Faut-il rappeler aux époux qui se séparent, que tant que le divorce n’est pas prononcé définitivement entre eux (non susceptible d’appel), tous types de fautes peuvent leur être opposées durant la procédure ? En effet, y compris après l’ordonnance de non -conciliation, qui autorise les époux à résider séparément, ces devoirs sont maintenus, durant toute la procédure de divorce.
C’est ce qu’a rappelé récemment la cour de cassation.
Pour 1ère Civ 14 Avril 2010, pourvoi n° 09/14006 : les devoirs du mariage subsistent pendant la procédure.
Dans le cadre de cet arrêt, une épouse reprochait le comportement déplacé de son mari.
La Cour d'Appel de RIOM, l'avait déboutée, le 24 mars 2009,considérant que ces faits postérieurs à l'ordonnance de non-conciliation ne pouvaient constituer des griefs invocables dans le cadre du prononcé du divorce.( voir III- décision in extenso)
Or la Cour de Cassation rappelle que le fait d’introduire une procédure de divorce ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage , une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux griefs invoqués.
I- Rappel des devoirs principaux des époux
article 212 du code civil : Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.
article 213 : Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir.
article 214 : Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile.
article 215: Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord.
Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous.
II- Conséquence de cette Jurisprudence
L’article 242 du code civil modifié par la Loi N° 2004-439 du 26 mai 2004 en vigueur au 1/01/2005 qui dispose:
Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Ce texte doit s’entendre au sens large, dans la date de commission des faits et trouver application durant toute l'instance en divorce.
Les griefs peuvent être établis par tous moyens.
Ex violences liées à des coups et blessures, injures, humiliations, adultère, mise en danger de la vie des enfants, dilapidation des biens familiaux, alcoolisme ou prise de stupéfiant, endettement excessif, crédits injustifiés….
1ère Civ 14 Avril 2010, pourvoi n° 09/14006 fait ainsi un rappel à la Loi au visa de l’article 242 du code civil.
Il est à noter que lors de la tentative de conciliation, le juge rendra une ordonnance qui, si elle autorise les époux à résider séparément, ne met pas un terme aux devoirs du mariage.
Tous types de griefs survenus avant, pendant ou après le prononcé de l’ONC sont donc recevables. Ce rappel à la Loi, aura des conséquences pour tout un chacun.
Une grande prudence s’imposera au regard de la faute, en particulier pour s'éviter le grief d’infidélité susceptible d’être invoqué dans le plus grand paradoxe après la fin de la cohabitation.
Séparation de domicile OUI, mais adultère durant le divorce NON susceptible d'appréciation par les juges du fond...
III- rappel de la Jurisprudence in extenso
Juridiction: Cour de cassation
Formation: Chambre civile 1
Date de la décision: mercredi 14 avril 2010
N°: 09-14006
Inédit au bulletin
Solution: Cassation partielle
Président: M. Charruault (président)
Avocats en présence: Me Balat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son second moyen de cassation ;
Sur le premier moyen pris en sa troisième branche :
Vu l'article 242 du code civil ;
Attendu que l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux torts invoqués ;
Attendu que M. Nicolas Z... et Mme Hélène X... se sont mariés le 1er juillet 2000 ; que, par acte du 20 août 2007, M. Z... a fait assigner son épouse en divorce pour faute ; que Mme X... a présenté une demande reconventionnelle en divorce ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande et prononcer le divorce à ses torts exclusifs, l'arrêt, après avoir dit qu'il était établi que M. Z... s'était livré à des agissements déplacés pendant le déroulement de la procédure, a retenu que, toutefois, de tels faits, survenus après la séparation des époux, ne sauraient constituer des griefs susceptibles de motiver le prononcé du divorce aux torts du mari ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il est possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce, des griefs postérieurs à l'ordonnance de non-conciliation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a prononcé le divorce des époux Z...- X... aux torts exclusifs de celle-ci, l'arrêt rendu le 24 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces régulièrement versées aux débats qu'entre le mois de février 2006 et le début du mois de novembre 2006, Hélène X... a passé sur la ligne professionnelle et sur le téléphone portable de Monsieur Pascal C..., à toutes heures de la journée, de multiples appels téléphoniques et SMS, dont le nombre peut être évalué à environ 2000 ; que si l'appelante ne conteste pas la fréquence de ces communications, elle l'explique par la relation amicale et professionnelle l'unissant à Pascal C..., à qui elle confiait ses problèmes personnels, alors que sa vie conjugale devenait de plus en plus difficile ; que si de tels éléments ne suffisent pas en eux-mêmes à établir la réalité d'une liaison adultère, ils caractérisent le comportement injurieux de l'épouse à l'égard du mari ; qu'en effet, Hélène X..., en entretenant à l'insu de son époux une relation téléphonique extrêmement durable et suivie avec un tiers, qu'elle tenait manifestement informé de tous les détails de sa vie quotidienne et privée, a fait preuve d'une déloyauté et d'un désintérêt manifestes à l'égard de son conjoint ; que le juge aux affaires familiales a relevé à juste titre que de tels faits constituaient une violation grave des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune ; qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir dénaturé l'objet du litige, dans la mesure où il appartient à la juridiction de restituer leur exacte qualification aux faits qui lui sont soumis par les parties ; qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle en divorce, Hélène X... invoque le harcèlement et les violences morales dont elle a été victime de la part de son époux ; que cependant, les attestations qu'elle produit n'établissent pas la réalité de ces griefs, et se bornent à faire état des grandes qualités de mère de l'appelante, ainsi que du comportement parfois peu responsable et peu attentionné du mari à l'égard de sa femme et de ses enfants ; qu'il est par ailleurs établi que Nicolas Z... s'est livré à des agissements déplacés pendant le déroulement de la procédure, notamment en adressant à diverses personnes de son entourage copie de l'ordonnance de non-conciliation ; que toutefois de tels faits, survenus après la séparation des époux, ne sauraient constituer des griefs susceptibles de motiver le prononcé du divorce aux torts du mari ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge du divorce ne peut fonder sa décision sur des faits qui n'ont pas été invoqués dans les conclusions ; qu'à l'appui de sa demande en divorce, Monsieur Z... faisait valoir que Madame X... avait entretenu une relation adultère ; qu'en estimant que la relation adultère imputée à l'épouse n'était pas établie, mais en prononçant néanmoins le divorce à ses torts exclusifs au motif qu'il apparaissait que celle-ci avait entretenu avec un tiers, à l'insu de son époux, « une relation téléphonique extrêmement durable et suivie » et qu'il incombait au juge de « restituer leur exacte qualification aux faits qui lui sont soumis par les parties » (arrêt attaqué, p. 8 § 2 et 3), la cour d'appel a violé l'article 242 du Code civil et les articles 4 et 12 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en affirmant que Madame X... avait eu un comportement fautif en entretenant à l'insu de son époux une relation téléphonique durable et suivie avec un tiers « qu'elle tenait manifestement informé de tous les détails de sa vie quotidienne et privée » (arrêt attaqué, p. 8 § 2), la cour d'appel, qui a reconstitué de façon hypothétique le contenu des échanges téléphoniques litigieux, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la séparation des époux à la suite de l'ordonnance de non-conciliation ne met pas fin aux devoirs du mariage ; qu'en estimant que Madame X... ne pouvait invoquer à l'appui de sa demande reconventionnelle en divorce les agissements « déplacés » de Monsieur Z... pendant le déroulement de la procédure, au motif que « de tels faits, survenus après la séparation des époux, ne sauraient constituer des griefs susceptibles de motiver le prononcé du divorce aux torts du mari » (arrêt attaqué, p. 9 § 1), la cour d'appel a violé l'article 242 du Code civil.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris