Le conjoint survivant n'est pas un héritier réservataire au sens de la Loi. Il bénéficie cependant de certains droits allant dans le sens d'une protection. Je m'interrogerai dans cet article sur la limitation de ses droits.
La loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins (JO le 4 décembre 2001, ) et la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions, ( JO le 24 juin 2006), applicable depuis le 1 er janvier 2007 ont modifié le statut du conjoint survivant dans les successions, en faisant de lui un héritier à part entière.
La réserve héréditaire des parents, a été supprimée, si bien qu’un couple sans enfant peut maintenant prévoir, qu'en cas de décès, le survivant héritera de la totalité des biens.
Le défunt ne pourra donc disposer que des 3/4 de son patrimoine, s'il laisse un conjoint survivant sans descendants, ce qui signifie qu’en l'absence d’enfants, le conjoint se voit certain de recevoir au moins le quart de la succession et ne peut être déshérité, alors qu'en présence de descendants, il sera toujours possible, de priver son conjoint de tout droit à sa succession en rédigeant un testament...
Comment et Quand les droits du conjoints seront limités ?
I- La présence d'héritiers réservataires interdit de deshériter ses descendants sur une partie de son héritage
Certains héritiers, ont un droit à réserve, part de la succession dont on ne peut les priver. ( ex descendants)
La réserve légale est de 1/2 en présence d'un enfant, 2/3 en présence de deux enfants et 3/4 à partir de 3 enfants et au delà.
Les droits du conjoint survivant ne peuvent venir limiter ou supprimer l'application de ce principe de protection légale.( étant rappelé que ce dernier pourrait être gratifié par une donation au dernier vivant,mais tel n'est pas le sujet de l'article.)
Seule « quotité disponible » constitue la part du patrimoine dont le défunt peut transmettre librement à la personne de son choix.
Donc sans enfant, le conjoint peut le deshériter.
II- La volonté du défunt exprimée par testament sur la quotité disponible
A) Privation du conjoint sur la quotité sauf en ce qui concerne le droit d'usage temporaire de un an sur le logement conjugal
En présence d'enfants, le conjoint peut être deshérité de toute la quotité disponible.
B) Privation sur le droit d'usage et d'habitation du conjoint sur le logement conjugal
article 764 du code civil
"Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres...."
Article 971 du code civil
"Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins."
1ère Civ, 15 décembre 2010, pourvoi N°09-68.076
Un testament notarié peut priver le conjoint de son droit d'usage et d'habitation, mais sous respect d'un formalisme...
aux visas des articles 764 et 971 du code civil ( second moyen) nous rappelle qu’il résulte de ces deux textes que le conjoint survivant ne peut être privé du droit d’habitation du logement servant d’habitation principale et d’usage du mobilier le garnissant que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.
III- Le droit de retour des biens de famille reçus par succession ou donation
A) aux ascendants (parents) lorsqu'ils sont en vie et en l'absence de descendants directs
Les parents qui auront donné un bien à leur enfant décédé et sans descendances, pourront faire jouer ce droit légal de retour.
1°- un droit de retour légal et automatique
Ce principe a été posé pour éviter qu'un bien de famille donné à un enfant par ses parents ne soit attribué à un étranger ou au conjoint de cet enfant défunt, et puisse retourner chez le donateur.
2°-... qui s'exerce en priorité en nature.
Il autorise chacun des parents à demander le retour du quart des biens donnés, soit la moitié pour les deux parents), prioritairement en nature, contraignant ainsi le conjoint ou le légataire à restituer les biens.
Cependant si le bien a été cédé ou ne peut être facilement partageable, le retour se fera alors en valeur (valeur du bien ou prix de vente en cas de cession ), dans la limite de l'actif successoral,laquelle s'imputera en priorité sur les droits successoraux du ou des parents.
3°-dans les donations de parents à enfants : le retour conventionnel peut être envisagé.
Afin d'éviter que le bien donné soit cédé, une clause d'interdiction de ceder le bien peut être envisagée à charge du donataire, justement pour mermettre le retour facile dudit bien aux donateurs.
B) aux frères et soeurs lorsque le conjoint hérite de de la totalité de la succession du fait de l'absence des pères et mères
S'il se trouve dans la succession des biens que le défunt avait reçu par succession ou par donation de ses ascendants, le conjoint survivant qui a eu vocation à l'intégralité de la succession doit faire retour desdits biens aux frères et soeurs du défunt ou aux descendants de ces derniers.
C) aux frères et soeurs de la ligne du parent prédécédé lorsque le conjoint survivant recueille les trois-quarts de la succession du fait du prédécès de la mère ou du père
S'il se trouve dans la succession des biens que le défunt avait reçu par succession ou par donation d'ascendants appartenant à la ligne du père ou de la mère prédécédé(e), le conjoint survivant doit faire retour aux frères et soeurs du défunt appartenant à la ligne du père ou de la mère prédécédé(e), ou à leurs descendants, desdits biens.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris