Je n'aborderai que les délais de grâce et non les délais pour quitter les lieux d'un locataire expulsé ordonnés par un JEX par exemple.
I- la question des délais de grâce: compétences et circonstances
A) Rappel textuel
-- Article 1244-1 du code civil
Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.
C’est ce qu’a rappelé 2eme Civ 10 avril 2014 N° de pourvoi: 13-13469
-- Article 1244-2 du code civil
La décision du juge, prise en application de l'article 1244-1 du code civil , suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge.
-- Article L 313-12 du code de la consommation ( en matière de crédit à la consommation)
L'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge d'instance dans les conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil. L'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme
Initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension.
-- Article L 331-7 du code de la consommation pour le JEX afin d'entériner le cas échéant les mesures recommandées par la commission amiable de surendettement.
En cas d'échec de sa mission de conciliation, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, recommander tout ou partie des mesures suivantes :
-Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder dix ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;
- Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;
- Prescrire que les sommes correspondant aux échéances ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux d'intérêt légal sur proposition spéciale et motivé et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal....
B) Le juge compétent pour accorder des délais de grâce
1°-En fonction du montant de la demande, divers Juges peuvent être sollicités
-Le juge de proximité pour une créance jusqu’à 4000 euros
-Le juge d’instance pour une créance de 4000 à 10.000 euros
-Le Tribunal de Grande instance pour une créance de plus de 10000 euros
2°- en fonction de la matière
A titre d’exemple :
-- Le Juge de l’exécution pour une demande de paiement ou pour quitter les lieux, après une saisie d’huissier , ou tout acte en vertu d’une voie d’exécution d’une décision de justice (ex commandement, acte de saisie…) mais aussi en matière de surendettement des particuliers puisque face à un débiteur de bonne foi et dans les termes des articles 1244-1 et 1244-2 il pourra accorder un échelonnement ou un report de la dette pendant au plus 24 mois, sauf en matière fiscale, des intérêts à un taux réduit, dans la limite de l’intérêt légal.
-- Le Juge d’instance en matière locative ou de crédit à la consommation quelque soit le montant.
II- La jurisprudence et les délais de grâce accordés pour des dettes alimentaires
La réponse esn NON
A) Pas en matière de prestation compensatoire "mixte"
Cass, 1 re Civ, 29 juin 2011, pourvoi n°10-16.096, n°F-P+B+I : Jurisdata n°2011-012941
Le caractère mixte de la prestation compensatoire, à la fois alimentaire et indemnitaire. Ce caractère mixte fait obstacle à l'octroi de délais de paiement sur le fondement de l'article 1244 du Code Civil et à l'obtention de la main-levée d'une saisie-attribution. L'article 1244-1 alinea 4 prévoit en effet que "les dispositions du présent article (relatif au délai de grâce) ne s'appliquent pas aux dettes d'aliment."La première chambre admet implicitement même si le moyen est rejeté, car mélangé de fait et de droit, que la demande de délai peut porter sur les intérêts de la somme due à titre de prestation compensatoire, ne présentant pas un caractère alimentaire.
B) Pas en matière de pension alimentaire
La Cour de Cassation rappelle que -ci sont excluent expréssément des dettes d'aliments de l'article 1244-1 du code civil.
Présentation de 2eme Civ,10 avril 2014 N° de pourvoi: 13-13469 in extenso
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été condamné à payer une certaine somme à Mme Y... au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation de leur fille ; que Mme Y... a engagé à son encontre une procédure de saisie des rémunérations pour obtenir le paiement de la somme due ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche qui est préalable :
Attendu que le moyen pris en cette branche n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1244-1 du code civil ;
Attendu qu'après avoir constaté que la demande avait été engagée sur le fondement d'un titre exécutoire fixant la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant , le jugement énonce qu'au regard des charges incombant à M. X..., il convient de lui accorder des délais de paiement pour s'acquitter de sa dette ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'article 1244-1 du code civil exclut son application aux dettes d'aliments, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 juin 2012, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris