Lorsque deux concubins, se quittent, suite à un conflit ou après le décès de l’un d’eux, que se passera t-il au niveau du logement constitutif de leur résidence ?
Ici les solutions applicables aux époux contenues dans les articles 215 et 1751 du Code Civil, destinés à la protection du domicile conjugal feront défaut. Voir article
"Le sort du domicile conjugal": un enjeu onéreux http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/sort-domicile-conjugal-enjeu-onereux-1360.htm
Que prévoient ces textes pour les époux ?
Article 215 du code civil : « Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous. »
Article 1751 du code civil : « Le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conçu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux. En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l'un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux. En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément ».
Plusieurs solutions seront envisageables selon, que le bien est loué par l’un ou les deux, selon que le bien est propriété de l’un ou des deux en indivision.
Soit les concubins seront locataires, soit le logement leur appartiendra en indivision, ou sera la propriété d’un seul d’entre eux…
I- La propriété du domicile : une propriété unique ou indivise
A) le cas simple et expéditif : Un seul des concubins est propriétaire
Le délaissé, ne dispose d’aucune protection juridique, si bien qu’il pourra être contraint de quitter le logement.
A défaut, il s’exposerait à une expulsion « manu militari » ou faite dans le cadre d’une procédure aux fins d’expulsion du sans droit ni titre…
Voué au bon vouloir de l’autre, démuni de toute protection, sa situation est précaire, même après des années de vie commune. Cet hébergé, rentre en conflit avec son hébergeant… La désunion ne fait plus force ici.
Il ne sera pas exclu, dans le cas particulier où il démontrerait avoir éventuellement contribué à payer une partie du prix de l’appartement, qu’il revendique sa créance …
B) Le cas complexe et humain : Le bien acquis en indivision
Ici, chacun sera propriétaire d’une proportion de parts précisées dans l’acte d’acquisition, étant rappelé que le fait pour un concubin de financer plus que sa part équivaudra à une donation déguisée au profit de l'autre concubin. taxée par le fisc au taux de 60% et susceptible d’être contestée par le héritiers du concubin donateur.
1°- La séparation par la rupture
L’article 815 du code civil envisage que « nul n'est tenu de rester dans l'indivision ». En cas de conflits, l’un d’eux pourra réclamer sa part et donc la vente du bien au tribunal, sauf à envisager une convention notariée d’indivision d’une durée de 5 ans maximale chez le notaire.
Les concubins, auront intérêt à trouver une solution amiable pour sortir de cette indivision. Ils pourront :
- Vendre le logement commun et en partager ou répartir le prix ;
- Faire racheter par l'un des parts de l'autre ;
- Envisager une convention d ‘indivision.
Enfin en cas d’échec, il faudra saisir la Justice en vue du partage
A noter qu'un achat portant clause tontinière, rendra la sortie de l’indivision encore plus, contraignante en cas de mésentente puisqu’il sera impossible, même judiciairement, de vendre le logement à moins de convaincre l'autre acquéreur de renoncer à la clause de tontine. voir 2°.
En attendant, dans toutes situations d'indivision, il est clair qu'à défaut d'un minimum d'entente , lla situation pourra devenir vite ingérable , chacun ayant autant de droit que l'autre de rester dans ce logement !
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2°- La séparation par décès d'un concubin
Si rien n'a été prévu, la part du concubin décédé ira à ses héritiers, sauf à avoir envisagé, la possibilité pour le survivant son maintien dans les lieux, par le legs de sa part ou par la stipulation d'une clause de rachat portée dans l'acte notarié au profit de celui qui survivra…
Dans tous les cas, si les deux concubins sont parents, le maintien de l'indivision pourra être ordonné si leurs enfants sont encore mineurs au moment du décès…
Une clause tontinière stipulée dans l'acte d'acquisition envisagera le fait qu'au décès de l’un d’eux, la part du bien acquis reviendra sans indemnité au survivant, lequel sera alors considéré comme seul propriétaire du bien.
Si la valeur du logement valait moins de 76 000 euros lors de son acquisition, le survivant ne sera taxé qu'à hauteur de 7%, au dessus il devra payer jusqu’à 60% de droits de succession sur la moitié de la valeur du bien.
II Le contrat de location
A) Le bail est signé par un seul concubin
1°- Le principe : seul le signataire a des droits ; l’autre est sans droit ni titre
Seul celui qui a signé le bail est responsable des dépenses liées au logement (paiement du loyer et des charges..).
L’autre, non titulaire du bail peut partir du logement sans avoir besoin de respecter un délai de préavis.
Cela signifie, concrètement que, si le titulaire du bail donne congé au bailleur, son concubin, sans droit ni titre n’aura aucune possibilité de se maintenir dans les lieux, même s’il a contribué au paiement du loyer, sauf à négocier un nouveau bail à son nom avec le propriétaire.
2°- La limite : des droits spécifiques pour le concubin notoire depuis au moins un an en cas d’abandon de domicile ou de décès du titulaire
L’article 14 de la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prévoit une limite en cas d’abandon du domicile ou de décès du locataire, ce qui permettra un transfert du contrat, en particulier au
"…au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile."
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
Précisions deux notions importantes:
--L’abandon de domicile s'entend du départ brusque et imprévisible du domicile par le locataire.
Cependant, le placement définitif d'un locataire en maison de retraite imposé à l'une des personnes mentionnées à l'article 14, de la loi du 6 juillet 1989 constitue un abandon du domicile au sens de cet article.
3ème Civ, 26 novembre 2008, pourvoi n°07-17728 concernant un fils qui voulait reprendre le bail de sa mère partie en maison de retraite a considéré que l’abandon peut également se caractériser par le caractère définitif du départ et le fait qu’il soit imposé à celui qui demeure.
3ème Civ, 8 juillet 2009 pourvoi 08-16.992
attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des éléments de preuve produits par Mme Corinne X... que sa mère, à la suite de divergences d'ordre personnel survenues entre elles, avait, au cours du premier trimestre 2005, quitté son logement sans l'informer de sa nouvelle adresse ni lui donner de ses nouvelles, la cour d'appel, qui, sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire que ce départ définitif constituait un abandon du domicile au sens de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, a légalement justifié sa décision ;
--Le concubinage notoire sera caractérisé par la stabilité d’une vie commune,continue , affective et effective depuis au moins un an à la date de l’évènement. Ces faits seront établis par tous moyens.
Le certificat de concubinage, délivré en mairie, sans valeur juridique particulière constituera un indice de la réalité.
Cela signifie concrètement que le bail, sera automatiquement transféré au nom du concubin, sans nécéssité d'une manifestation particulière, si bien qu'il n'y aura pas l'obligation d'établir un nouveau bail au nom du concubin .
B) Le bail est signé en commun : les concubins colocataires
Les concubins sont preneurs du bail et, chacun d’entre eux pourra s’en prévaloir pendant la durée.
Ils resteront redevables du paiement des loyers et charges.
1°- Principe : chaque concubin colocataire est tenu du paiement des loyers jusqu’à son départ donné régulièrement par un congé.
Lorsque le bail est signé par les deux concubins, chacun d'eux est considéré comme colocataire avec tous les droits et les devoirs que cela implique, notamment le paiement du loyer, des charges et des réparations locatives.
Si les deux colocataires désirent quitter ensemble le logement, chacun des deux doit donner congé au moins 3 mois avant le départ, en adressant au bailleur une lettre recommandée avec accusé de réception (une seule lettre pourra suffire, à condition d'y mentionner les deux noms et être signée par les deux colocataires.)
De la même façon, bailleur doit notifier auprès de chacun des colocataires (par lettre recommandée avec accusé de réception ou par huissier) toutes les informations qui sont susceptibles d'intéresser le bail (renouvellement, congé, augmentation de loyer).
A la résiliation du bail, le montant du dépôt de garantie est versé indifféremment à l'un ou l'autre des colocataires, sauf mention particulière insérée dans le bail.
Si un seul des deux concubins souhaite partir, il devra donner congé. L'autre restera dans les lieux en tant que locataire. Cependant, uniquement en l'absence de clause de solidarité (2°) le colocataire qui quitte le logement reste tenu du paiement du loyer et des charges jusqu'à l'expiration de son préavis.
Celui qui reste s'acquittera du paiement du loyer et des charges. Toutefois, lorsque le bail prévoit une clause de solidarité, celui qui a donné congé reste également tenu de leurs paiement jusqu'à l'expiration du bail, c'est-à-dire même après son départ.
Le montant du dépôt de garantie ne peut être restitué tant que le logement n'est pas libéré par le locataire restant.
Fréquemment le bail envisagera une clause de solidarité, susceptible de produire effet, même après le départ d’un seul.
2°- La clause de solidarité et d'indivisibilité rend le concubin qui quitte les lieux garant du paiement avec celui qui reste.
Cette clause suppose que chacun des locataires sera tenu responsable du paiement de la totalité du loyer et de toute somme due au bailleur jusqu'à l'expiration du bail.
Dans tous les cas, qu'il y ait ou non une clause de solidarité, le colocataire qui quitte le logement sans donner congé au bailleur reste tenu du paiement du loyer et des charges jusqu'à l'expiration du bail.
Demeurant à votre disposition pour tous renseignements.
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris