1 ERE CIV,4 DECEMBRE 2013: QUAND LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE PRIME SUR LA NULLITE DU MARIAGE

Publié le 04/12/2013 Vu 8 795 fois 0
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Le mariage entre le beau-père et belle-fille est prohibé.Dans un arrêt du 4 décembre 2013, La Cour de Cassation nous livre une interprétation pondérée qui prend en compte la situation analysée par les juges du fond... En effet, le 4 décembre 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation pourvoi N°12-26.066 a jugé que la nullité d'un mariage prononcée par les juges du fond, sur le fondement de l'article 161 du code civil entre un beau-père et sa belle-fille, anciennement divorcée d'avec son fils, constitue à l'égard de ladite belle-fille une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition du procureur de la république, avait duré 22 ans .

Le mariage entre le beau-père et belle-fille est prohibé.Dans un arrêt du 4 décembre 2013, La Cour de Cass

1 ERE CIV,4 DECEMBRE 2013: QUAND LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE PRIME SUR LA NULLITE DU MARIAGE

L'article 161 du code civil dispose:

« En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »

Ce texte interdit notamment le mariage entre le beau-père et sa belle-fille, lorsque l'union de cette dernière avec le fils de celui-ci a été dissoute par divorce.

Doit-on l'appliquer systématiquement lorsque l'union a duré dans le temps ? Quelles en sont les conséquences ?

La Cour nous livre une interprétation pondérée qui ne semble pas remettre en cause la proscription textuelle du mariage entre alliés, mais qui prend en compte la situation analysée par les juges du fond.

En effet, le 4 décembre 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation pourvoi N°12-26.066 a jugé que la nullité d'un mariage prononcée par les juges du fond, sur le fondement de l'article 161 du code civil entre un beau-père et sa belle-fille, anciennement divorcée d'avec son fils, constitue à l'égard de ladite belle-fille une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition du procureur de la république, avait duré 22 ans .

Cet arrêt est une illustration de la primauté de la protection à la vie privée sur le droit ,puisqu'il se fonde sur

l'article 8 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège le respect à la vie privée et familiale.

En effet, dans cette affaire, le fils divorcé de sa première femme, laquelle s'était remariée avec son père avait soulevé 33 ans après l'union, suite au décès de son père la nullité du mariage.

Il apparaissait que l épouse avait été instituée légataire universelle.

Pour la conjointe survivante, une telle action porte atteinte au droit au mariage garanti , et au droit de fonder une famille défini par l'article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Elle invoquait aussi les dispositions de l'arrêt CEHD, 13 septembre, 2005, n° 36536/02, B. L. c/ Royaume-Uni de la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait condamné la Grande-Bretagne pour violation de l'article 12., dans le cadre d'un projet de mariage entre alliés, qui se prévalaient de nombreuses années de vie commune.

La CEDH se disant favorable au mariage entre beaux-parents et beaux-enfants;

Dans l'arrêt du 4 décembre 2013.

Pour les Juges du fond : L'annulation du mariage est fondée car l'empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru, prévu par l'article 161 du code civil, était justifié en ce qu'il répondait à des finalités légitimes de sauvegarde de l'homogénéité de la famille et qu'en l'espèce, la présence d'un conjoint survivant entraînait nécessairement des conséquences successorales préjudiciables à cet unique héritier qui, dès lors, justifiait d'un intérêt à l'annulation.

Pour la Cour de cassation:

Ces constatations étaient suffisantes pour en déduire que le droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, commandait de rejeter la demande d'annulation de ce mariage, célébré sans que le ministère public ait formé opposition au mariage, alors que les pièces d'état civil qui avaient été produites par les futurs époux révélaient nécessairement la cause de l'empêchement au mariage.

« le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y... avec Mme Denise X... revêtait, à l'égard de cette dernière, le caractère d'une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

 Présentation de 1ere Civ, 4 décembre 2013: pourvoi N°12-26.066

Cassation partielle sans renvoi

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Claude Y... se sont mariés le 6 septembre 1969 et qu'une fille, née le 15 août 1973, est issue de leur union ; qu'après leur divorce, prononcé le 7 octobre 1980, Mme X... a épousé le père de son ex mari, Raymond Y..., le 17 septembre 1983 ; qu'après avoir consenti à sa petite fille une donation le 31 octobre 1990, ce dernier est décédé le 24 mars 2005 en laissant pour lui succéder son fils unique et en l'état d'un testament instituant son épouse légataire universelle ; qu'en 2006, M. Claude Y... a, sur le fondement de l'article 161 du code civil, assigné Mme X... en annulation du mariage contracté avec Raymond Y... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu'ainsi que l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt récent, les limitations apportées au droit au mariage par les lois nationales des Etats signataires ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d'une manière telle que l'on porte atteinte à l'essence même du droit, retient que la prohibition prévue par l'article 161 du code civil subsiste lorsque l'union avec la personne qui a créé l'alliance est dissoute par divorce, que l'empêchement à mariage entre un beau père et sa bru qui, aux termes de l'article 164 du même code, peut être levé par le Président de la République en cas de décès de la personne qui a créé l'alliance, est justifié en ce qu'il répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l'homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l'intérieur du cercle familial, que cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d'eux, que, contrairement à ce que soutient Mme X..., il ressort des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre 1983, alors qu'elle n'était âgée que de dix ans, a opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son grand père, que l'article 187 dudit code interdit l'action en nullité aux parents collatéraux et aux enfants nés d'un autre mariage non pas après le décès de l'un des époux, mais du vivant des deux époux, qu'enfin, la présence d'un conjoint survivant, même si l'union a été contractée sous le régime de la séparation de biens, entraîne nécessairement pour M. Claude Y..., unique enfant et héritier réservataire de Raymond Y..., des conséquences préjudiciables quant à ses droits successoraux, la donation consentie à Mme Fleur Y... et la qualité de Mme Denise X... en vertu du testament du défunt étant sans incidence sur cette situation, de sorte que M. Claude Y... a un intérêt né et actuel à agir en nullité du mariage contracté par son père ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y... avec Mme Denise X... revêtait, à l'égard de cette dernière, le caractère d'une ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article L. 411 3 du code de l'organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition prononçant l'annulation du mariage célébré le 17 septembre 1983 entre Raymond Y... et Mme Denise X..., ainsi qu'en sa disposition allouant une somme à M. Claude Y... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

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