I- Analyse de l’arrêt
- Faits
Deux époux ont donné, par acte authentique, la nue propriété de parts sociales à leur fils. Le fils était représenté par un clerc de notaire titulaire d'un pouvoir donné sous seing privé. Or, les époux considèrent que la donation est nulle. Ils fondent cette demande en nullité sur l'article 933 du code civil, qui dispose que la procuration portant pouvoir d'accepter la donation doit être passée devant notaire.
La cour d'appel de Poitiers a accueilli la demande des époux dans une décision du 4 janvier 2012.
Le fils donataire se pourvoit en cassation. La nullité encourue étant relative, il estime être le seul à pouvoir se prévaloir de cette nullité. Il considère également que la cour d'appel aurait dû rechercher si les époux n'invoquaient pas la nullité pour faire échec au principe d'irrévocabilité des donations.
- La censure au visa des textes : les articles 931 à 933 sont des règles d'ordre public.
Article 931
Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité.
Article 932
La donation entre vifs n'engagera le donateur, et ne produira aucun effet, que du jour qu'elle aura été acceptée en termes exprès.
L'acceptation pourra être faite du vivant du donateur par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute ; mais alors la donation n'aura d'effet, à l'égard du donateur, que du jour où l'acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié.
Article 933
Si le donataire est majeur, l'acceptation doit être faite par lui ou, en son nom, par la personne fondée de sa procuration, portant pouvoir d'accepter la donation faite, ou un pouvoir général d'accepter les donations qui auraient été ou qui pourraient être faites.
Cette procuration devra être passée devant notaires ; et une expédition devra en être annexée à la minute de la donation, à la minute de l'acceptation qui serait faite par acte séparé.
II Présentation de 1 ère Civ, 11 septembre 2013, pourvoi N°;12.15618
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 4 janvier 2012), que par un acte authentique du 19 décembre 1990, les époux X... ont donné à leur fils M. Richard X... la nue-propriété de parts sociales ; que le donataire était représenté par un clerc de notaire titulaire d'un pouvoir donné sous seing privé le 7 décembre 1990 ; que les époux X... ont sollicité la nullité de la donation sur le fondement de l'article 933 du code civil ;
Attendu que M. Richard X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque la règle méconnue a pour objet de protéger un intérêt particulier, la nullité encourue est relative et seul le contractant dont l'intérêt est protégé est en droit d'invoquer la nullité ; que la nullité de la procuration donnée pour accepter une donation, dont les conditions de forme sont prescrites pour protéger le consentement du donataire, ne peut être que relative ; qu'en prononçant cependant la nullité de la procuration sous-seing privé du 7 décembre 1990 à la demande des époux X..., donateurs, cependant que seul le donataire était en droit de s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 932 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, le formalisme de la donation notariée a notamment pour objet de protéger le consentement des parties et de garantir l'irrévocabilité des donations ; que l'action en nullité du donateur pour vice de forme de l'acceptation du donataire présente un caractère abusif lorsqu'elle est engagée dans le seul dessein de faire échec à l'application du principe d'irrévocabilité des donations ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si les époux X... n'avaient pas demandé la nullité de la donation dans le seul dessein de se rétracter et de « retirer » à leur fils, par pur esprit de vindicte, la nue-propriété des parts sociales qu'ils lui avaient donnée vingt ans plus tôt, utilisant ainsi les règles relatives au formalisme de l'acceptation aux seules fins de déroger au principe de l'irrévocabilité des donations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 931 et suivants et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'en application des articles 931 à 933 du code civil, qui énoncent des règles d'ordre public, la donation entre vifs ne produira effets que du jour où elle sera acceptée par le donataire, qui peut être représenté à l'acte par la personne fondée de sa procuration passée devant un notaire ; qu'après avoir constaté que M. Richard X... avait accepté la donation de ses parents par un clerc de notaire investi d'une procuration établie sous seing privé, la cour d'appel a exactement déduit de cette irrégularité la nullité absolue de la donation, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Richard X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille treize.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris