Denis, 27 avril 2012) rendu par défaut, onze parties n'étant pas représentées ;
Attendu que la signification de l'arrêt, figurant aux productions, indique le délai d'opposition mais qu'il n'est pas justifié que ces actes ont été adressés aux parties défaillantes, ni de l'expiration du délai d'opposition ;
D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° J 12-26. 460, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 avril 2012), qu'Elise Y... et Joseph X..., son époux, sont respectivement décédés en 1975 et 1982, laissant pour leur succéder leurs six enfants ; que cinq d'entre eux sont depuis décédés et représentés par leurs enfants respectifs, dont Mme Béatrice X... ; qu'il dépend des successions d'Elise Y... et Joseph X... un immeuble sis à Saint-Pierre, propriété indivise des consorts X... et de la société DIF ; que l'immeuble est notamment occupé par Mme Béatrice X... ; qu'après une assignation délivrée en mai 2007, un tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions d'Elise Y... et Joseph X..., débouté Mme Béatrice X... de sa demande d'attribution préférentielle de l'immeuble indivis et ordonné la licitation de celui-ci ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de confirmer ce jugement, alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de l'article 4 de la loi du 23 juin 2006 relatif aux attributions préférentielles dans les partages sont applicables dès l'entrée en vigueur de la loi, soit dès le 1er janvier 2007, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date, sauf lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ; qu'en l'espèce, l'instance ayant été introduite les 11 et 22 mai 2007, la solution du litige relevait des dispositions issues de la loi nouvelle du 23 juin 2006 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 47 II de cette loi ;
2°/ que l'attribution préférentielle à l'héritier copropriétaire, du local qui lui sert d'habitation n'est pas subordonnée à l'établissement d'un compte entre les copartageants ni a fortiori à la justification des conditions dans lesquels le demandeur à l'attribution préférentielle pourra verser une soulte en contrepartie de cette attribution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 831-2 du code civil ;
3°/ qu'ainsi que l'avait retenu le jugement déféré, la SCI DIF ne contestait pas spécialement que Mme Béatrice X... qui habite effectivement le bien litigieux y avait sa résidence à l'époque du décès ; qu'en reprochant à Mme Béatrice X... de ne produire aucune pièce pour justifier qu'elle avait sa résidence dans l'immeuble litigieux au jour du décès, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 832 et suivants du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, applicable au litige, qu'un local servant d'habitation ne peut faire l'objet d'une attribution préférentielle lorsque ce bien appartient indivisément aux héritiers et à un tiers ; que, dès lors, la demande de Mme Béatrice X... tendant à l'attribution préférentielle du bien litigieux appartenant indivisément aux consorts X... et à la société Dif ne pouvait qu'être écartée ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° X 12-25. 322 ;
REJETTE le pourvoi n° J 12-26. 460 ;
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Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris