La clause de non concurrence interdit à tout salarié démissionnaire ou licencié de travailler pour un concurrent après la rupture durant une certaine période précisée dans son contrat ( environ 12 à 24 mois).
Cette clause sera licite que si elle remplit 4 conditions cumulatives considérées indispensables à savoir qu'elle devra:
- être indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise,
- limitée dans le temps et dans l'espace,
- considèrer les spécificités de l'emploi du salarié,
- viser une contrepartie financière raisonnable c'est à dire NON DERISOIRE au bénéfice du salarié.Soc 10 juillet 2002 pourvoi N°00-451350
La chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt intéréssant le caractère dérisoire d'une clause de non concurrence le 16 mai 2012, pourvoi N° 11-10760 qui rappelle qu'en cas de nullitéd'une clause de non-concurrence, le juge peut condamner l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts correspondant au préjudice subi du fait de l'exécution de la clause de non-concurrence illicite.
Le préjudice pourra être analysé vue l'atteinte à la liberté d'exercer une activité professionnelle et à la diminution des possibilités de retrouver un emploi lié à sa formation et à son expérience professionnelle.
I- Analyse de Soc, 16 mai 2012, cassation pourvoi N°11-10760
Une contrepartie financière dérisoire équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause de non-concurrence nulle.
A) Le visa
Article 1131 du code civil
L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.
Un salarié bénéficiant d'une rémunération composée d'une partie fixe brute annuelle de 100.000 euros et d'une partie variable calculée sur le chiffre d'affaires, ainsi qu'une clause de non concurrence démissionne au profit d'une société concurrente lui proposant une rémunération mensuelle fixe de 8.333 euros.
La clause de non concurrence était limitée à 6 mois,et visait une contrepartie financière d'un montant mensuel brut égal au salaire fixe de base du dernier mois travaillé soit 9.240 euros par mois.
Le salarié a alors sollicité une indemnité incluant la partie variable de sa rémunération.
Le conseil de prud'hommes a jugé la clause de non-concurrence illicite et condamné l'employeur à lui payer au salarié des dommages-intérêts.
Ils considèrent que la contrepartie financière prévue au contrat de 6 mois d'application de l'interdiction à 1,14 mois sur la base du dernier mois travaillé, est disproportionnée et dérisoire.
Ils relèvent en effet que es contreparties financières visée dans une clause de non-concurrence sont généralement de 33% minimum de la rémunération moyenne mensuelle brute sur les 12 derniers mois.
En appel, les juges ont ainsi retenu un montant sur cette base puis, prenant en compte la somme déjà perçue à ce titre par le salarié, elle lui octroie le solde à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la clause illicite.
- pour l'employeur, le caractère dérisoire de la contrepartie financière doit entraîner la nullité de la clause de non-concurrence, de sorte que seuls des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé peuvent être fixés sans qu'aucune fixation de montant de ladite clause n'intervienne.
C'est cette argumentation soutenue par l'employeur que retient la Cour de cassation, en cassant l'arrêt au motif que :
"si une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle, le juge ne peut, sous couvert de l'appréciation du caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire invoquée par le salarié, substituer son appréciation du montant de cette contrepartie à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l'annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu'il estime justifiée".
En d'autres termes, la nullité de la clause de non-concurrence ouvre droit à des dommages et intérêts et non au montant de la contrepartie financière que le juge estime justifié.
II- Présentation de Soc, 16 mai 2012, cassation pourvoi N°11-10760
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1131 du Code civil et L1121-1 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 août 2003 par la société Tradition securities and futures (TSAF) en qualité d'opérateur/vendeur, moyennant une rémunération contractuelle composée d'une partie fixe brute annuelle de 100.000 euros et d'une partie variable calculée sur le chiffre d'affaires ; que son contrat comportait une clause de non-concurrence limitée à 6 mois, portant sur les seules fonctions du salarié, circonscrite géographiquement à Paris, l'Union européenne et la Suisse et assortie d'une contrepartie financière d'un montant mensuel brut égal au salaire fixe de base du dernier mois travaillé ; que le salarié a démissionné le 22 décembre 2006 et a perçu mensuellement pendant six mois une somme de 9.241,46 euros ; qu'ayant en vain réclamé une indemnité de non-concurrence incluant la part variable de sa rémunération, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour juger la clause de non-concurrence illicite et condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la contrepartie financière prévue contractuellement et correspondant, pour six mois d'application de l'interdiction, à 1,14 mois sur la base du dernier mois travaillé est disproportionnée et dérisoire ; qu'ajoutant que les contreparties financières de non-concurrence correspondent en général au minimum à 33 % de la rémunération moyenne mensuelle brute sur les 12 derniers mois, la cour d'appel a fixé le montant de la contrepartie financière sur cette base puis, prenant en compte la somme déjà perçue à ce titre par le salarié, elle lui a alloué le solde à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la clause illicite ;
Attendu cependant que si une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle, le juge ne peut, sous couvert de l'appréciation du caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire invoquée par le salarié, substituer son appréciation du montant de cette contrepartie à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l'annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu'il estime justifiée ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris