A l’heure, où tant d'articles, plus ou moins rébarbatifs sur la e-réputation,le harcèlement ou la diffamation sur internet florissent sur la toile, alors que dès le 14 décembre prochain, la loi dite LOOPSI II devrait être examinée en seconde lecture par nos députés, je m’intéresserai au signalement du contenu litigieux…
Peut on tout dire et tout critiquer sur internet ?
Bien sûr que NON ! Il y a des limites à tout.
C’est pourquoi, il convient de rappeler la possibilité de mise en place par le ministère de l’intérieur, d'un service destiné à signaler des abus.
Le ministère de l’intérieur, a mis en place un service destiné à signaler des abus.
Il est possible depuis le 14 juin 2009 de signaler les abus par internet sur www.internet-signalement.gouv.fr à l'office central de lutte contre la criminalité, des sites ou des contenus contraires aux lois et règlements.
I- Dans quelles situation dénoncer un contenu ou un comportement et de quelle façon ?
A) Comment dénoncer ?
1°- Les deux possibilités dans la dénonciation
- dénoncer de façon nominative.
L’identité sera conservée confidentiellement.
Il suffit de remplir les mentions du formulaire, ou bien
- dénoncer de façon anonyme.
Tout signalement est conservé 10 ans
2°- La conservation de l'adresse IP
Le formulaire enregistrera les numéros « IP » (internet protocol) des émetteurs des signalements, que seuls les fournisseurs d'accès et de services sur Internet
Cette adresse IP de l’ordinateur du dénonciateur (Internet protocol) sera cependant enregistrée et conservée deux ans.
Les enquêteurs n'auront accès à l'identité de l'internaute, par le biais du fournisseur d’accès cachée derrière le numéro IP, qu'après avoir obtenu une autorisation du Procureur de la République.
B) A qui dénoncer ? la mise en place de la "PHAROS"
Des policiers et gendarmes sont affectés à la Plateforme d'Harmonisation, d'Analyse, de Recoupement et d'Orientation des Signalements PHAROS,laquelle est intégrée à l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information et de la Communication.Depuis le 16 juin 2009, les policiers et gendarmes « cyber criminalistes » de Pharos sont en action.
Un recoupement et une orientation des signalements sera possible.
C) Quels comportements ou contenus dénoncer ?
1°- Ce qu’il faut dénoncer : un contenu ou un comportement illicite
Nous parlons ici d’infractions bien plus graves.
L’internaute pourra signaler en ligne les contenus ou des comportements illicites constatés sur la toile.
2 conditions sont à relever:
Cela suppose que
a) le contenu ou le comportement à dénoncer apparaisse sur un blog, un forum, un tchat public, visible potentiellement par le public, une messagerie...
b) le contenu ou le comportement litigieux est visé dans notre code pénal, ou une loi française portant une incrimination spécifique. Nous sommes dans l’interdit, l’indécent,
Cette qualification juridique sera essentielle, puisqu’un simple contenu perçu comme immoral par une personne ou malsain, ne sera pas forcément à dénoncer en l’absence d’interdit légal.
Ainsi, la lutte contre le racisme, la pédophilie,la criminalité financière (vols de numéros de compte, ou l'incitation à la haine raciale sont du domaine de la dénonciaition.
2°- Ce qu’il ne faut pas dénoncer
Cette plate-forme "pharos", n’a pas pour but de d'enregistrer les dénonciations liées à un problème commercial,lequel peut être soumis au médiateur du net www.mediateurdunet.fr
De même que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes reste compétente pour tous litiges liés à la consommation.
Enfin, les spams commerciaux ou autres pourront être signalés sur www.signal-spam.fr
Les affaires privées, urgentes ou non doivent faire l’objet de plaintes particulières auprès du commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie
II- Les suites directes de la dénonciation : La dénonciation mensongère
A) La phase d’enquête jusqu'aux poursuites pénales
1°- Tous les signalements sont traités de la même manière par un service dépendant de la Direction Centrale de la Police Judiciaire,
Avant tout et dans la mesure du possible une vérification du site va s’opérer.
Dans un second temps, il sera question de savoir si une infraction pénale est constituée en la qualifiant.
Ensuite, une enquête pénale sous l’égide du procureur de la république s’enclenchera et d’éventuelles poursuites.
2°- Les poursuites pénales
La Police Nationale, de Gendarmerie Nationale, des Douanes ou de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sera opérée
De deux choses l’une, le contenu signalé est conçu en France, ou à l’étranger. Dans ce second cas, Interpol enquêtera et saisira les autorités judiciaires du pays concerné.
les informations pourront être communiquées aux services de police de l' Etat étranger lorsque “cet Etat assure à la vie privée, aux libertés publiques et aux droits fondamentaux des personnes à l’égard des traitements de données à caractère personnel un niveau de protection suffisant“. ( l’article 68 de la loi du 6 janvier 1978 dite loi Informatique et Libertés)
3°- La disparition du contenu illicite
Il faudra identifier l’hébergeur du site, qui seul pourra supprimer l’accès au contenu. est il en France ou à l’étranger ?
En effet, il s’agit là d’une affaire entre des personnes privés constituées de personnes morales (sociétés ) ou physiques (particuliers).
Actuellement, il est possible de demander à un juge d'imposer à l'hébergeur de supprimer un contenu ou de fermer un site.
Si le contenu est hébergé à l’étranger, la procédure sera ralentie
B) Les limites de la dénonciation
Article 226-10 du code pénal
La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi « des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.
C) L'arrivée de la LOOPSI II
La loi d'Orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ou LOPPSI II devrait être examinée en seconde lecture dans 48 heures.
L'article 23 de ladite Loi devrait autoriser les OPJ et APJ ,sur commission rogatoire à surveiller l'activité informatique et Internet d'une personne pour des affaires de crimes et délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 :meurtre, trafic de stupéfiants, aide au séjour irrégulier d'étranger, etc).
La loi vise tant la prévention de la délinquance cybercriminelle que l'utilisation des nouvelles technologies pour faciliter le travail de la police et de la justice.
le ministère de l'intérieur pourra « renforcer ses capacités dans l'anticipation, la prévention, la protection, la lutte et l'intervention contre les menaces et les risques susceptibles de porter atteinte aux institutions, à la cohésion sociale nationale, à l'ordre public, aux personnes et aux bien, aux installations et aux ressources d'intérêt général sur le territoire de la République »
l'article 4 vise à modifier la loi LCEN dite de confiance dans l'économie numérique
Il s'agit de renforcer la lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques sur Internet et de créer un dispositif de filtrage par l'intermédiaire duquel les FAI auront l'obligation d'empêcher l'accès des utilisateurs aux contenus illicites.
Ce blocage sera réalisé par l'intermédiaire d'une liste noire établie par arrêté du ministère de l'intérieur.
Ce dispositif de blocage vise à lutter contre les sites hébergés à l'étranger en mettant les FAI en première ligne du dispositif. Ce type de législation est déjà en vigueur au Danemark, en Grande-Bretagne, en Norvège, Aux Pays-Bas et en Suède avec des résultats plus ou moins probants en raison des difficultés techniques liées à un tel blocage.
Une extension numérique des écoutes téléphoniques, pourra intervenir, par voie de logiciel. Le juge d'instruction pourra autoriser la transmission par un réseau de communications électroniques de ce dispositif....
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris