I- Les moyens de connaître les revenus
A) Un droit ouvert au débiteur ou au créancier d'une pension alimentaire
1°- Le débiteur ou le créancier d'une pension peut réclamer auprès du centre des impôts dont son ex dépend à consulter ses revenus.
Il s'agit d'une exception au principe de la confidentialité des informations fiscales,qui vise les informations les plus importantes. (seulement sur le revenu net et non brut)
2°- Comment formuler la demande ?
--si le contribuable réside dans le même département que son ex, sa pièce d'identité suffira.
--si le contribuable ne réside pas dans le même département que son ex, il devra produire en sus de sa carte d'identité, le jugement qui prouve qu'il est bien le débiteur de la pension alimentaire.
3°- La consultation est confidentielle
Les articles L111-I et L111-II du livre des procédures fiscales relatif à la publicité de l'impôt envisagent cette possibilité.
a) La possibilité de consulter des listes
Seules des listes nominatives sont consultables.
Elles visent les personnes assujetties à l'impôt sur les revenus ou à l'impôt sur les sociétés tenues, par commune, par les directions des services fiscaux (centre départemental d'assiette), complétées de l'indication des personnes physiques ou morales non assujetties mais qui possèdent une résidence sur la commune concernée.
Elles comportent l'identité des redevables, le montant de l'impôt mis à leur charge, l'indication pour chaque personne passible de l'impôt sur le revenu du nombre de parts retenues pour le calcul du quotient familial , ainsi que le montant du revenu imposable.
b) .. suppose que le contribuable demandeur justifie dépendre en matière d'impôt sur le revenu de la compétence territoriale de la direction des services fiscaux détenant la liste dont il sollicite la consultation.
c) - par dérogation en application de l'article 111-II du livre des procédures fiscales : les bénéficiaires et redevables de pensions alimentaires (créanciers et débiteurs d'aliments) sont aussi autorisés à consulter la liste détenue par la direction des services fiscaux dans le ressort de laquelle est établie l'imposition de leur débiteur d'aliment.
B) Un refus de l'administration fiscale rendrait fondé un recours hiérarchique près le directeur des services fiscaux
Ce recours se verra par lettre Recommandée avec accusé de récéption.
II- Le risque pénal pour escroquerie ou tentative d'escroquerie au jugement par dissimulation des revenus.
La duperie et la tromperie des juges provoquées par des manœuvres ont un coût.
Duper un tribunal et tromper ses juges avec des manœuvres déterminantes ne seront pas sans conséquences...
Il s'agit du délit pénal d’escroquerie au jugement, ou de tentative d'escroquerie dont les contours ont été fixés par la jurisprudence.
La dissimulation de ses éléments de revenus ou patrimoine pour tromper la religion du juge en fait partie lorsqu'elle aura permis d'atténuer une condamnation ( ex dans la fixation d'une prestation compensatoire, pension alimentaire, dommages et intérêts...)
Dans l'escroquerie au jugement l'auteur trompera en effet, le juge dans le but d’obtenir un titre qui portera nécessairement atteinte à la fortune de la personne condamnée.
Le débiteur de la pension alimentaire, pourra demander à l'administration fiscale de consulter les revenus déclarés par son créancier...
Ce délit se concevra à partir du moment où il y a tromperie ou tentative de tromper le juge.
LA JURISPRUDENCE PENALE ET LE DELIT D'ESCROQUERIE AU JUGEMENT.
L’article 313-1 du Code pénal dispose :
« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »
La peine et l'amende pourront être majorées dans certaines circonstances aggravantes visées par l'article L 313-2 du Code pénal (ex bande organisée...) , étant rappelé que la tentative est punie des même peines que l'action aboutie.
Le principe posé,il faut rappeler que: Si toute action en justice est un droit, des limites sont posés à la fois dans l’abus de l'action, mais aussi dans sa fraude.
A) Elément matériel : des manœuvres frauduleuses destinées à tromper le juge
1°-L'usage de moyens frauduleux
Crim, 23 janvier 1919, (Bull. n° 21) « Le délit de tentative d’escroquerie au jugement est caractérisé par des manœuvres frauduleuses visant à tromper le juge dans l’exercice de sa fonction... »
Crim, 8 novembre 1962, (Bull. crim, no 312 )."Le jugement en tant que titre exécutoire emporte obligation ou décharge. Son obtention par l'usage de moyens frauduleux relève de la qualification d'escroquerie "
Crim, 7 janvier 1970 (Bull.crim. n°14 p.30) : "Si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie."
2°- Les moyens matériels utilisés
Crim, 24 juin 1970 (Bull.crim. n° 213 p.516) :
« On ne saurait voir une manœuvre frauduleuse, … dans la production, à l’appui d’une action en justice, d’une pièce dont le juge civil a précisément pour mission de déterminer le sens exact et la valeur probante ».
Crim, 26 mars 1998 (GP 1998 II Chr.crim. 121 )
« Constitue une tentative d’escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire. » voir aussi Crim, 14 mars 1972 (GP 1972 II 738)
Des déclarations mensongères, même répétitives, ne suffiront pas pour constituer le délit d’escroquerie lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un fait extérieur ou d’un agissement quelconque destiné à y faire ajouter foi.
Les éléments extérieurs :
( manœuvres, fausse qualité, faux document, mise en scène…) devront être provoqués de mauvaise foi, par l’intervention et l'utilisation de l’appareil judiciaire dans l'obtention d'une décision en vue de la spoliation de l'adversaire.
Crim, 20 avril 2005, n° de pourvoi: 04-84828
Crim, 7 avril 1992 a condamné un époux qui, sans présenter de faux documents, avait produit des pièces qui donnaient une image inexacte de sa situation réelle …(ici des feuilles de salaires qui ne mentionnaient pas des indemnités de déplacement reçues par ailleurs)
Les circonstances de fait seront appréciées souverainement. Il faudra démontrer la fausseté des documents allégués par exemple.
N’oublions pas les dispositions de
--l'article 259-3 du code civil :
Les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts et aux autres personnes désignées par lui en application des 9° et 10° de l'article 255, tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial. Le juge peut faire procéder à toutes recherches utiles auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux sans que le secret professionnel puisse être opposé.
--l’article 272 du code civil:
« Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.... »
La production d'une fausse attestation obligatoire aux débats sera un élément à considérer, si elle a emporté ou faussé la conviction du juge.
Petite nuance à préciser: Si la juridiction avait été avertie dès le début de la procédure de divorce de la possibilité pour un époux de percevoir outre son salaire, des indemnités de déplacement, et si l'épouse avait eu la possibilité de solliciter la production de tous les relevés de salaires pour la détermination des ressources de son époux, alors le délit ne peut pas être retenu."
Voir plus bas 1ere Civ, 21 février 2013, pourvoi N° 12-14440 sur les conséquences d'une fausse déclaration dans l'aboutissement du recours en révision pour fraude.
Crim, 22 février 1996, pourvoi n° 95-81.627.
La déclaration d'un sinistre à une compagnie d'assurance, accompagnée d'un certificat de dépôt de plainte pour vol, destiné à donner force et crédit à la réalité de ce vol, caractérise le commencement d'exécution d'une tentative d'escroquerie.
B) L'élément moral et la mise en œuvre de l’action: L'intention frauduleuse
L’intention coupable, sans laquelle n’y a pas infraction, tient dans le fait que le l’une des parties, en parfaite connaissance de cause, a commis les manœuvres frauduleuses dans le dessein de tromper les magistrats et d'y aboutir. Sinon, il s'agirait de tentative.
C'est la mauvaise foi, la malhonnêteté, l'intention de nuire...
C) La mise en oeuvre de l'action publique
Une plainte devra être adressée par RAR au procureur de la république près le tribunal de grande instance compétent, ou déposée au commissariat pour escroquerie en demandant réparation du préjudice qui a été causé.
La victime pourra se constituer partie civile jusqu'à l'audience pénale afin de formuler une demande de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier et du préjudice moral causé.
La Cour de cassation considère que l'escroquerie au jugement sera consommée au jour où la décision obtenue frauduleusement est devenue exécutoire.
Crim, 30 juin 2004 (Bull. n° 178).C'est donc à cette date que doit être fixé le point de départ du délai de prescription de 3 ans, s'agissant d'un délit.
Parfois elle sera cumulée avec d'autres délits : faux et usage de faux document, et/ou faux témoignage.
Il sera tant de se constituer partie civile lors de l'audience pénale, pour demander des dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier et du préjudice moral.
III- La poursuite civile et le recours en révision avec 1 ere Civ,21 février 2013 pourvoi N° 12-14440
A) L'indemnisation sur le plan civil
Une demande de dommages-intérêts pour réparer le préjudice causé par le mensonge peut être sollicitée soit par voie de constitution de partie civle ( action pénale) soit devant le juge civil en fonction du montant de la demande.
B) Le recours en révision
Un délai de 2 mois court à compter du jour où la partie a eu connaissance d'une cause de révision pour déposer un recours en révision.
1ere Civ, 21 février 2013, pourvoi N° 12-14440 a jugé que le mensonge d'un époux sur son patrimoine constitue à lui seul une fraude permettant le recours en révision du jugement de divorce qui avait débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire.
"la fraude est caractérisée du seul fait de la dissimulation de l'existence de revenus par l'époux, ces revenus étant déterminants dans la prise de décision du juge statuant sur une demande de prestation compensatoire. La Cour de cassation rappelle en effet que "le patrimoine est un élément d'appréciation expressément prévu par la loi dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire".
Dans cet arrêt femme sollicitait la révision du jugement de son divorce ayant acquis force de chise jugée qui l'a débouté de sa demande de prestation compensatoire ,au motif de la fraude de son époux, qui avait déclaré sur l'honneur recevoir le revenu minimum d'insertion mensuel au lieu des 7.000 euros de salaire mensuel qu'il recevait réellement.
Le 17 novembre 2011, la cour d'appel de Versailles a déclare irrecevable ce recours en révision, au motif que la fraude n'était pas caractérisée en l'espèce, le mensonge de l'époux quant à son revenu salarial n'étant pas accompagné de manoeuvres pour le corroborer, d'où la censure de la cour de cassation du fait que le mensonge d'un époux sur son patrimoine constitue à lui seul une fraude permettant le recours en révision du jugement de divorce qui avait débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire.
L’article 595 du NCPC permet d’envisager un recours en révision dans des cas particuliers
Le recours en revision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris
ANNEXE L'article L111-I et L111-II du livre des procédures fiscales relatif à la publicité de l'impôt
I. Une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, ou à l'impôt sur les sociétés est dressée de manière à distinguer les deux impôts par commune pour les impositions établies dans son ressort.
Cette liste est complétée par l'indication des personnes physiques ou morales non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés mais y possédant une résidence.
La liste est tenue par la direction des services fiscaux à la disposition des contribuables qui relèvent de sa compétence territoriale. L'administration peut en prescrire l'affichage.
Les contribuables qui ont plusieurs résidences, établissements ou exploitations, peuvent demander, en souscrivant leur déclaration, que leur nom soit communiqué aux directions des services fiscaux dont dépendent ces résidences, établissements ou exploitations.
La liste concernant l'impôt sur le revenu est complétée, dans les conditions fixées par décret, par l'indication du nombre de parts retenu pour l'application du quotient familial, du revenu imposable et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable.
I bis. (Disjoint).
I ter. L'administration recueille, chaque année, les observations et avis que la commission communale des impôts directs prévue à l'article 1650 du code général des impôts peut avoir à formuler sur ces listes.
La publication ou la diffusion par tout autre moyen, soit des listes prévues ci-dessus, soit de toute indication se rapportant à ces listes et visant des personnes nommément désignées est interdite, sous peine de l'amende fiscale prévue à l'article 1762 du code précité.
II. - Les créanciers et débiteurs d'aliments dont la qualité est reconnue par une décision de justice peuvent consulter les éléments des listes mentionnées au I afférents à l'imposition de leur débiteur ou créancier, selon le cas, quelle que soit la direction des services fiscaux dans le ressort de laquelle l'imposition du débiteur ou du créancier est établie.