extrait de “L’Avocate vous fait Juge” - Copyright Sabine HADDAD -Edition : décembre 2013
L’anticipation dans le comportement des adversaires.
...Pas très évident, surtout au début, d’avoir les bons réflexes lors de certains rendez-vous avec les clients ou les confrères. Quelle argumentation vont-ils nous opposer ? Risquent-ils de soulever une difficulté de procédure inopinée ou d’aborder un point technique ? Vont-ils arguer de règles que je devrai vérifier ultérieurement ?
Il est clair qu’avec l’expérience, on est de moins en moins dépourvu. J’ai déjà pu raconter les inquiétudes et incertitudes que j’ai ressenties, lors de la séance des consultations gratuites organisées au Palais de justice de Paris. Le confrère m’avait fait forte impression, je m’en souviens.
Pourtant, à force de rencontres, d’exercice sur le terrain, je vois bien que je prends de l’assurance, que les réflexes apparaissent, ma pratique devenant plus évidente. Les études en faculté m’ont permis de savoir chercher dans le dédale des manuels juridiques, dans les codes, codes-barres des Lois, c’est déjà pas si mal… Affronter les remparts des articles et textes de lois, le fatras juridique, fait partie de notre quotidien…
N’oubliez pas que nous n’avons pas la science infuse, face à une importante densité de textes.
A cet effet, ma façon de consulter un ouvrage s’est modifiée avec le temps. Je passe désormais sur l’introduction, l’historique, devenus lettres mortes pour aller directement consulter la page du droit actuel ou droit « positif ».Quelques centaines de pages, devenues inutiles pour une praticienne, loin des doctrines ou des jurisprudences obsolètes. Une remarque susceptible de choquer un pur théoricien, sensible à toutes fines doctrines - ensemble d’opinions, de commentaires, de chroniques - même surannées, à l’exégèse, avide de toutes démarches heuristiques et auquel j’oppose désormais: codes rouges ou bleus, mémos, mémentos, gazettes et précis…
Il convient de se mettre à jour fréquemment des décisions constantes des tribunaux, lesquelles, tout comme la Loi, sont évolutives…Guetter le revirement de Jurisprudence sachant que d’une jurisprudence adéquate dépendra le bon dénouement d’un procès, sans oublier le fait que « Jura novit curia » : le Juge sait le droit, ou bien « actori incumbit probatio »: la preuve incombe au demandeur en matière civile, pour ne citer que quelques adages latins fondamentaux, issus de nombreux autres adages savants, enseignés à l’université par la voix d’une langue morte !
En théorie, ils supposent que le demandeur établisse ses moyens sans nécessité de produire la jurisprudence dans ses cotes de plaidoirie - sauf pour les décisions non publiées - Avec un peu d’expérience, je conseillerai cependant d’inclure les décisions clés dans son dossier de plaidoirie.A cet effet, je découvre avec le temps comment anticiper, parer à toute attaque, imaginer la riposte de l’autre côté de la barre pour la contrecarrer au moment venu. Le flair s’aiguisant, mieux vaut prévenir que guérir !
Dans le cadre des procédures écrites devant le Tribunal de grande instance, la Cour d’appel, nous avons en général le temps de répliquer dans un délai raisonnable, de fouiller en effectuant des recherches juridiques en bibliothèque ou dans une base de données. Cependant, dans le cadre d’une procédure orale, telle qu’en matière pénale devant un Tribunal correctionnel, il en va différemment.
Certains arguments sonnants et trébuchants, ou écritures soulevés à la dernière minute pourraient être déstabilisants. Je vais d’ailleurs assez tôt en vivre l’expérience...
Maître HADDAD Sabine