Le port du nom est lié à notre filiation. Il est notre identité, fixe, imprescriptible et immuable par principe depuis une loi de 1794 en date du 6 fructidor an II.
Le changement de nom doit rester exceptionnel et est envisagé par les articles 61 à 61-4 du code civil, et sa procédure par un décret du 22 janvier 1994.
Dans cet article, j'envisagerai La mise en oeuvre du choix du nom et de ses changements, (I) ainsi que les motifs.( II)
I- Le principe du choix libre et consenti au regard de la filiation
Depuis 2005, ( Loi 2002-304 du 4 mars 2002) ,les parents peuvent choisir de donner à leur enfant le nom du père, de la mère ou des deux par le biais d’une déclaration conjointe à l'officier d'état civil lors de la naissance ou ultérieurement. Ces dispositions concernent tous les enfants Il faut noter que ce choix est fait de façon unique et irrévocable.article 311-21 et suivants du code civil.
A défaut, l'enfant porte le nom de celui des parents à l'égard duquel sa filiation a été établie en premier.
Pour un enfant né à l’étranger ayant au moins des parents français, le choix pourra être fait jusqu’aux 3 ans de l’enfant.
-En l'absence de déclaration conjointe, l’enfant prend : le nom du père ,si sa filiation est établie simultanément à l'égard des parents,sinon le nom du parent à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu,
-En cas d’une seule filiation établie, il prend le nom du parent, sachant qu’ uen cas de second lien de filiation,une déclaration de changement de nom conjointe, serait possible,durant sa minorité pour substituer le nom de famille du second parent, ou accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi.
Depuis la loi du 16 janvier 2009 de ratification d’une l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation qui supprime toute distinction entre enfant naturel et enfant légitime, les enfants nés avant le 1er janvier 2005 et encore mineurs à la date de ratification de l'ordonnance sont aussi concernés.
II- Les personnes concernées par la demande de changement de nom
La procédure est ouverte à toute personne majeure de nationalité française ou à l’enfant mineur représenté par ses deux parents ou par un seul mais avec le consentement écrit de l’autre.
Pour les couples mariés, le conjoint du demandeur n 'aura pas à faire une demande personnelle, puisque le changement de nom s'étendra aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de 13 ans.
Cependant, le consentement personnel de l'enfant de plus de 13 ans sera toujours nécessaire.
Lorsque la demande concerne un enfant mineur, elle doit être présentée par les deux parents, ou par l'un d'eux,mais avec le consentement écrit de l'autre.
En cas de désaccord, ou si un seul parent exerce l'autorité parentale, l'autorisation du juge des tutelles sera nécessaire avant tout dépôt du dossier.
Cette autorité parentale sera confiée à un seul parent, dans le cas d’une unique filiation établie, mais aussi si une seconde filiation intervenait plus d’une année après la naissance.
L’autorité pourrait néanmoins en vertu de l’article 372 du code civil ,être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales.
A noter que la loi du 25 octobre 1972 relative à la francisation des noms et prénoms permet en cas d’acquisition de la nationalité française, d’opérer une demande de francisation du nom présentée lors de la demande de naturalisation ou de réintégration ou lors de la déclaration d'acquisition de la nationalité française ou de réintégration, mais aussi dans le délai d'un an suivant l'acquisition de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité.
Elle consistera en la traduction en langue française de son nom, soit dans la modification nécessaire pour faire perdre à ce nom son apparence, sa consonance ou son caractère étranger.
III- Les motifs pris en compte pour changer de nom: L'intérêt légitime
L’article 61 du code civil envisage le fait que Toute personne peut demander à changer de nom lorsqu'elle justifie d'un « intérêt légitime »
Le legislateur n'a pas envisagé de liste exhaustive, et n'a pas donné de définition à cette notion . de ce fait, il appartiendra en cas de refus au juge administratif d'apprécier souverainement la légitimité des motifs au regard des circonstances de fait. de ce fait, des motifs purement, sentimentaux, affectifs professionnels ou commerciaux, de pure convenance personnelle ne seront pas retenus, comme la demande d’attribution du nom de sa conjointe ou de sa concubine...
Les cas retenus sont :
-un nom difficile, à porter en raison de son extrême longueur, de son aspect ridicule, péjoratif ; grossier ; à consonance étrangère dans un souci de meilleure intégration à la communauté française. Un nom aussi qui peut porter préjudice au regard de son histoire, ex Hitler dont le déshonneur est lié à une grave condamnation qui motivera sa demande de perte. Inversement ; un nom illustré brillement sur le plan national pourrait être sollicité;
-un nom d'usage constant, non contesté et continu sur au moins trois générations ; en vertu de la jurisprudence constante du Conseil d’Etat;
-la volonté d'éviter la disparition d'un nom, éteint ou menacé d'extinction et porté par un ascendant ou un collatéral jusqu'au quatrième degré ; ( ex frères sœurs, neveux nièces, cousins …);
-la volonté de maintenir l'unité du nom familial constitue un intérêt légitime, Lorsque enfants issus d'une même fratrie (même parents) portent des noms différents.
Une réponse du Ministre de la justice faite à un sénateur publiée dans le JO du sénat du 12 février 2009 pour préciser que:
Un total abandon sur plusieurs années d’un enfant par son père, par une absence de lien et du paiement d’une pension judiciaire outre des condamnations pour abandon de famille, peuvent "caractériser des manquements graves à ses devoirs parentaux, constitutifs de l'intérêt légitime de l'enfant à changer de nom au profit du nom de sa mère" en application de l’art 61 du code civil.°- Dans un premier arrêt du 20 septembre 2012, la cour administrative d'appel de Paris N° arrêt : 11PA05086 réforme une décision du garde des sceaux et du tribunal administratif après avoir rappelé les dispositions de l'article 61 du code civil, admet que le rejet de la demande présentée par 4 frères de changement de patronyme par le garde des sceaux formulée:
illustrations
CAA Paris, 20 septembre 2012 N° arrêt : 11PA05086
réforme une décision du garde des sceaux et du tribunal administratif après avoir rappelé les dispositions de l'article 61 du code civil, admet que le rejet de la demande présentée par 4 frères de changement de patronyme par le garde des sceaux formulée:
Considérant que les consorts A ont sollicité l'autorisation de substituer à leur patronyme celui de " B " en raison des nombreuses railleries et moqueries à caractère sexuel dont ils font l'objet en raison de la prononciation ambiguë de leur nom ; que si le garde des sceaux a estimé que la substitution demandée n'était pas de nature à mettre fin à ces vexations en raison de la grande proximité de prononciation entre les deux patronymes, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la simple séparation en deux mots du patronyme A aura pour conséquence une prononciation qui, en elle-même, ne sera plus source de jeux de mots ; que, dès lors, en rejetant la demande des consorts A tendant à ce qu'ils soient autorisés à changer de nom, le garde des sceaux a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
CAA Paris 20 septembre 2012 N°arrêt 12PA01409, considérant 7
déboute la demanderesse qui arguait d'un motif affectif lié au désintérêt moral et matériel de son pèredurant des années, estimant que cela ne démontre pas suffisémment quelles conséquences cela a eu sur le nom.7. Considérant que, pour contester le refus opposé à sa demande de changement de nom, Mlle A invoque un motif affectif lié au désintérêt moral et matériel de son père à son égard depuis l'année 1989, soit quelques mois après sa naissance, après la séparation de ses parents, la circonstance que la relation filiale, malgré plusieurs décisions du juge aux affaires familiales, n'a pu s'établir sereinement et la souffrance psychologique résultant de cette situation ; qu'un tel motif ne suffit pas à caractériser l'intérêt légitime requis pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, sauf circonstances exceptionnelles ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce que fait valoir Mlle A, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que son père aurait gravement manqué à ses devoirs parentaux à son égard ; qu'en effet, il ressort du jugement du Tribunal de grande instance de Versailles en date du 5 octobre 1994, que la mère de la requérante a reconnu avoir déclaré que M. A n'était pas le père de son enfant et qu'elle acquiesçait à sa demande d'annulation de reconnaissance de sa paternité ; que, toutefois, la paternité de M. A ayant été reconnue à la suite d'une expertise médicale par ce même jugement, ce dernier a entrepris des démarches visant à renouer des liens affectifs avec sa fille malgré les difficultés rencontrées ; qu'en outre, les difficultés psychologiques invoquées par Mlle A et dont il n'est pas établi par des pièces suffisamment probantes qu'elles seraient exclusivement liées au port du patronyme de son père, compte tenu du conflit existant entre les parents de l'intéressée, ne sont pas de nature à caractériser des circonstances exceptionnelles justifiant un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil ;
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris