I Le principe de l’insaisissabilité de tous les fonds
- Ceux qui n’appartiennent pas en totalité au débiteur sont insaisissables
Deux textes sont importants:
L’article 1415 du code civil dispose :
« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. »
L’article 1402 du code civil :
« Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. »
Chacun des époux, dans le cadre du régime matrimonial légal, ne peut donc engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement contracté sans le consentement exprès de l’autre conjoint. (article 1415 du code civil qui protège la communauté.)
Le cotitulaire qui n'est pas visé par la créance à l'origine de la saisie, a la possibilité de demander la mainlevée de la saisie à hauteur des fonds lui appartenant.
- La limitation des sommes saisies
L'article 48 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 institue de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution
Lorsqu'un compte, même joint, alimenté par les gains et salaires d'un époux commun en biens, fait l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d'une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l'époux commun en biens une somme équivalant, à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant la saisie.
Article 49 ; …A tout moment, le juge de l'exécution peut être saisi par le conjoint de celui qui a formé la demande.
Si les noms et adresses des autres titulaires du compte sont inconnus de l'huissier ou de l'agent d'exécution, ceux-ci demandent à l'établissement qui tient le compte de les informer immédiatement de la saisie et du montant des sommes réclamées
Rappelons aussi que certaines sommes sont insaisissables.
Ex prestations familiales, en nature de l'assurance maladie, RSA, l'allocation de solidarité spécifique…
Le titulaire du compte bancaire saisi doit justifier de l'origine de ces sommes et demander à sa banque la levée de leur saisie.
II- La jurisprudence sur la mainlevée du compte joint
- Pas de mainlevée si la saisie n’a pas été dénoncée aux deux cotitulaires du compte joint
En principe lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte.
Or 2 eme Civ, 7 juillet 2011, pourvoi N°10-20923 a jugé
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 juillet 2009), que M. X..., muni d'un titre exécutoire, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque nationale de Paris sur un compte joint au nom de M. et Mme Y... pour paiement d'une créance à l'encontre de M. Y... ; que ce dernier, invoquant la non-dénonciation de la saisie à son épouse, cotitulaire du compte, a demandé à un juge de l'exécution d'ordonner la mainlevée de la saisie ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte ; que le non-respect de cette obligation devrait être sanctionné par la caducité de la saisie ; qu'en refusant de prononcer cette sanction, la cour d'appel a violé les articles 77, 73 et 58 du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire d'un compte joint sur lequel porte la mesure d'exécution n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
B) L’importance de la preuve pour le créancier : Démontrer que les fonds sur le compte joint proviennent exclusivement du conjoint débiteur au risque de la mainlevée
La présomption de l'article 1402 du code civil est simple et peut être combatue par la preuve contraire.
Citons quelques autres jurisprudences récentes importantes sur le fondement de l’article 1415 du code civil en la matière qui démontrent que sous peine d'encourir une mainlevée de saisie sur un compte joint ,qu’ il appartient au créancier de démontrer que les fonds qui s'y trouvent proviennent exclusivement du conjoint débiteur. ( article 1315 du code civil)
Il ne s’agira pas d’inverser la charge de la preuve qui pèse bien sur le créancier.
L’article 1415 du code civil est impératif 1ère Civ, 3 mai 2000, pourvoi N° 97-21592
En un mot les fonds doivent être identifiés.
C’est ce motif assez récurrent que l’on retrouve dans les arrêts avec une formulation type du genre :
les sommes déposées sur les comptes litigieux sont présumées communes en vertu de l'article 1402 du Code civil que, faute par le créancier saisissant, sur laquelle pese la charge de la preuve contraire, d'identifier les revenus de son débiteur..., elles sont insaisissables."
1ère Civ, 20 mai 2009 ,pourvoi N° 08-12922
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 1315 et 1538, alinéa 1er et 3, du code civil, ensemble l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile;
Attendu que, lorsque le créancier d'un époux marié sous le régime de la séparation des biens fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom des deux époux, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de l'époux débiteur;
Attendu que, pour valider la seconde saisie du Crédit Mutuel, l'arrêt attaqué, après avoir visé l'article 1415 du code civil applicable en régime de communauté, énonce qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur un compte bancaire ayant deux titulaires dont l'un des deux n'est pas débiteur, qu'il appartient alors à celui qui n'est tenu d'aucune solidarité avec le débiteur saisi d'établir que les sommes figurant au compte joint lui appartiennent et que Mme X... ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les revenus de chacun des époux;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au Crédit Mutuel de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom des époux X..., séparés de biens, étaient personnels à M. X..., son débiteur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les deux premiers textes susvisés
1ère Civ,17 janvier 2006, pourvoi N°02-20636
Au visa de l'article 1415 du code civil, elle rejette considérant que:
"...la cour d'appel a décidé à bon droit, sans violer le principe de la contradiction et sans se prononcer par des motifs dubitatifs, que les sommes déposées sur les comptes litigieux étaient présumées communes en vertu de l'article 1402 du Code civil et que, faute par la SMC, sur laquelle pesait la charge de la preuve contraire, d'identifier les revenus de M. X..., elles étaient insaisissables."
1ère Civ, 17 février 2004 pourvoi N° 02-11.039
" ... en statuant comme elle l’a fait, après avoir relevé que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les fruits des biens communs ainsi que par les revenus des époux et qu’il n’était pas établi que le solde créditeur saisi provenait des seuls revenus du mari, la cour d’appel a violé l’article 1415 du Code civil... ".
1ère Civ, 3 avril 2001, pourvoi N° 99-13733 pour un compte objet alimenté par les revenus des deux époux, il a été statué « faute pour le créancier d’identifier les revenus de l’époux débiteur, que ce compte n’était pas saisissable »
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris