I- Les textes applicables en la matière
A) Le Droit Pénal
1°- " De l'atteinte au secret des correspondances ",
L’article 226-15 du Code pénal dispose:
Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.
2°- Article du 432-9 du Code pénal
Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseau ouvert au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.
3°- La Loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie des communications électroniques
Le principe de l'article 1 :
« Le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci. »
II- La jurisprudence : Principes et Limites
A) en matière de courrier papier ou par voie éléctronique
- Tribunal de Grande Instance de Paris 17ème chambre, chambre de la presse, 2 novembre 2000 rappelle la loi de 1991 ainsi que les dispositions de l’article 433-9 du Code pénal:
« toutes relations par écrit entre deux personnes identifiables, qu'il s'agisse de lettres, de messages ou de plis fermés ou ouverts constitue une correspondance couverte par le secret."
A fortiori l’envoi de message électronique de personne à personne constitue de la correspondance privée.
La messagerie électronique avec un accès "mot de passe", est protégée par le secret de la correspondance ...
Toutes relations par écrit entre deux personnes identifiables, (ex lettres, messages, plis ouverts ou fermés) constitue une correspondance couverte par le secret.
Les e-mails privés échangés relèveront du secret des correspondances privées au sens de l'article 8 de la Convention Européenne des droit de l'Homme ; 9 du code civil protégé par l' article 226-15 du code pénal.
B) Les limites au secret des correspondance
1°- Le droit de surveillance et contrôle de l'employeur sur la messagerie électronique de ses salariés
L’employeur aura un pouvoir de direction, de surveillance et contrôle des activités de ses salariés, lorsque ceux-ci utilisent à des fins personnelles le matériel informatique qu’il met à leur disposition pour un usage professionnel.
Le fait pour des salariés de détourner l'usage de la messagerie électronique professionnelles pour un usage privé, fautif, ne pourra autoriser l'employeur à prendre connaissance des messages privés. Dans tous les cas, si le contenu du mail restera privé, il n'exclura pas la possibilité de retenir une sanction et un motif légitime de licenciement pour faute grave.(ex pour détournement de la messagerie électronique).
Par contre, tout ce qui aura le caractère professionnel autorisera l'employeur à consulter les messages concernés.
ex fichiers, e-mails qui autorisent l’employeur à y accéder librement.
Soc. 18 octobre 2006, pourvoi N°04-48025 De ce fait le salarié qui empêchera l'employeur d’accéder à son ordinateur avec un code ou un procédé de cryptage, pourra être licencié pour faute grave, quelque soit le contenu des fichiers.
Soc, 30 mai 2007, pourvoi N° 05-43102: Il appartient au salarié d’identifier les messages qui sont personnels. Ainsi des fichiers portant une mention "personnel" ne pourront être ouverts sauf en présence du salarié et après qu'il ait été prévenu.
L' ordinateur de bureau et la messagerie professionnelle fournis par l'employeur, utilisés durant le temps et sur le lieu de travail ne caractérisent pas les messages comme privés.
Soc, 9 juillet 2008, pourvoi N°06-45.80 Soc, 9 février 2010, pourvoi N°08-45.253. toutes connexions internet d'un salarié seront présumées avoir un caractère professionnel.
La chambre Sociale de la Cour de cassation a rendu trois arrêts le 2 février 2011, pourvois N° 09-72313, N° 72449 et N° 72450 qui concernent la nature des messages irrévérencieux du salarié sur l'employeur susceptibles d'être invoqués dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave.
-pourvoi N° 09-72313 : sur un e-mail adressé en copie malencontreusement à une collègue et son épouse, portant insulte de sa propre hiérarchie est en rapport avec l'activité professionnelle et qui ne revêt aucun caractère privé.
-pourvois N°09-72449 et 09-72450: sur des e-mails provocateurs n’ayant pour objet que la mention « info » sont en rapport avec l’activité professionnelle.
Ceux-ci ne seront pas couverts par le secret de la correspondance.
2°- Les exceptions dans les intercéptions.
La Loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques porte des exceptions.
Article 3 : les exceptions dans les interceptions
Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l’article 4, les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.
Article 4
L’autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l’une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou de l’une des deux personnes que chacun d’eux aura spécialement déléguées
Article 6 (durée de l’autorisation)
L’autorisation mentionnée à l’article 3 est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l’expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris