Dans un arrêt du 7 juin 2012, pourvoi N° 10-26.947 la première chambre Civile de la Cour de cassation rappelle que pour justifier d'une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, il faut que la personne se soumette à une expertise médicale pluridisciplinaire en France.
Son refus aura des conséquences...
Cela va dans le sens de la protection des personnes.
Une vérification intime imposée par le droit ou quand le droit s'immisce dans la vie privée...
I-Présentation de 1 ere Civ, 7 juin 2012, pourvoi N° 10-26.947
En l’espèce, Une personne qui avait été déclarée de sexe masculin à l’état civil avait changé de sexe. Elle souhaitait de ce fait changer de nom et d’état civil.
Par arrêt du 23 septembre 2010, la cour d'Appel de Pais a admis le changement de nom refusant le changement d’état civil, au motif que le demandeur avait refusé de se soumettre à une expertise médicale pluridisciplinaire confiée à un psychiatre, un endocrinologue et un gynécologue.
Devant la cour de Cassation, avaient été mis en avant les textes de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( articles 8 et 14) et L. 1110-8 du code de la santé publique relatifs au droit à la vie privée et au libre choix de son médecin.
REJET de la cour de cassation en ces termes:
"Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrometranssexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ; qu’après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d’une part, que le certificat faisant état d’une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d’éléments médicaux sans constater l’effectivité de l’intervention, d’autre part, que M. X. opposait un refus de principe à l’expertise ordonnée par les premiers juges, la cour d’appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance ; que le moyen n’est pas fondé".
II-Présentation de 1 ere Civ, 7 juin 2012 pourvoi N° 10-26.947
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2010), que M. X..., né le 10 septembre 1983 à Séoul (Corée), a été déclaré à l’état civil, sous les prénoms d’Axel, Hugo, Suk, Jung comme étant de sexe masculin ; que, par acte du 11 septembre 2008, il a assigné le procureur de la République pour voir dire qu’il est de sexe féminin et se prénommera Axelle ; qu’il a produit, à l’appui de sa demande, divers certificats médicaux émanant de praticiens français et étrangers, dont l’un faisait état d’une intervention chirurgicale de “réassignation” sexuelle réalisée en Thaïlande le 3 juillet 2008 à la clinique B... ; que, par jugement du 17 février 2009, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale pluridisciplinaire confiée à un psychiatre, un endocrinologue et un gynécologue ; que M. X... s’étant opposé à cette mesure, le tribunal a rejeté sa demande ; que la cour d’appel, tout en ordonnant la rectification de son prénom, a refusé celle de la mention du sexe figurant sur son acte de naissance ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit au respect de sa vie privée et familiale commande que le changement de sexe d’une personne soit autorisé à chaque fois que son apparence physique la rapproche de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social ; qu’en l’espèce, pour refuser de faire droit à la demande de changement de sexe, la cour d’appel s’est fondée sur le fait que l’exposante ait refusé de déférer à une expertise ayant pour objet, d’une part, de se prononcer sur l’origine du syndrome de transsexualisme et son évolution, d’autre part, de caractériser qu’elle ne présentait plus tous les caractères du sexe masculin ; qu’en statuant ainsi après avoir relevé que l’exposante était connue sous un prénom féminin, qu’elle avait la conviction d’appartenir au sexe féminin, qu’elle avait suivi divers traitements médico-chirurgicaux et que la réalité de sa vie sociale était celle d’une femme, ce qui était suffisant pour faire droit à la demande, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2 °/ que même s’il est exigé de la personne qui demande à changer de sexe de justifier présenter le syndrome du transsexualisme, de justifier d’un traitement médico-chirurgical et de justifier d’une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, la preuve de ces éléments n’est pas nécessairement rapportée par une expertise judiciaire mais peut être rapportée par les pièces produites par le demandeur, qui ne doivent pas être dénaturées ; qu’en l’espèce, l’exposante produisait notamment le certificat établi le 12 avril 2007 par M. Y... qui indiquait suivre la patiente « pour un syndrome typique de transsexualisme », le certificat établi le 16 janvier 2008 par M. Z..., qui certifiait la « suivre sur le plan hormonal pour transsexualisme primaire typique depuis le 1er juin 2006 » et qui soulignait que l’exposante était « éligible pour la réassignation chirurgicale, qu’elle attend légitimement », le certificat médical du psychiatre A... établi le 3 avril 2008 qui certifiait que la patiente « présente un syndrome de Benjamin typique ; il n’existe actuellement aucune contre-indication aux traitements médicaux et/ou chirurgicaux nécessités pour la réassignation de genre demandée par le sujet », le certificat de M. B... qui détaillait l’opération réalisée et concluait que « l’opération est irréversible et change de manière permanente l’identité sexuelle masculine de M. X... pour une identité sexuelle féminine », le certificat médical établi le 26 mai 2009 par M. C..., postérieurement à l’opération, qui indiquait que « la chirurgie de réassignation des organes génitaux externe [a] été réalisée et [est] irréversible », le certificat médical du psychiatre A..., établi le 23 juillet 2009, qui soulignait que la patiente « a suivi un traitement hormonal et les interventions chirurgicales nécessaires pour que son aspect et son comportement soient désormais féminins », l’attestation de l’orthophoniste D..., en date du 27 mai 2009, qui témoignait que « actuellement la voix et l’apparence [de l’exposante] sont parfaitement féminines et concordantes » et l’attestation du docteur en psychopathologie fondamentale Peretti qui certifiait qu’elle avait pu « constater la cohérence entre les propos de Mlle X... et son identité de genre revendiquée » ; que ces pièces établissaient pleinement que l’exposante présentait le syndrome du transsexualisme, qu’elle avait subi un traitement chirurgical faisant d’elle une femme et que son apparence physique comme son comportement social étaient féminins, de sorte qu’en jugeant que ces pièces étaient insuffisantes pour prouver les conditions nécessaires au changement de sexe et en faisant grief à l’exposante de ne pas avoir déféré à l’expertise judiciaire ordonnée, la cour d’appel a dénaturé les pièces précédemment citées ;
3 °/ que tout patient a le libre choix de son médecin et que constitue une discrimination illicite le fait de le priver de ses droits sous prétexte qu’il s’est fait opérer par un médecin exerçant hors de France ; qu’en se fondant, pour dire que l’exposante aurait dû se soumettre à l’expertise judiciaire, sur le fait que le dossier complet exigé pour les patients opérés en France ne paraisse pas exigé par le chirurgien qui avait opéré l’exposante en Thaïlande et sur le fait que la notoriété scientifique et chirurgicale de ce chirurgien ne soit pas établie, pas plus que la pertinence de l’intervention pratiquée au regard des pratiques de la communauté médicale, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs discriminatoires, violant ainsi les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L. 1110-8 du code de la santé publique ;
Mais attendu que, pour justifier une demande de rectification de la mention du sexe figurant dans un acte de naissance, la personne doit établir, au regard de ce qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ; qu’après avoir examiné, sans les dénaturer, les documents produits, et relevé, d’une part, que le certificat faisant état d’une opération chirurgicale effectuée en Thaïlande était lapidaire, se bornant à une énumération d’éléments médicaux sans constater l’effectivité de l’intervention, d’autre part, que M. X... opposait un refus de principe à l’expertise ordonnée par les premiers juges, la cour d’appel a pu rejeter sa demande de rectification de la mention du sexe dans son acte de naissance ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
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Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris