La loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République NOR: JUSX0807076L portant révision de la Constitution de la Vème République, a mis en place un défenseur des droits à l’article 71-1 de la Constitution.
Le statut, les missions et les pouvoirs de ce super médiateur ont été définis par une loi organique et une loi ordinaire présentées en conseil des ministres le 9 septembre 2009, lesquelles ont été adoptés en première lecture par le Sénat le 3 juin 2010 par 174 voix.
Il aura vocation à se substituer à l'ancien Médiateur de la République et viendra absorber diverses institutions de la république et autorités administratives, jusque-là spécifiques et indépendantes, puisqu'il sera le défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), travaillant en liaison avec lesdites autorités administratives indépendantes chargées du contrôle et de la protection des libertés, la HALDE, mais aussi la CNIL, le Contrôleur général des libertés, la CNDS...
Ce représentant de l'Etat, vient ainsi renforcer les possibilités de recours non juridictionnel dont dispose le citoyen pour assurer la défense de ses droits et libertés, dans les litiges l’opposant face aux administrations et services publics .
Ainsi,cette institution décrite comme "forte" mais aussi décriée par certaines institutions en place verra sa mission programmée d'entrée en fonction dès le 1er janvier 2011.
I- Nomination et pouvoirs d'investigation de ce "super médiateur "
L'article 71-1 de la Constitution prévoit :
« Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office. La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions. Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement ».
A) Nomination
Comme le Médiateur de la République, il sera nommé par le pouvoir exécutif,p ar décret en conseil des ministres, par le Président de la République après avis des commissions compétentes des deux assemblées pour un mandat de six ans non renouvelable, en vertu de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13.
Les immunités dont il bénéficiera et les incompatibilités fixées pa la loi organique auxquelles il sera soumis, renforcent son statut, puisqu’il devra se consacrer à plein temps à sa mission, sans pouvoir exercer une fonction publique, un mandat électif et une activité professionnelle… (ex incompatibilité avec la fonction de membre du Gouvernement ou du Parlement.)
Il rendra aussi compte de son activité au Président de la République et au Parlement .
B) Les larges pouvoirs d'investigation conférés au défenseur des droits
Il pourra :
- demander des explications à toutes personnes physiques ou morales mises en cause,
- demander la communication de pièces sans que le caractère secret ou confidentiel desdites pièces lui soit opposé, sauf dans certains cas ( ex secret lié à la défense nationale, la sûreté de l'État ou la politique extérieure…),
-procéder à des vérifications sur place, dans les locaux administratifs ou privé des personnes mises en cause et y accéder sous le contrôle du juge de façon inopinée avec ses agents,
-faire des propositions et recommandations tendant à remédier à tout acte ou pratique qu'il considèrera discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement et à défaut d’effet,
-formuler des injonctions,
-jouer un rôle de médiateur et proposer une transaction en résolvant amiablement des différends qui lui seront soumis,
-saisir l'autorité compétente susceptible d'engager des poursuites disciplinaires sur des faits qu’il aura constaté comme justifiant une sanction,
-être entendu par les juridictions de toutes natures, ( civile, pénale, administrative) dans le cadre d’une affaire pendante, soit spontanément, soit sur demande de la juridiction et formuler des observations,
- saisir le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur des textes pour trancher entre des interprétations divergentes, ou sur la portée d'un texte législatif ou réglementaire,
A noter que le projet de loi ordinaire complète le texte organique en prévoyant les sanctions pénales pour toutes personnes qui qui méconnaîtrait toutes dispositions relatives à ses pouvoirs d’investigation et s’opposerait à une demande de communication de documents, d'information ou aux contrôles effectués.
La loi ordinaire, accompagnant la loi organique, envisage des peines de un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
II- Des domaines de compétences accrus pour le nouveau défenseur des droits voué à remplacer le Médiateur de la République
La loi organique définit ses attributions, modalités et les conditions dans lesquelles il pourra être assisté par un collège pour l’exercice de certaines.
Il regroupera les activités dévolues au Médiateur de la République, mais aussi au Défenseur des enfants, à la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité.
Cela aura pour but d’éviter de diluer diverses compétences, d'éviter d’engendrer une concurrence entre deux autorités et de renforcer les pouvoirs d’un seul homme…
A) Un rôle de Médiateur de la République "surpuissant"
« Il veillera au respect des droits et libertés par les Administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences"
Toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement du service public, ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration pourra le saisir.
L'ancien médiateur crée en 1973, aura ainsi vocation moribonde...
B) Un défenseur dans la protection de l’enfance face aux agissements des personnes privées.
L’Institution du défenseur des enfants créée par la loi du 6 mars 2000 en tant qu’autorité indépendante chargée de défendre et de promouvoir les droits des enfants voit désormais diluer ses missions spécifiques au sein d’un nouveau Défenseur des droits.
Sa saisine visera des situations très spécialisées, voire complexes, mettant en cause l’intérêt de l’enfant consacré par la loi et engagements internationaux de la France (exemple en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant -CIDE-en 1990)
C) Un défenseur au sein de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. (CNDS)
Il devra veiller au respect de la déontologie des personnes exerçant, sur le territoire de la République, des activités de sécurité" Polices, gendarmerie, services pénitentiaires et sécurité privée dépendent d’elle.
D) Un défenseur rattaché et associé aux travaux de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE)
Il pourra être saisi de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France.
E) Un défenseur associé aux travaux et et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
En tant que membre de la CNIL, Il pourra participer, personnellement en désignant un représentant, au Collège de la Commission, avec une voix consultative (article 9 du projet de loi organique). La CNIL comprendra 18 commissaires.
III- Une saisine facilité et élargie
A) Une saisine gratuite ouverte à toute personne physique ou morale
1°- Il peut être saisi, gratuitement dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne physique ou morale s’estimant lésée par le fonctionnement d’une administration ou d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa.
Il faut entendre par là les citoyens, les sociétés, associations, groupes...mais aussi des membres du Parlement, de leur propre initiative, sur une question ou des réclamations dont ils auraient été saisis. Le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat dans ses domaines de compétence, suite à une pétition remise à l'Assemblée.
En fonction de ses domaines de compétences, sa saisine sera facilitée.
-- en matière de lutte contre les discriminations
- toute personne qui s'estime victime de discrimination et avec son accord.
- toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discriminations,
-- en matière de droits de l'enfant, il pourra être saisi par :
- un enfant mineur qui s’estime lésé
- ses représentants légaux
- les membres de sa famille
- toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'enfant, ainsi que par les services médicaux ou sociaux.
-- en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité,
-par toute personne victime ou témoin de faits liés visant un certain domaine et constituant un manquement aux principes de déontologie commis par une personne publique ou privée.
2°-Il peut se saisir d’office.
Alors que le Médiateur de la République ne pouvait être saisi que par le biais d’un parlementaire, le Défenseur des Droits peut être saisi de façon plus large, par tous et dispose d’une faculté d’auto-saisine.
B) Les modalités de la saisine
Il devrait être saisi dans les formes par l'envoi d'une simple lettre RAR, destinée à son attention, conformément aux dispositions de l’article 71-1 de la constitution, indiquant les coordonnées et adresse du demandeur, celles de l'administration ou du nom de l'organisme mis en cause, un exposé des faits, les éléments du litige l'opposant à l’administration ou l’institution mise en cause, un justificatif des démarches effectuées (ex saisine du tribunal…)
Un formulaire sur internet destiné à cette fin sera sans doute prochainement accessible par le site du ministère concerné.
Une question se pose: ce défenseur pourra-t-il être performant dans autant de domaines concernés ?
La multiplicité de ses tâches ne risque-t-elle pas de diluer et d'absorber les compétences de ce représentant de l'Etat, et lui conférer un rôle moins performant ? D'accroître les délais d'attente ?
La pratique le dira, sachant que trop de tâches amoindrissent la compétence et la disponibilité au détriment du citoyen.le risque d'amalgame au détriment de la spécificité, n'est plus très loin...
Demeurant à votre disposition.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris