La bague de fiançailles peut être considérée comme un cadeau d’usage
On a coutume de distinguer le cadeau d’usage fait souvent à ses proches lors d’une certaine occasion ex fête de Famille, Noël, Anniversaire, Mariage, Pacs, Naissance, Réussite à un examen, Fête religieuse rupture ? du don manuel.
Sans doute que les premiers ne sont ni imposables, ni rapportables à la succession contrairement aux donations.
Comme le don manuel, ils ne supposent pas de formalité et peuvent échapper au fisc.
- 1ère Civ, 19 décembre 1979, pourvoi n° 78-13.346 :
« Justifie légalement sa décision rejetant la demande de restitution de la bague de fiançailles formée par la mari à la suite du divorce des époux la Cour d'appel qui, après avoir exclu le caractère de souvenir de famille du bijou litigieux, estime souverainement que la remise de la bague à la fiancée constituait en l'espèce, compte tenu des facultés respectives des époux et de leurs familles un présent d'usage, qui ne pouvait comme tel, donner lieu à restitution »
La jurisprudence se penchera sur la valeur des présents, les facultés respectives des époux et de leur famille, ou la notion de bijou de famille pour retenir l’exception en autorisant la restitution.
Dans trois situations, la fiancée devra la restituer !
I- Si la bague représente une valeur importante et disproportionnée par rapport à la fortune du donateur, elle doit être restituée
Dans ces conditions, les juges du fond apprécieront au cas par cas, au regard de la fortune du donateur, de son train de vie, si le présent sera à restituer.
Ex : une bague qui aurait coûté 6 mois de salaires au donateur.
Qui a dit qu'on ne pouvait pas reprendre un cadeau, facture à l'appui, ?
Qui nous a appris dès l'enfance que donner c'est donner, reprendre, c'est voler ?
Article 953 du code civil : « La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants. »
Article 1088 du code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s'ensuit pas."
On pourrait dire que les donations sont ici faites sous condition résolutoire de non célébration du mariage.
La condition liée au mariage défallante, rendra caduque le don.
II- Si la rupture est fautive du fait de la fiancée, la bague doit être restituée
Si l’initiative de la rupture fautive vient de la jeune femme, elle devra rendre la bague qui lui a été offerte.
Si au contraire, la rupture vient du jeune homme, il ne pourra demander à la récupérer sauf s’il s’agit d’un bijou de famille ; auquel cas la fiancée devra consentir à cette restitution.
III- Si la bague est un bijou de famille, elle doit être restituée: la question de la preuve
La jurisprudence affirme, de manière constante, que les souvenirs de famille doivent être restitués quelles que soient les circonstances de la rupture 1ère Civ, 23 mars 1983, dalloz. 1984, p. 81).
Ils doivent être conservés dans la famille, d’autant plus s’ils sont une tradition qui se transmet de génération en génération.
Question:
A quel moment la fiancée sera considérée comme acceptée comme telle au sein de la famille ?
Lorsqu'on sait que lors d'un divorce, soit plusieurs années après, une bague de fiançailles peut être réclamée, l'interrogation demeure...
-1ère Civ,30 octobre 2007, pourvoi n°05-14-258, confirme l'indisponibilité des bijoux de famille, lesquels ne peuvent être donnés à un tiers (concubin, épouse, partenaire pacsé, ou fiancé),maiis seulement remis à charge de restitution. Ces derniers ne pourront venir soutenir qu'il s'agit d'un don manuel.
De ce point de vue, la bague sera considérée comme un prêt à charge de restitution au sens de l’article 1875 du code civil qui dispose :
« Le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. »
- Cour d'Appel de VERSAILLES, 10 mars 2005, pourvoi n° 04/1388
Dans la cadre d’une liquidation de régime matrimonial après divorce, »... La cour observe que monsieur X... sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la restitution de biens propres mobiliers lui appartenant sous astreinte en possession de madame Y..., à savoir une bague de fiançailles, un fusil de chasse, une collection de pièces en argent, les objets se trouvant dans un coffre et des biens mobiliers se trouvant dans la propriété de Z, alors qu'il a été débouté de sa demande en ce qu'elle portait sur la bague de fiançailles et autres objets indéterminés ; qu'il conviendra qu'il s'explique sur ce point ... »
La preuve du bijou de famille se fera par tous moyens.
Ex: photographies de la bague portée dans une soirée de famille par un membre de famille, témoignages, facture détaillée d’achat au nom d’un membre de la famille, ou de réparation d’un bijoutier ...
Ainsi, quelque soit l’occasion, si les cadeaux d’anniversaire, de mariage ou de naissance peuvent être conservés à titre de don manuel, la caractéristique de bijou de famille, suffira à elle seule à légitimiser une demande en restitution des années plus tard...Une sorte de prêt à usage, mais aussi à l'usure qui ne s'avèrera pas viager...!
Pour la bague de fiançailles, l’écueil est double puisque la parade à la restitution plongera les tribunaux dans une appréciation du niveau social du donateur, necessairement dévoilée à la barre avec le prix du cadeau !
La bague de la désunion au coeur des débats ...
Chère la contribution aux charges des fiançailles !
Ici encore, ne nous a t-on pas enseigné qu'un cadeau n'a pas de prix, que son prix ne se communique jamais, que seul le geste compte ?
Il est clair qu’offrir une bague, rentrant dans le patrimoine des bijoux de sa famille, au surplus ayant une valeur onéreuse, constitueront deux bonnes raisons pour venir arguer de la restitution des années plus tard après une rupture plus ou moins fautive.
Cela permettra au fiancé, du coup de repartir avec tous ses "bijoux de famille" sous le bras !
Vous l’aurez compris, finalement pour être certain de ne jamais se voir réclamer la bague, une valeur de pacotille sera suffisante, laissant à penser qu'un petit carat vaudrait mieux qu'une grande cata!
Piètre valeur....
Le beau et le cher ont un prix particulier ici, un goût amer aussi !
Mais le prix le plus cher à payer n’est-il pas celui de la rupture et de la douleur du délaissé ?
Nous ne sommes pas très loin de toucher au cœur d'un contentieux de la bassesse et de la mesquinerie au moment des restitutions...
Une pensée, aussi pour celui ou celle qui rentrera dans une période de doute et de dépression...Cependant, ne faut-il pas se dire que la belle l'aura échappée belle ?
En y réfléchissant bien, mieux vaut que tout cela se déroule avant l'union, sans formalités contraignantes, parce-que la découverte de la valeur de l'autre a aussi un prix...
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris