Toute personne peut de son vivant donner ou répartir dans un acte notarié ses biens entre tous ses héritiers présomptifs, (ceux destinés à recueillir la succession : descendants ou à défaut, frères et sœurs , ou collatéraux).
La donation-partage permet de donner tout en anticipant sur la répartition de ses biens, c'est à dire sur le partage de sa succession et de donner de son vivant.
Elle permet de partager en toute liberté ses biens, lots, quotités ou valeurs et de les attribuer à des bénéficiaires.
Une donation-partage ne peut se faire sans l’accord et le consentement des enfants .
Après décès du donateur, seuls les biens non inclus dans la donation partage seront concernés par la succession.
I- si une donation-partage peut-être inégale...
A) Si une donation partage ne suppose pas nécessairement une répartition égale au profit des donataires ou bénéficaires...
Des parents peuvent favoriser un enfant par donation de leur vivant, par testament, par donation simple ou donation partage mais avec pour écueil de ne pas empiéter sur la réserve des autres enfants (part légale minimale réservée à chaque héritier).
En principe, le partage entre les enfants doit être équilibré à défaut de quoi des contestations éventuelles sur la valeur des parts seraient ouvertes après le décès du donateur....
La donation peut aussi porter sur tous les biens ou sur une partie .
B) ... elle ne doit pas porter atteinte à la réserve
1°- La réserve en présence d'enfant(s) varie ( exemple: elle est de la moitié de la succession en présence d'un enfant, des 2/3 de la succession en présence de deux enfants et des 3/4 au delà)
C'est au décès que l'on appréciera l'actif de succession et que soront calculées la réserve et la quotité disponible ( partie restante sur laquelle le défunt peut tester ou donner).
2°- C'est à l’ouverture de la succession, que le calcul de la valeur de la réserve et de la qutité disponible sera opéré sur l'actif successoral .
Le notaire procèdera au calcul de l'actif de succession en y englobant outre les biens laissés au décès, le total des donations à leur valeur respective au jour de son décès.
S'agissant de la donation partage, on se placera au jour de la donation partage sauf clause contraire.
L’article 1078 du Code civil dispose que :
« Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepté, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent ».
Ce texte s'entend en principe au jour de la donation partage pour les héritiers qui y ont participé.
A défaut, il faudra se placer au jour du déces pour les héritiers qui n'y auraient pas été partie. 1ere Civ 16 juin 2011, pourvoi N° 10-17.499 ( pour une donation conjonctive refusée par l'un des enfants, finalement décédé et pour lequel le fils agissait en réduction).
Si la valeur du lot de l'un des héritiers est inférieure à la part qu'il aurait dû recevoir, alors se pose le problème de l'action en réduction envisageable pour celui qui n'a pas participé à l'acte de donation partage alors que certains de ses frères et soeurs ont bénéficié en priorité de donations du vivant de leur parent, OU parce que l’évaluation du bien immobilier donné dans l'acte est erronée...
Si la donation-partage a été "conjonctive" c'est à dire consentie aux enfants par les deux parents, aucune contestation ne pourra être formulée avant le décès du dernier parent.
L'atteinte à la réserve s’appréciera au regard des successions confondues des deux parents, ce qui réduit encore les risques de remise en cause.
II- ... Mieux vaut prévenir que guérir
A) Des contestations possibles en cas de partage inégal
1°) L'action en réduction
En vertu de l’article 1077-2, alinéa 2 du code civil, l’action en réduction ne peut être introduite que ( qu')
-après le décès du second parent survivant en cas de partage conjonctif.
Il s'agit d'un acte par lequel les parents procèdent ensemble au partage de tous leurs biens; au moyen d’une donation partage .
-à condition qu'il n'y ait pas eu de renonciation par anticipation, dans un délai de 5 ans, au maximum et après le décès (art. 1077-2 du code civil). voire B)
Les héritiers réservataires avertis du dépassement de la quotité disponible par une donation après cinq ans ont un délai de deux ans pour agir à compter du moment où ils ont été informés de ce dépassement.
Dans tous les cas, ils ne pourront intenter une action plus de dix ans après le décès du donateur.
Une telle action ne vise pas en principe les biens inclus dans la donation partage lorsque tous les enfants participent à l’acte ( les biens donnés étant dispensés de rapport à la succession et évalués d’après leur valeur vénale au jour de la donation.voire l'article 1078 du code civil précité.
La remise en cause reste possible comme précisé plus haut par le biais de :
a) l'action en réduction pour l'héritier réservataire qui n'a pas concouru à la donation-partage, ( ex enfant né après l'acte ou évincé ) ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve,
Article 1077-1 du Code civil :
L’héritier réservataire, qui n’a pas concouru à la donation-partage, ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l’action en réduction, s’il n’existe pas à l’ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier.
b) La demande de réduction n'est possible que s'il ne reste plus rien au décès
Cette action permettra de demander aux frères et soeurs mieux gratifiés de reverser à l'héritier lesé soit une partie des biens reçus, soit une soulte, (somme d’argent destinée à équilibrer les lots) s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier article 1077-2 du code civil
Cela suppose de réévaluer les biens au jour de la donation partage pour ceux qui y ont participé (article 1078 du Code civil) OU au jour du déces pour ceux qui n'y ont pas été partie.1ere Civ 16 juin 2011,pourvoi N° 10-17.499
(pour une donation conjonctive refusée par l'un des enfants, finalement décédé pour lequel le fils agissait en réduction).
A défaut de reversement spontané sur demande du notaire, le Tribunal de Grande Instance devra être saisi.
c) La réévaluation de la soulte en cas de lésion du quart du bien : article 828 du code civil
"Lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement, et que, par suite de circonstances économiques, la valeur des biens mis dans son lot a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion"
2°) L'action en comblement de partage
Un l’héritier lésé qui recevrait 25 % de moins que son dû, peut engager, dans les deux ans qui suivent le règlement de la succession, l'action en “comblement de partage”.
Ainsi si un héritier reçoit un bien de 200.000 euros, alors qu’il aurait dû recevoir 300.000 euros, il peut demander que ses freères et/ou soeurs complètent sa part, à hauteur de 300.000 euros.
Article 889 du code civil
Lorsque l'un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
Pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage.
Article 890 du code civil
En cas de partages partiels successifs, la lésion s'apprécie sans tenir compte du partage partiel déjà intervenu lorsque celui-ci a rempli les parties de leurs droits par parts égales et sans tenir compte des biens non partagés.
Le délai de cette action en comblement de part est désormais de deux ans au lieu de cinq ans. (article 889)
B) Des clauses palliatives à tout recours
Si La répartition des lots lors de la donation-partage ne doit pas porter atteinte à la réserve héréditaire, des clauses "prudentes " dans l'acte permettent d'écarter tout contentieux.
1°- La clause de renonciation à l'action en réduction ou de reglement définitif inscrite par avance dans l’acte de donation-partage, pour rendre la contestation devient impossible
Il sera inscrit par le notaire dans l'acte que :
"les copartageants se reconnaissent entièrement remplis de leurs droits dans la succession de leur parent et qu'ils renoncent à élever dans l'avenir aucune réclamation ou contestation relative au présent partage"
Ainsi pour pallier à toute contestation, cette clause permettra de faire déclarer aux copartageants, lors de la signature de la donation-partage, qu’ils estiment sont remplis de leurs droits en recevant leur part et qu'ils renoncent à toute action en réduction.
Souvent chaque héritier déclarera aussi renoncer à exercer toute action contre un autre copartageant si son lot vient à augmenter de valeur par rapport aux autres par la suite.
2°) L'autorisation de vente des lots par chaque héritier copartageant indiquée dans l'acte, empêchera toute contestation .
Cette clause interdira à tout héritier de se retourner contre un éventuel acquéreur d’un bien reçu lors de la donation-partage .
En conclusion:
Pour éviter toute discussion, il est conseillé d'envisager une donation partage égalitaire, mais aussi d'y intégrer toutes donations précédentes et donc d'y inclure tous les héritiers réservataires.
Cela permettra en effet d'arrêter leur évaluation si bien qu'au décès le partage du patrimoine familial se fera sur un principe d’égalité.
Une clause de renonciation à tout recours évitera le contentieux.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris