L’article 1742 du code civil dispose :
"Le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur"
Il ne faut donc pas croire que le décès du locataire mette fin systématiquement au bail.
L’article 14 al 2 de loi N°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 envisage les cas de transmission de bail en cas de décès et d’abandon. Si le contrat de location est résilié de plein droit, par le décès du locataire, celui-ci pourra être cependant transféré : - au conjoint survivant, - aux descendants, - aux ascendants, - au concubin notoire, - aux personnes à charge, qui vivaient avec lui, depuis au moins 1 an à la date du décès.
Aussi, si aucune des personnes visées ci-dessus ne peut se voir transmettre, le bail, alors dans ce cas seulement, celui-ci sera résilié de plein droit au décès du preneur.
Dans cette situation, la loi n’a rien envisagé entre la date du décès et le déménagement des meubles appartenant au locataire. Ainsi, si le contrat ne peut être transféré conformément aux conditions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, il appartient au bailleur de prendre les mesures nécessaires pour faire libérer les lieux.
I- L’article 14 de la Loi du 6 juillet 1989
Il porte sur le bail d'habitation principale, non meublé, visant des personnes physiques
A) L'article 14 ne vise pars le sort du bail meublé, d'habitation principale ou non, ou professionnel
Le bail ne cesse pas au décès du locataire, sauf si une clause du bail le prévoit.
A défaut,il est transmis aux héritiers qui viennent aux droits du défunt.
Lorsque le bail est résilié suite au décès sans être transféré, ou transmis par succession, alors le dépôt de garantie sera restitué aux héritiers ou ayants droits du défunt comme suite au règlement de la succession.
Le notaire inclura son montant dans le règlement de la succession.
Si le bail est transféré ou transmis, l'acte de règlement de la succession pourvoit au transfert de propriété du dépôt de garantie, le propriétaire le conservant pour le rembourser au nouveau titulaire du bail lors de son futur départ.
B) L'article 14 ne vise pas les baux "loi de 1948".
La loi Engagement National pour le Logement "ENL" du 13 juillet 2006 a modifié le régime des baux soumis à la loi du 1 er septembre 1948, en son article 5 I bis.
Elle met un terme à la transmission du droit au bail aux héritiers, en cas de décès du titulaire du bail loi 48.
Le contrat de bail sera ainsi "résilié de plein droit par le décès du locataire" ou "en cas d'abandon du domicile par le locataire" ; toutefois, le droit au maintien dans les lieux est reconnu à ceux qui, si le bail avait fait l’objet d’un congé, transformant le titre d’occupation en droit au maintien dans les lieux auraient bénéficié de la transmission de ce droit conformément à l’article 5 de la loi du 1er septembre 1948, à savoir le conjoint, auquel est ajouté le partenaire de PACS, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec l’occupant depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes handicapées ainsi que, jusqu'à leur majorité, les enfants mineurs…"
II-La transmission ou la continuation du bail d'habitation non meublé au sens de la Loi
Lorsque le bail est en cours, il est transféré aux héritiers du preneur conformément à l'article 1742 du code civil.
La loi du 6 juillet 1989 prévoit, dans son article 14 al 2 de façon limitative les éventuels bénéficiaires au transfert.
Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil ;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
A défaut de personnes remplissant les conditions, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l'abandon du domicile par ce dernier.
A) La transmission automatique du bail
1°- pour le bail d’habitation
Pour le conjoint marié et le partenaire pacsé qui prouve l'existence du Pacs avant le décès, la transmission est automatique, indépéndamment du fait que les deux membres du couple aient ou non signé le bail.
Dans tous les cas, le survivant bénéficie de la transmission.
Ainsi, le conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil qui visent l’attribution du bail dans ce cas est visé.
Aux termes de l’article 1751 du code civil (modifié par la loi du 3 décembre 2001), le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial, en dépit d’une convention contraire, et même si le bail a été conçu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux.
En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément.
Le conjoint peut en effet préférer renoncer au bail.
Il doit dans cette hypothèse en informer le plus rapidement possible le bailleur.
Tant qu’il ne l’aura pas fait, il sera redevable des loyers.
Donc au sens de l’article 1751 du Code civil une cotitularité légale du bail sur le local servant d’habitation est instaurée aux époux, locataires mariés.
Cette cotitularité ne cesse qu’en cas de divorce ou de séparation de corps, par l’effet d’une attribution judiciaire.
Le décès d’un des époux a pour conséquence que le conjoint survivant titulaire du bail va alors disposer d’un droit exclusif sur le contrat de location, sauf s’il y renonce expressément.
Lorsque le conjoint ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil (local qui n’est pas à usage exclusif d’habitation et qui ne sert pas effectivement à l’habitation des deux époux), il viendra alors en concurrence avec les autres bénéficiaires visés à l’article 14 (descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, partenaire lié au locataire par un PACS, ascendants, concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès).
En cas de demandes multiples, le juge se prononcera en fonction des intérêts en présence.
A quel moment peut intervenir la renonciation ?
3e Civ, 18 mai 2011,pourvoi n° 10-13.853
Pour la Cour, il s'agit de rappeler à la date du décès d'un des époux, l'autre reste cotitulaire du bail, ainsi qu'en cas de divorce jusqu’à la transcription du jugement de divorce en marge des actes de l’état civil.
Dans une espèce, suite au décès d'un époux, en 2007, sa femme avait assigné le bailleur en reconnaissance de son droit exclusif sur le bail ayant servi à l’habitation du couple.
Elle a été déboutée en appel,du fait qu’une ordonnance de non-conciliation l’avait autorisée à résider séparément de son époux et avait attribué à celui-ci la jouissance du domicile conjugal et qu’en 2006 elle avait demandé la confirmation de cette mesure et, ainsi, renoncé expressément au droit au bail sur le logement.
Pour la Cour, il appert qu’à la date du décès de son époux, la demanderesse demeurait toujours cotitulaire du bail, en absence de transcription du jugement de divorce en marge des actes de l’état civil.
Elle relève que le décès avait interrompu la procédure de divorce.
Partant de là, elle constate que la « renonciation » de 2006 ne pouvait porter que sur le droit exclusif dont la demanderesse bénéficiait en sa qualité de conjointe survivante.
L’épouse ne pouvait donc en 2006, renoncer à un droit qu’elle n’a acquis que postérieurement en 2007, lors du décès de son mari.
2°- une appréciation de situation par le juge en cas de bail mixte
Si le bail est à usage uniquement d'habitation, le survivant a un droit exclusif.
En revanche, si le bail est mixte, à la fois à usage d'habitation et professionnel, le conjoint, partenaire pacsé ou concubin peut se trouver en concurrence avec les autres bénéficiaires (ascendants, descendants ou personnes à charge vivant avec le locataire depuis au moins un an). S'il y a conflit, ce sera au juge de trancher selon les intérêts en présence.
B) La Transmission sous condition de délai de cohabitation et de sa qualité
1°-pour les concubins : la preuve du caractère notoire depuis au moins un an à la date du décès
Ceux-ci devront justifier de deux choses:
--L’existence d’un concubinage stable et durable pendant au moins une année avant le décès.
--Une durée depuis au moins un avant le décès
L’article 515-8 du Code civil le définit comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.
Le concubinage notoire sera caractérisé par la stabilité d’une vie commune,continue , affective et effective depuis au moins un an à la date de l’évènement. Ces faits seront établis par tous moyens.
Le certificat de concubinage, délivré en mairie, sans valeur juridique particulière constituera un indice de la réalité.
Cela signifie concrètement que le bail, sera automatiquement transféré au nom du concubin, sans nécéssité d'une manifestation particulière, si bien qu'il n'y aura pas l'obligation d'établir un nouveau bail au nom du concubin .
2°- La preuve de résidence avec le locataire décédé depuis au moins un an à la date du décès pour les descendants, les ascendants et personnes à charges
Ces éléments seront établis par tous moyens ( pièces fiscales, courriers…)
Il faut entendre par là une cohabitation habituelle (Cour d’appel de Paris 30 novembre 2000).
A noter que les héritiers, seront tenus des éventuels impayés de loyers que s’ils acceptent la succession par le bénéficiaire du transfert.
La loi ne distingue pas les majeurs et les mineurs.
C) La transmission par legs doit respecter les conditions de l’article 14
Il semble que le bailleur ne puisse prétendre à la récupération des lieux et faire séquestrer le mobilier dès le décès, sauf à poursuivre la succession du défunt, au paiement de l'indemnité compensatrice du fait de l'indisponibilité des locaux, en raison de la présence du mobilier.
Cette indemnité sera égale au préjudice, résultant de l'impossibilité de relouer et peut être fixée à un montant représentant le loyer et les charges ou plus.
3ème Civ,10 décembre 2008, pourvoi N° 07-19320
a jugé suite au décès d’un locataire qui avait à une association d'aide aux personnes handicapées à titre universel ses biens, que cette dernière ne peut bénéficier des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, et que le bail était résilié au jour du décès du locataire.
Ils ont cependant accueilli l'action du légataire contre le bailleur en remboursement de sommes perçues par ce dernier postérieurement au décès, au titre de l'occupation par le légataire des locaux.
Pour la cour ce légataire est donc bien devenu sans droit ni titre, et considère que la preuve de l'occupation des lieux postérieurement au décès du preneur par le légataire, n’étant pas rapportée, cela empêche toute indemnisation.
Cela revient à dénier au bailleur toute indemnisation entre le décès du locataire et la libération effective des lieux, s’il n’est pas établi que l'héritier a effectivement occupé les lieux.
III- L'extension de l’article 14 dans les cas d'abandon de domicile par le locataire, indépendamment au décès
L’article 14 al 1 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 permet un transfert du contrat, en cas d'abandon du domicile par le locataire, ainsi le contrat de location continue :
- au profit du conjoint sans préjudice de l'article 1751 du code civil ;
- au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile ;
- au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
En cas de demandes multiples, le juge se prononcera en fonction des intérêts en présence.
A) La notion d’abandon de domicile
s'entend de façon stricte et suppose un départ brusque et imprévisible du domicile par le locataire en titre. (ex sans prévenir, sans laisser de précisions…)
3ème Civ,15 avril 1992, pourvoi N°90-16042
Un départ organisé ou concerté avec les personnes demeurant dans les lieux ne peut être assimilé à un abandon.
3ème Civ, 26 novembre 2008, pourvoi n°07-17728 un placement définitif d'un locataire en maison de retraite imposé à l'une des personnes mentionnées à l'article 14, de la loi du 6 juillet 1989 constitue un abandon du domicile au sens de cet article.
Ainsi pour un fils qui voulait reprendre le bail de sa mère partie en maison de retraite a considéré que l’abandon peut également se caractériser par le caractère définitif du départ et le fait qu’il soit imposé à celui qui demeure.
3ème Civ, 8 juillet 2009, pourvoi 08-16.992
attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des éléments de preuve produits par Mme Corinne X... que sa mère, à la suite de divergences d'ordre personnel survenues entre elles, avait, au cours du premier trimestre 2005, quitté son logement sans l'informer de sa nouvelle adresse ni lui donner de ses nouvelles, la cour d'appel, qui, sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire que ce départ définitif constituait un abandon du domicile au sens de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, a légalement justifié sa décision
B) L’habitation principale du conjoint abandonné
Celui-ci pourra demander la transmission de son bail l'article 14, loi du 6 juillet 1989,ou le l’'attribution du bail en vertu de l'article 1751 du Code civil en tant que cotitulaire du bail.
C) La reprise des lieux en cas d'abandon des locataires
Un décret N° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation de baux d'habitation et de reprise des lieux en cas d'abandon ( Journal officiel du 12 août 2011). organise les modalités de résiliation du bail et de reprise des lieux abandonnés, pour l'application des dispositions de l'article 14-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
La résiliation du bail pourra être désormais formulée par voie de requête. ( et non plus d'assignation, sauf rejet de la requête).
l'avantage permettra d'obtenir une décision rapide, sans débat préalable sur la résiliation du bail, la possibilité de voir ordonner la reprise des lieux, le paiement des arriérés de loyers ,frais, et voir déclarer abandonnés les meubles sans grande valeur,à l'appui d'un inventaire porté dans un procès-verbal d'huissier de justice ( sauf pour les papiers et documents placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice.)
( NB le sort des meubles de valeurs seront réglés par le juge de l'exécution dans un second temps).
L'ordonnance sera ensuite signifiée au locataire et derniers occupants de son chef dans les deux mois par hussier en respect de formes strictes sous peine de nullité.
1° mention de la possibilité de former opposition dans un délai de UN mois, dans les formes
2° précision du tribunal compétent,
3° possibilité de consulter au greffe des documents produits par le bailleur,
4° information de ce que le défaut d'opposition rend irrecevable un recours et permettra la reprise du bien ;
5° lorsque l'ordonnance statue sur les meubles abandonnés :
a) L'avertissement de ce qu'à défaut d'opposition , aucun recours ne sera recevable avec risque d'évacuation des biens ;
b) sommation d'avoir à retirer le mobilier dans le mois suivant la signification de l'ordonnance avec rappel des dispositions de l'article 207 du décret du 31 juillet 1992.
L'opposition suspend l'exécution de l'ordonnance .
Les parties seront convoquées afin que le juge statue sur les arguments qui y sont portés.
Si la requête est considérée comme abusive, il pourra prononcer une amende civile prévue par l'article 32-1 du code de procédure civile.
A défaut d’opposition le bailleur récupèrera son bien et se débarrassera des meubles, à l’exception des documents personnels placés sous enveloppe scellée;conservés pendant deux ans par l’huissier de justice.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine