Jusqu’à leur majorité, les enfants sont sous la responsabilité de leurs parents, lesquels, en tant que titulaires de l’autorité parentale sont leur garant et ont un devoir de « garde », de surveillance et d’éducation. On parlera d'ailleurs plus volontiers de résidence. Ce constat, suffit à engager leur responsabilité au sens large (parents biologique, adoptif…) en cas de dommage causé par leur progéniture, démunies de patrimoine, lesquels doivent pourvoir à l'indemnisation dans un soucis de dédommagement d'une victime.
L’article 1384 alinéa 4 du Code civil, dispose « le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
Il s’agit d’une présomption de responsabilité, mais de quelle nature ?
La majorité, ou l’émancipation du mineur rendue possible à l’âge de 16 ans révolu, permettront de mettre en échec ces principes dans deux cas :
article 476 du code civil, « le mineur est émancipé de plein droit par le mariage »
article 482 du code civil, « le mineur émancipé cesse d’être sous l’autorité de ses père et mère ».
Nous verrons que, même si l'enfant n'habite pas avec ses parents, leur responsabilité peut être rendue possible.
Dans cet article, premier volet de quatre articles, consacrés à ce thème, j’examinerai uniquement, l'exigence de la cohabitation effective ou/et juridique, sous l'angle de la 2ème chambre civile de la cour de cassation, avant de me pencher dans un prochain article sur la position de la chambre criminelle ainsi que sur l'évolution d'une responsabilité parentale vers les règles découlant de l'exercice de l’autorité parentale.
I- La notion de cohabitation "juridique" du point de vue de la responsabilité civile
La condition de cohabitation nécessaire à la mise en jeu de cette responsabilité civile a connu une évolution jurisprudentielle qui, en la minimisant, lui a peu à peu conféré un caractère quasi abstrait, renforçant ainsi, par sa mise à l'écart, la rigueur de son application.
Elle constitue une exigence du texte de l'article 1384 al. 4 du code civil.
La cohabitation, entendue au sens d’hébergement ou de résidence de l’enfant avec ses parents, est une condition indispensable, dont l’absence empêcherait le parent titulaire de l'autorité parentale d'être déclaré responsable. Son exigence découle d'une présomption de faute des parents où l'enfant réside.
Question: Lorsque la cohabitation parents/enfant cesse, la responsabilité parentale cesse t-elle aussi ?
Pas forcément. Une conception large adoptée par la deuxième Chambre civile de la cour de cassation depuis 1984, ne prend pas en compte la situation réelle de cohabitation du mineur au moment du fait dommageable. Cette conception large a de même été adoptée par la Chambre criminelle.
Il en découle que la jurisprudence observe une nuance en ce qui concerne les grands-parents, tantes, tuteurs, des centres d'accueil pour enfants afin d'écarter la responsabilité de ceux-ci, en rendant civilement responsable les parents, au visa de l’article 1384 alinéa 4 du code civil, des conséquences dommageables commises par leur enfant.
En réalité, la responsabilité des parents a évolué et découle des règles d’attribution de leur autorité parentale sur leurs enfants.
B) Examen de la Jurisprudence
La deuxième Chambre civile s'attache à une conception abstraite de la condition de cohabitation, laquelle n'a guère de lien avec la situation réelle du mineur au moment du fait dommageable, ni au regard de sa cohabitation physique.
- 2ème Civ 19 février 1997, Bull. n° 55, SAMDA
La cohabitation est considérée lorsque le lieu de la résidence habituelle du mineur est fixé chez ses parents ou chez l'un d'eux en cas de divorce.
Dans cette espèce, un mineur avait dérobé une voiture et l'avait endommagée ; le propriétaire avait assigné en réparation la mère, titulaire de la garde de l'enfant depuis le divorce, et le père qui, au moment des faits, exerçait un droit de visite.
La cour a considéré que : « l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce le droit de garde », retenant tout de même, la faute quasi-délictuelle du père dans l'exercice de son devoir de surveillance pendant la durée du droit de visite et d'hébergement.
Nous pouvons citer pléthore de jurisprudences en la matière.
- 2ème Civ 20 janvier 2000 (Bull. n° 14) : pour des enfants de parents divorcés, titulaires de l'autorité parentale conjointe, confiés par le père lors de l’exercice de son droit d'hébergement à leurs grand-mères maternelles depuis 10 jours lorsqu’ils avaient incendié involontairement un bâtiment agricole.
« la cohabitation des enfants avec leurs mères, chez qui elles avaient leur résidence habituelle, n'avait pas cessé »
- 2ème Civ. 9 mars 2000 (Bull. n° 44) : le fait qu'un enfant ait été confié par ses parents pour un mois à un centre médico-psychologique géré par une mutuelle, n'avait pas fait cessé la cohabitation, en sorte que les parents devaient répondre de la blessure occasionnée par leur enfant à un camarade avec un crayon durant ce séjour extérieur.
- 2ème Civ. 20 avril 2000 (Bull. n° 66) : la responsabilité de l'art. 1384 al. 4 n'est pas écartée par la seule circonstance que l'enfant se trouvait au moment des faits dans un établissement scolaire (une fillette de 4 ans avait à l'école, au cours d'une leçon de motricité, perdu l'équilibre et blessé un camarade).
- 2ème Civ. 16 novembre 2000, pourvoi n° A 99 13.023 : le régime de l'internat ne constitue qu'une modalité de l'exercice de la scolarité qui n'interrompt pas la cohabitation entre le mineur et ses parents (confirmé par Civ 2ème 29 mars 2001 Bull. n° 69).
- 2ème Civ 15 mars 2001 ,pourvoi n° Y 99 14.838 : une fillette résidant chez sa tante en vacances, dans la manche, alors que ses parents étaient au domicile dans le Lot, avait causé un incendie dans la maison de sa tante.
La cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui écarte la responsabilité des parents, au vue des circonstances, lesquelles ne démontraient pas que la cohabitation de l'enfant avec ses père et mère avait cessé.
- 2ème Civ 29 mars 2001, Même analyse pour un enfant confié dans un établissement scolaire, même en régime d'internat.
Il est important de rappeler, le rôle des assurances dans ces situations. Ainsi, un enfant confié à une crèche, qui commettrait un accident, sera couvert par l'assurance responsabilité civile de la crêche.
De la même façon l'assurance scolaire et/ou l'assurance multirisque habitation, aura(ont) vocation à s'appliquer,en cas d'accident scolaire. L'assurance extrascolaire sera aussi bienvenue pour pallier à tous risques d'indemnisation lors d'activités sportives par exemple,colonies...
- 2ème Civ. 5 juillet 2001 ,pourvoi n° D 99 12.428 : Un mineur qui cause un accident , même temporairement absent du domicile des parents, en raison de leurs difficultés relationnelles, n’exonèrera pas ces derniers.
« la simple absence temporaire sans motif légitime ne constitue pas une rupture de la cohabitation, le fait qu'un enfant cause des problèmes à ses parents ne pouvant justifier l'abandon de leurs responsabilités ».
- 2ème Civ 5 février 2004, même jurisprudence pour le fait dommageable d’un enfant en vacances chez ses grands-parents.
Nous verrons que cette cohabitation, condition de la responsabilité de plein droit des père et mère, disparaît dès lors que le mineur, au moment des faits, se trouvait pour un motif ou une cause légitime en dehors du foyer familial.
Dès lors qu'au moment du fait dommageable, le mineur ne résidait plus habituellement chez son père et sa mère (ou l'un d'eux) pour une cause légitime, la cohabitation avait cessé.
Dans un prochain article, deuxième volet de QUATRE études consacrées à ce thème, j'envisagerai la cohabitation établie dans le cas de poursuites pénales engageant la responsabilité des parents es-qualité de civilement responsable sous l'angle de la chambre criminelle de la cour de cassation et sous l'angle de l'autorité parentale.
Demeurant à votre disposition,
Sabine HADDAD
Avocat à la Cour