« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
Ce principe issu de l’article 1 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle renvoie notre constitution, fait que toute différence, atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe, vise le principe d’égalité et doit être sanctionné.
Le respect de ce droit constitutionnel concerne toutes personnes : privées, dépositaires de l'autorité publique, ou chargées d'une mission de service public.
De ce fait, les Etats doivent tenter de lutter contre la discrimination.
C’est ainsi, que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a pour but de protéger les droits de l'homme et se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'Homme.
De même la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969, a été ratifiée par 174 états et oblige les parties à éliminer toutes formes de discrimination raciale et à promouvoir l’entente entre les races.
Ainsi les propagandes et/ou organisations, la diffusions d’idées fondées sur des théories visant la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes ayant une certaine couleur de peau ou une certaine origine ethnique, ou qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciale sont visées.
Une procédure de recours individuel a été mise en place par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme…
I- Définition
A) Notion et Domaines
1°- Notion
La discrimination raciale est exclusive du racisme et suppose la pratique d’un traitement inégal, alors que le racisme est une théorie de la hiérarchisation des races et relève d’un jugement de valeur, ou d’une certaine idéologie contre des individus ou des groupes en raison de leur origine, réelle ou supposée.
Notre code pénal la définit au sens large en ces termes:
Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. (article 225-1).
2°- Domaines
La discrimination se retrouve dans divers domaines et sous divers comportements, tels que ceux liés au refus de fourniture d’un bien ou d’une prestation de services, (par exemple dans la délivrance d’un produit, le refus d’une inscription ou le refus de laisser rentrer une personne ou un groupe dans un lieu (une boîte de nuit, un café, un magasin… etc ), dans l’entrave de l'exercice normal d'une activité économique.
On la retrouve fréquemment dans les relations de travail (par exemple à l’embauche, dans le traitement, le salaire alors qu’à travail égal, salaire égal, l’avancement, la sanction, le licenciement …).
Ainsi le 15 décembre 2011, la Cour de cassation a pu confirmer la condamnation de Airbus à 18.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination à l'embauche en raison de l'origine de la personne.
B) Discrimination et liberté d'expression
Notre droit pose aussi des limites anciennes à la liberté d’expression, issues de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, pour sanctionner la discrimination raciale à travers la diffamation, l’injure raciale, la provocation et l’incitation à la haine raciale.
Cette loi trouve d’ailleurs une application sur internet.
1°- La diffamation discriminatoire consiste à porter atteinte à la réputation ; à l’honneur d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de la race, la religion, l'appartenance ethnique ou nationale d’une personne par des paroles ou des écrits , alors que
2°- l'injure raciale
visera plutôt un terme insultant ou de mépris qui ne portera pas sur un fait précis dont on pourra prouver la véracité ou la fausseté …
Dans les deux cas l’infracteur est présumé de mauvaise foi et devra faire preuve de sa « bonne intention »… !
Il s’agit d’une infraction pénale qualifiée de délit, qui sera jugée devant un tribunal correctionnel.
II- Sanctions et Actions
A) sanctions
La sanction encourue est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 Euros d'amende étant précisé que lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 Euros d'amende. (Articles 225-1 à 225-4 du Code pénal).
La diffamation publique raciale, religieuse, (journal, tract, radio, TV, internet…), l’incitation ou la provocation à la haine sont poursuivis d’une peine de un an d’emprisonnement et/ou de 45.000 euros d'amende, alors que l’injure publique raciale est sanctionnée de 6 mois et /ou 22.500 euros d’amende.
L'affichage ou la diffusion de la décision pourront être ordonnés par le tribunal.
Les mêmes infractions effectuées de façon privée, feront encourir une amende de la 4ème classe (750 euros au plus) et dépendront du juge de proximité.
Les personnes morales peuvent aussi être déclarées responsables pénalement d’actes de discriminations et encourir des peines d’amende et/ou d’interdiction d’activité.
B) Les actions
Dans ce type d’affaires publiques, il faut toujours agir vite, et déposer plainte auprès du commissariat de police ou des services de gendarmerie, voire par lettre recommandée avec accusé de réception entre les mains du procureur de la république.
La victime pourra aussi se constituer partie civile, ou citer l’auteur de faits devant le tribunal correctionnel et demander des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Le procureur de la république aura un droit de poursuites pour agir et citer l’auteur de faits discriminatoires.
Diverses associations, pourront agir et réagir contre le racisme et la xénophobie: la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) ; la Ligue des Droits de l’Homme, le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuples (MRAP); SOS RACISME….
Rappelons aussi que le Défenseur des droits, successeur du Médiateur de la République, mais aussi de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) est aussi là pour veiller…
Des poursuites pour discrimination peuvent être engagées dans les 3 ans de la commission des faits, alors que la diffamation publique « raciste » devra être poursuivie dans l’année où l'écrit sera porté à la connaissance du public et mis à sa disposition.
Les victimes de discrimination pourront saisir la juridiction pénale ou civile, ou le conseil des prud’hommes pour les salariés du privé, voire le tribunal administratif pour les agents de la fonction publique.
Dans le cadre du droit du travail ; il ne faut pas hésiter à aviser l’inspection du travail, les organisations syndicales et les délégués du personnel.
Cependant, la preuve du délit reste toujours difficile à rapporter.
Enfin, il faut savoir que la loi pour la confiance dans l'économie numérique, du 21 juin 2004 dite « LCEN » impose aux sites Internet de lutter contre la discrimination raciale et l’incitation à la haine raciale…
Si les sites hébergeurs de propos diffamatoires n’ont pas une obligation générale de surveillance des contenus hébergés sur leurs sites, cette loi prévoit qu’ils peuvent voir leur responsabilité engagée une fois informés de façon formelle et officielle…
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris