S’agissant d’un « délit » civil, le recel successoral suppose l'existence, d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, de la même façon que tout délit pénal. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation.
L’article 778 du code civil vise le recel de succession comme suit:
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »
I- L'élément matériel et moral du recel commis par un héritier, un légataire universel ou un donataire.
A) Matériel
Il suppose que la personne prenne part directement à la succession et intervienne en tant qu'héritier universel.
A contrario, un légataire particulier, étranger à la masse ne sera pas concerné.
1ère civ 28 janvier 2009, pourvoi n° 07-19573
a jugé que la qualité d'héritier est indivisible pour les parties à l'instance. Ayant constaté l'inaction de la fille du défunt pendant plus de 30 ans et retenu que tous les héritiers n'avaient pas renoncé à se prévaloir du moyen tiré de la prescription qu'ils avaient invoqué. Une cour d'appel a décidé à bon droit que l'action introduite par la fille du défunt était irrecevable.
" les dispositions de l'article 792 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ne peuvent être mises en oeuvre que par les héritiers et les créanciers de la succession ; que l'inaction de Mme X... ayant fait perdre à celle-ci, à l'expiration du délai de prescription, la qualité d'héritier, il en résulte que la demande de ses ayants droit tendant à l'application de la sanction du recel successoral était irrecevable ..."
Cet arrêt rendu sous l'empire de l'article 792 ancien du code civil devenu l'article 778 du code civil, porte des principes toujours applicables.
1ère Civ,26 janvier 2011, pourvoi N°09-68.368
La cour censure les juges du fond au visa de l'article 792 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006. Elle considère que "les libéralités qui auraient été consenties par la de cujus à Mme Y. n’étaient ni rapportables, ni, en l'absence d'héritier réservataire, susceptibles d'être réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral".
-L'acte de dissimulation ou de soustraction.
La dissimulation peut viser:
. une donation, tel un don manuel d'une somme d'argent en vue d'une acquisition que fait un parent à un de ses enfants et qui doit être déclarée au moment de la succession. Son omission sera constitutive d'un recel.
. une donation déguisée que l’héritier gratifié omet de révéler ,alors qu'elle doit être considérée dans la liquidation de la succession et influera par essence sur les droits des héritiers.
. un retrait d'éspèces ou des virements opérés à son profit, rentrant dans une succession; 1ère Civ 28 juin 1985, pourvoi n°04-13776.
Les juges du fond sont souverains pour apprécier si un héritier a disposé de sommes à l'insu des autres cohéritiers. En l'espèce, la cour avait considéré que cela avait été rendu possible par le biais de procurations dont l'héritier disposait sur les comptes.
A noter: Lorsque des retraits de sommes sont opérés par un membre de la famille ,muni d'une procuration bancaire une analyse détaillée du ou des compte(s) pourra permettre de démontrer les ou les prélèvements excessif(s) plus ou moins réguliers à des fins personnelles. En effet, l'héritier recéleur tentera de plaider la plupart du temps à l'utilisation des sommes utilisées à des fins personnelles sur demande du défunt !
1ere Civ, 07 novembre 2012, rejet, pourvoi N°10-24581 et 1ère Civ, 12 septembre 2012, N° de pourvoi: 11-15006
a jugé que l’héritier qui ne justifie pas du retrait des sommes d’argent effectués sur les comptes bancaires du vivant du défunt encourt les sanctions du recel successoral et en doit le rapport à succession.
Ces dépenses confrontées aux dépenses courantes faites par la personne avant son décès serviront à caractériser le recel, et ce, même si ces opérations figuraient dans des comptes dont disposait le notaire.
L’absence de rapport spontanément d'une donation "rapportable", ou d'une donation réductible par préciput de somme d'argent prélevées indûment est constitutif de recel.
. Un héritier « caché ».
1ère Civ du 20 septembre 2006, a pu consacrer l'existence du recel d'héritier;
- Le détournement d'un bien, meuble, ou d'une dette dont l'héritier est redevable
- la non révélation lors d'un inventaire de l'existence de biens successoraux que l'on détient;
- La confection d'un faux testament.
B) L'élément intentionnel : la fraude aux droits des autres héritiers
Il s’agit d’une volonté de tromper sciemment, de fausser en conscience des opérations de partage, de tronquer son égalité.
En un mot nous sommes en présence de la mauvaise foi, du mensonge nullement assimilable à la simple erreur.
C) L'absence de repentir de l'héritier.
Le repentir en matière de recel constitué suppose une restitution SPONTANEE et ANTERIEURE aux poursuites, 1ère Civ 14 juin 2005, pourvoi n°04-10-755; 1ère Civ 17 janvier 2006, pourvoi n° 04-17-675. Celle-ci devra être libré et sincère.
Il ne suffira donc pas à un recéleur placé devant le fait accompli de se repentir.
II La question de l'assurance vie non révélée.
L’héritier bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie qui s’est abstenu volontairement d’en révéler l’existence peut-il être accusé de recel successoral ?
--La réponse de principe se trouve dans l’article L 132-13 du code des assurances
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »
1ère Civ, 12 décembre 2007,pourvoi N° 06-19-653 et
1ère Civ,17 mars 2010, pourvoi N° 09-10168
Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser l’intention frauduleuse de M. Y…, de porter atteinte à l’égalité du partage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
-- Cette réponse négative, trouve exception dans tout silence qui consisterait à dissimuler des primes manifestement exagérées.
1ère civ 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-19.653
« Mais attendu que s’agissant d’un contrat d’assurance-vie, dès lors que le capital ou la rente payables au décès du souscripteur et que les primes versées par lui, sauf preuve judiciairement constatée du caractère manifestement exagéré de celles-ci eu égard à ses facultés, ne sont pas soumis à rapport à la succession, la non-révélation de l’existence du contrat par un héritier n’est pas constitutive, par elle-même, d’un recel successoral, faute d’élément intentionnel ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du nouveau code de procédure civile, à celui critiqué, l’arrêt se trouve légalement justifié ».
Le contrat d’assurance-vie (au sens qui lui est donné ici par la cour de cassation) n’est donc pas soumis au rapport successoral. Etant hors succession, il ne peut faire l’objet de recel.
1ère Civ, 4 juin 2009, pourvoi n° 08-15.093
« La dissimulation du capital d'une assurance vie par un héritier est un recel successoral, si les primes versées par le souscripteur sont manifestement exagérées, elles constituent des libéralités dont il doit être tenu compte dans la liquidation de la succession »
« La non-révélation d’un contrat d’assurance-vie par un successible qui en est le bénéficiaire n’est constitutive d’un recel que si le silence gardé vise à dissimuler, sciemment, les primes manifestement exagérée versées par le souscripteur à l’entreprise d’assurance. Mais l’excès manifeste doit être judiciairement constaté »
Il faut rappeler que les les sommes versées au décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé en vertu d'un contrat d'assurance vie ne font pas partie de sa succession et sont la propriété exclusive du bénéficiaire.
Dans la mesure où le conjoint survivant et les héritiers du souscripteur qui n'ont pas été désignés comme bénéficiaires n'ont aucun droit sur le capital ou la rente garantis, la loi leur accorde des droits en leur laissant la possibilité d'intenter une actions en justice contre le bénéficiaire s'ils s'estiment lésés. Ils leur appartient alors d'apporter la preuve du caractère manifestement exagéré des primes par rapport aux facultés financières du défunt.
L'importance des primes s'appréciera souverainent par les Tribunaux au cas par cas au regard des éléments de fait propres à la situation :
- en comparant leur montant à celui de la fortune du souscripteur ou à son train de vie,
- en essayant d'évaluer le but poursuivi par le souscripteur.
Je reste à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine