Dans certains pays, l’adoption par un couple homosexuel est possible: ainsi en Espagne, Danemark ; Belgique, Pays-Bas,Suède, Norvège, Islande, Israël, Allemagne , au Royaume-Uni, ou en Tasmanie…
En France, le législateur se montre encore hostile à l'adoption des couples homosexuels afin d’éviter que l’enfant ait deux pères ou deux mères légaux et égaux en droit, sans oublier la complication liée à ce qu'un enfant déjà reconnu puisse se voir attribuer 3 parents de même sexe !
La Cour Européenne des Droits de l'Homme n’a pas hésité à rappeler par contre pour condamner la France, le 22 janvier 2008, que le refus d'adoption opposé à une homosexuelle au le seul motif de sa sexualité est contraire la CEHD.
Le 6 octobre 2010 le Conseil constitutionnel, saisi par deux femmes, sur la constitutionalité de la loi sur l’adoption a refusé de se substituer au législateur et a jugé l’article 365 du code civil conforme à la Constitution en ce qu’il énonce que :
« l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité..."
Les sages ont ainsi considéré que « le législateur a estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l'intérêt de l'enfant, une différence de traitement quant à l'établissement de la filiation adoptive à l'égard des enfants mineurs »
Ce principe posé,dans l'attente de voir ’évolution de la législation, c’est par la voie de la délégation de l’autorité parentale que les juges ont évolué.
L’article 377 du code civil énonce que:
« Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance.
En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale (…).
I L’intérêt supérieur de l’enfant : condition essentielle de la délégation de l’autorité parentale à son partenaire
Si l’adoption homoparentale est interdite en France, il n’est pas exclu que le seul titulaire de l’autorité parental puisse déléguer tout ou partie de l'exercice de son droit à son partenaire ( homme ou femme) avec lequel il vit.
Il faudra justifier d’une union stable et continue, des circonstances et le fait que la mesure respecte l'intérêt supérieur de l'enfant, notion chère à la convention internationale des droits de l’enfant.
A) L’Article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE)
La CIDE dite aussi "Convention de New York " adoptée par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989 dispose que:
« dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » article 3.1. de la CIDE
Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale
B) 1ère Civ 24 février 2006 pourvoi n° 04-17.090
La cour de cassation a admis la délégation de l'autorité parentale (dans le cas d'un couple de lesbiennes) en privilégiant l'intérêt supérieur de l'enfant en ces termes:
« Mais attendu que l’article 377, alinéa 1er, du code civil ne s’oppose pas à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en délègue tout ou partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors que les circonstances l’exigent et que la mesure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant ;
Attendu qu’ayant relevé que Camille et Lou étaient décrites comme des enfants épanouies, équilibrées et heureuses, bénéficiant de l’amour, du respect, de l’autorité et de la sérénité nécessaires à leur développement, que la relation unissant Mme X... et Mme Y... était stable depuis de nombreuses années et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants et que l’absence de filiation paternelle laissait craindre qu’en cas d’événement accidentel plaçant la mère, astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, Mme Y... ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu’elle avait toujours eu aux yeux de Camille et de Lou, la cour d’appel a pu décider qu’il était de l’intérêt des enfants de déléguer partiellement à Mme Y... l’exercice de l’autorité parentale dont Mme X... est seule titulaire et de le partager entre elles ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
En l’espèce, une femme mère de 2 enfants, dont la filiation paternelle n’a pu être établie, avait conclu un PACS avec sa compagne. La mère souhaitait déléguer partiellement l’autorité parentale dont elle était titulaire.
C) L’intérêt supérieur de l’enfant avec 1ère Civ 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-12.623
La cour de cassation a réaffirmé ce point pour deux femmes, seules titulaires de l’autorité parentale, chacune sur un enfant biologique, en précisant toutefois que la délégation d'autorité parentale au sein du couple homosexuel n’est pas un principe.
Dans l’espèce ,le pourvoi est rejeté parce qu’il n’est pas démontré en quoi la mesure demandée est conforme à l'intérêt supérieur des enfants. En effet, la cour d’appel a pu considérer qu’il n'était pas démontré en quoi la délégation de l'autorité parentale leur permettrait « d'avoir de meilleures conditions de vie ou une meilleure protection ».
Il le sera aussi au regard des circonstances que nous allons développer ci-dessous, pour rappeler que cette procédure n'est pas automatique et acquise...
II Les trois autres conditions posées par 1ère Civ 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-12.623
La cour autorise la délégation de l’autorité parentale à un couple de femmes homosexuelles sous 4 conditions, nous avons vu l’intérêt supérieur de l’enfant, reste les 3 autres.
A) Le parent qui délègue son autorité ( le délégant) doit être seul titulaire de l'autorité parentale
B) L’union entre le délégant et son partenaire qui bénéficie de la délégation ‘ ( le délégataire) doit être stable et continue
C) Des circonstances particulières doivent justifier la demande.
Cette preuve sera difficile à établir, au même titre que celle découlant du I
En l’espèce :
« les déplacements professionnels invoqués par les demanderesses n'étaient qu'exceptionnels,le risque d'accidents n'était qu'hypothétique et semblable à celui auquel se trouvait confronté tout parent qui exerce seul l'autorité parentale et celles-ci ne s'étaient pas heurtées à des difficultés particulières pour pouvoir jouer auprès des tiers ou de leur entourage familial le rôle de parents qu'elles entendaient se reconnaître mutuellement ».
Aux circonstances, est venue s'ajouter l'absence de preuve liée à l'intérêt supérieur de l'enfant pour aboutir au rejet du pourvoi.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris