I- La contribution fiscale dans le mariage
A) L'article 214 du code civil et la contribution aux charges du mariage
Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile.
L'alinéa 2 vise la solidarité des dettes entre les époux.
La solidarité ne s'applique qu'aux impositions communes aux époux ou partenaires d'un PACS.
Au titre de l’année du mariage, les époux peuvent déposer une seule déclaration commune de l’ensemble des revenus et des charges des deux conjoints pour l’année entière.
Ils peuvent aussi sur option irrévocable, uniquement au titre de l’année du mariage, opter pour une imposition distincte de leurs revenus en déposant une déclaration par personne avec les revenus et les charges pour l’année entière.
Durant l'union, la solidarité fiscale jouera à plein ( les époux sont solidaires vis à vis du fisc, Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, (sauf cas de fraude du débiteur et de mauvaise foi du créancier), toute dette fiscale née pendant la communauté du chef d’un époux constitue une dette de la communauté, dont le recouvrement peut être poursuivi sur les biens communs,
La solidarité entre époux est donc totale pour le paiement de l'impôt sur le revenu ,de la taxe d'habitation et foncière. Cette solidarité fiscale s'applique également pendant l'instance de divorce, après le divorce et en cas de rupture de la vie commune, s'il reste des sommes à payer au titre de l'imposition commune.
B) La solidarité fiscale posée par le code générale des impôts Envisagée par les articles 1691 bis du CGI et 1723 ter OO-B du CGI ,
elle suppose qu'il y ait mariage ou conclusion d'un pacte civil de solidarité (PACS) et ce quel que soit le régime matrimonial, choisi.
Elle concerne :
- l'impôt sur le revenu lorsque les époux ou pacsés sont soumis à une imposition commune ; - la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit
- l'impôt de solidarité sur la fortune.
Chacun pourra donc être poursuivi pour le montant total de la créance fiscale, même s’il a payé la partie correspondant à ses revenus.
Pour Cass. 1ère Civ, 19 février 1991, pourvoi N° 88-19.303 ; Cass. 1re Civ., 17 septembre. 2003, pourvoi N° 02-11.532, l’impôt sur le revenu est une dette de communauté au même titre que l’impôt foncier
Cass. 1re Civ, 8 février 1978, pourvoi N° 76-11.379 à condition que le fait générateur de la dette soit intervenu durant la communauté
Cass. 1re Civ, 18 septembre. 2002, pourvoi N° 00-12.549 ;
Cass. 1re Civ, 25 février 2003, pourvoi N° 00-22.672
L’administration fiscale pourra ainsi poursuivre les biens de la communauté pour n’importe quelle dette fiscale sur les biens de la communauté et recouvrer toute dette fiscale née du chef d’un époux en raison de son activité professionnelle.
II La fin de la solidarité fiscale
A) Sur décharge accordée automatiquement par le directeur départemental des finances publiques du lieu d’habitation
Lorsqu'une procédure de divorce est lancée, chacun des époux peut déposer une "demande de décharge de solidarité de paiement" pour obtenir une répartition du montant des impôts à payer. TROIS conditions s’imposent à une telle demande qui sera statuée sous 6 mois, ( prorogée par écrit de 3 mois) sauf à saisir ensuite le tribunal administratif dans les deux mois d’un refus expres ou tacite.
1. le couple doit être séparé ;
2. le montant de la dette fiscale doit être disproportionné par rapport à la situation financière et patrimoniale du demandeur ; (si son montant dépasse la valeur du patrimoine du demandeur sans tenir compte de la valeur de la résidence principale), ou bien en l’absence de patri¬moine personnel, la dette est disproportionnée si ses ressources une fois ses charges déduites ne lui permettent pas de rembourser la dette sur une durée inférieure à 10 ans)
3. le demandeur doit remplir ses obligations déclaratives depuis la séparation sans s’être soustrait frauduleusement à l’impôt.
Dans ce cas le demandeur devra payer une fraction de l’impôt sur le revenu égale au rapport entre ses revenus personnels, augmentés de la moitié des revenus communs du couple, et le montant total des revenus du couple.
Pour l’ISF, il reste tenu de la fraction d’ISF égale au rapport entre son patrimoine net personnel, majoré de la moitié du patrimoine net commun du couple, et le patrimoine total du couple. Pour la taxe d’habitation, de la moitié de la taxe, sauf à obtenir remise gracieuse.
La séparation de droit ordonnée dans le cadre d’une procédure de divorce par l’ordonnance de non conciliation pourra autoriser une telle demande.
B) en cas de divorce ou de séparation de corps Tant que le divorce n’est pas transcrit sur les actes de l’Etat civil, ou sans décharge de fiscale autorisée, la solidarité existe.
Lorsque le divorce devient définitif s'ouvre l'indivision post communautaire qui prendra fin au partage .
La répartition éventuelle se fera dans les comptes d'administration au prorata des ressources ou des droits sur le bien.
Rappelons que toutes dispositions prévues dans les conventions amiables en divorce n'étant que contractuelles ,elles n'engagent que les époux et ne lient pas l'administration fiscale.
Ainsi, même si le jugement de divorce précise qu'un des ex-époux doit s'acquitter de la dette relative aux impôts, le Trésor Public peut réclamer une somme impayée à son ex-conjoint. Au titre de l’année de divorce ou séparation, chaque ex-conjoint devra déposer une déclaration avec ses revenus et ses charges pour l’année entière.
C) La question de la créance entre époux après divorce ou quand l’article 214 du code civil est devenu inapproprié
Si les demandes de créances formulées par un époux séparé de biens à l’égard de son conjoint au moment de la liquidation sont neutralisées par principe par l’obligation légale qui lui est faite, aux termes des articles 214 et 1537 du code civil, de contribuer aux charges du mariage, les dettes d’impôts : taxe habitation, impôt sur le revenu ne sont pas considérées par les tribunaux comme des dettes du ménage ou autrement dit des contributions aux charges du mariage. Ce sont des dettes personnelles qui peuvent être réclamées à titre de créance.
1 ère Civ, 5 novembre 2014, pourvoi N° 13-22605 a jugé encore récemment que l’impôt sur le revenu du conjoint ne fait pas partie des charges du mariage au visa de l’article 1536 du code civil. C’est une charge découlant directement des revenus personnels de chaque époux et ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles chacun des conjoints doit contribuer.
1 ère Civ, 22 février 1978, pourvoi N°76-14.03 l’avait déjà jugé en ces termes : L’impôt sur le revenu ne constitue pas une charge du mariage sous un régime séparatiste, au motif qu’il constitue la charge directe des revenus personnels des époux, étrangère aux besoins de la vie familiale
1 ère Civ, 30 octobre 2006 pourvoi N°: 03-19317
Au visa de l’article 1536 du code civil … Qu'en statuant ainsi alors que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale, qui ne constitue pas une charge du mariage, est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé
1 ère Civ, 25 juin 2008, pourvoi N°07-17.349 Suite à une « convention verbale » selon laquelle l’un des époux assumerait les impôts du couple, tandis qu’en contrepartie, l’épouse réglerait seule « les frais de logement qui constituent en l’absence d’enfant l’essentiel des charges du mariage ».
Ici pour la Cour de cassation le paiement de l’impôt sur le revenu par l’un des époux pouvait se compenser avec celui des frais de logement opérés par son conjoint.
Ainsi, elle admet indirectement que l’article 214 du code civil n’est pas toujours hors de propos s’agissant du paiement de l’impôt sur le revenu.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine