La rédaction des termes de la promesse de vente est essentielle car ils sont et font la loi des parties, librement consentie au sens de l’article 1134 du code civil
Une mauvaise rédaction pourrait obliger l’une des parties, au-delà de ce qu’elle pourrait imaginer
L'arrêt du 15 janvier 2014, rendu par la la troisième chambre civile de la Cour de cassation en est une illustration .
Il a été rendu aux visas des articles 1134 et 1176 du code civil.
Il considère qu’une promesse de vente qui n’enferme pas la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai tout en portant date non extinctive avant laquelle la réitération doit intervenir mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter n’est pas caduque.
Il appartenait donc aux juges du fond de rechercher s'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu
I Analyse de 3ème Civ, 15 janvier 2014 N° de pourvoi : 12-28362
A) Faits
Par promesse des 10 et 22 juillet 2008, des époux ont cédé un immeuble sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, avec une réitération par acte authentique a été fixée au plus tard le 30 septembre 2008.
Le 4 février 2009, les vendeurs ont fait sommation aux acquéreurs de signer l'acte définitif de vente., lesquels ont refusé au motif que la condition suspensive ne s'était pas réalisée dans les délais impartis, les assignant ensuite avec le notaire en restitution du dépôt de garantie et, à titre subsidiaire, en résiliation de l'acte.
Au fond lest jugé que la défaillance de la condition suspensive a entraîné caducité de la vente avec obligation de restituer le dépôt de garantie
Le fait qu’il n’ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de la condition d'obtention du prêt est indifférent, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date.
B) La décision
1°-Le visa
Article 1134 du code civil
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Article 1176 du code civil
Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe,
cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.
2°- Cassation
« Qu'en statuant ainsi, alors que la promesse de vente n'avait enfermé la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai et que la date avant laquelle la réitération devait intervenir n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter et sans rechercher s'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
C) La jurisprudence et la défaillance de la condition suspensive au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil
En principe il est admis que la non-réalisation de l'évènement visé dans la condition suspensive et dans le délai imparti fixé dans la promesse entraîne la caducité du compromis de vente.
De ce fait le vendeur pourra faire déclarer la promesse synallagmatique caduque judiciairement lorsqu'il est poursuivi devant les tribunaux en réitération forcée de la vente 3ème Civ, 13 juillet 1999, N°pourvoi 97-20110
--Quid de la demande de vente forcée en cas de clause obscure visant une condition suspensive relative à la réitération même du compromis par acte authentique ?
Cette date visée pour toute réitération du compromis est-elle impérative ou non ?
Les tribunaux devront se pencher sur l'analyse réelle de l'intention des parties mais aussi sur les termes des clauses inscérées
Si oui, elle devrait entraîner la caducité du compromis si la signature de l'acte notarié de vente définitif est revendiquée après ?
Si non ce serait alors une simple date de laquelle l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter ? ( le cas de notre arrêt)
La réponse pourra varier au regard de l'intention des parties et du libellé des clauses.
3ème Civ, 29 mai 2013, N°pourvoi 12-17077 pour une promesse synallagmatique qui prévoit une date de réitération par acte authentique à un terme fixé sans autre précision, avec prolongation du délai est soumise à l'accord express des deux parties.
Le silence du vendeur opposé à la demande de l'acquéreur n'empêche pas la caducité du compromis une fois le terme dépassé pour la réitération par acte authentique. Il ne peut en conséquence y avoir de réitération forcée de la vente par les tribunaux.
Attendu que pour dire que la promesse de vente du 18 août 2010 n'était pas caduque l'arrêt retient qu'il ressort explicitement des termes du "compromis que la condition suspensive d'obtention de prêts était prévue dans l'intérêt de l'acquéreur, qu'il n'était pas prévu de sanction ou de caducité du « compromis » au cas d'irrespect du terme fixé pour la régularisation de la vente par acte authentique au 31 décembre 2010, qu'il en résulte que la société BMB était en droit de poursuivre la signature de l'acte authentique dès lors que la société Number One ne l'avait pas auparavant mise en demeure de s'exécuter et n'avait pas agi en résolution de la convention ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un délai était prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la régularisation de la vente par acte authentique, cette condition n'était pas accomplie, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le vendeur avait accepté un report du délai de signature, a violé le texte susvisé ;
3ème Civ 3 avril 2013, pourvoi N°12-15148 :
Pas de caducité pour une promesse de vente d'un immeuble malgré le dépassement du délai de réitération de la vente, car la date d'expiration de ce délai ou de sa prorogation n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter.
3ème Civ, 21 novembre 2012, N° pourvoi 11-23382 a jugé que;
Ce délai n'a pas d'effet extinctif du compromis lorsque la date précisée est susceptible de prorogation automatique , au regard de la spécificité de la stipulation contractuelle :
« la vente sera réalisée par acte authentique... au plus tard le 31 décembre 2004 ... sauf prorogation pour obtention de la dernière pièce nécessaire au notaire rédacteur pour l'établissement de l'acte »
II Présentation de 3ème Civ, 15 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-28362
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1134 et 1176 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juillet 2012), que par promesse des 10 et 22 juillet 2008, les époux X... ont vendu un immeuble aux consorts Y..., sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la réitération par acte authentique étant fixée au plus tard le 30 septembre 2008 ; que le 4 février 2009, les époux X... ont fait sommation aux consorts Y... de signer l'acte définitif de vente ; que les consorts Y... ayant refusé au motif que la condition suspensive ne s'était pas réalisée dans les délais impartis, ils ont assigné les époux X... et le notaire en restitution du dépôt de garantie et, à titre subsidiaire, en résiliation de l'acte ;
Attendu que pour constater que la défaillance de la condition suspensive avait entraîné la caducité de la vente et ordonner la restitution du dépôt de garantie aux consorts Y..., l'arrêt retient que le fait qu'il n'ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de la condition d'obtention du prêt est indifférent, dès lors qu'il était convenu que la signature de l'acte devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la promesse de vente n'avait enfermé la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai et que la date avant laquelle la réitération devait intervenir n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter et sans rechercher s'il était devenu certain que la réalisation de la condition n'aurait pas lieu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris