La Première chambre civile de la Cour de Cassation le 5 avril 2012, pourvoi N°11-14.177 a rendu un arrêt important qui rappelle combien la preuve reste importante dans le débat juridique...
Elle écarte comme argument tiré de la violation de l'intimité de la vie privée et du secret des correspondances le rejet d'un courrier en admettant que cette production litigieuse doit être indispensable et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
I- Analyse des textes visés par 1 ere Civ,5 avril 2012, pourvoi N°11-14.177
Article 9 al 1 du Code Civil :
« chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. ».
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Article 6 de la CEHD – Droit à un procès équitable
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Article 8 de la CEHD envisage la protection à la vie privée et familiale.
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. 11 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
II Présentation de 1 ere Civ, 5 avril 2012 pourvoi N°11-14.177
Cassation
Demandeur(s) : M. Pierre X...
Défendeur(s) : Mme Marie-Agnès X..., épouse Y... ; et autres
Sur le premier moyen :
Vu les articles 9 du code civil et du code de procédure civile, ensemble, les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Attendu que pour retirer des débats une lettre écrite par M. Jean Y... aux époux X..., ses beaux-parents, trouvée après leurs décès dans leurs papiers par M. Pierre X..., leur fils, gérant de l’indivision successorale, et par laquelle ce dernier prétendait établir une donation immobilière rapportable faite en faveur de Mme Marie-Agnès X..., épouse Jean Y..., l’arrêt retient qu’il produit cette missive sans les autorisations de ses deux soeurs ni de son rédacteur, violant ainsi l’intimité de sa vie privée et le secret de ses correspondances ;
Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 décembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens